Les faits, quels sont-ils ? Il s'agit de savoir si, oui ou non, les clubs de football professionnels français sont réellement en concurrence avec les clubs étrangers. Nous n'allons pas revenir sur tout notre argumentaire mais nous attarder sur un point capital pour juger si une entreprise est ou non en concurrence avec une autre. Pour cela, il nous faut connaître l'activité exacte des clubs concernés.
Quelle est donc l'activité économique d'un club de football
? Est-il un commerçant qui fait de l'import-export de marchandises (les
joueurs) ? Ou est-il un organisateur de spectacle sportif ?
L'arrêt Bosman, une
aubaine économique pour les clubs français
Si l'activité économique d'un club de football est l'achat
et la vente de joueurs de football en France comme à l'international, on peut
parler de concurrence. En effet, le marché européen est libéralisé et tous les
acteurs de ce marché (les clubs) peuvent vendre et acheter.
Mais si la concurrence existe bien sur ce marché, elle est
favorable aux clubs français. Grâce notamment à l'excellence de leur formation,
les clubs français sont en effet des exportateurs excédentaires et réalisent en
cela le rêve de toute PME hexagonale.
La preuve de ce succès est révélée par l'étude récente de
l'UCPF – qui pourtant se plaint de la concurrence étrangère – sur le
"décrochage" : les comptes d'exploitation des clubs français sont
régulièrement équilibrés grâce à l'activité d'achat et vente de joueurs.
En libérant le marché européen, l'arrêt Bosman, loin d'avoir
été une entrave à l'économie du football français, lui a ouvert des
perspectives d'affaires dont profitent aujourd'hui les clubs français.
Spectacle sportif :
l'essentiel est de participer
Raisonnons maintenant sur l'autre aspect de l'activité,
l'organisation de spectacle sportif – un spectacle non délocalisable, puisque
qu'un club français ne peut participer à un championnat étranger, pas plus
qu'un club étranger ne peut participer aux championnats français. Ici, nous l'avons
souligné dans notre précédent article, l'essentiel est de participer afin
d'avoir une part du gâteau (droits télé tout d'abord, mais aussi recettes
associées aux matchs). Ainsi, les clubs de Ligue 1 sont en concurrence entre eux
pour se maintenir dans cette compétition, et, pour les mieux armés, pour
s'inviter dans une compétition européenne, laquelle leur donnera accès à de
nouvelles recettes.
En n'attirant pas les meilleurs joueurs mondiaux depuis
l'arrêt Bosman, le football français a tout de même connu une hausse de son
chiffre d'affaires considérable. Droits télé et fréquentation des stades ont
explosé en vingt ans.
La moyenne de spectateurs par match de L1 était de 13.600 en
1996/97, elle oscille depuis entre 19.000 et 23.000 de moyenne. Quant aux
droits télé, ils connaissent une hausse constante depuis 1998/99 et sont ainsi
passé de 122 à 748 millions d'euros par an, à l'exception d'une baisse sur l'avant-dernier
contrat.
Ces bons résultats ont été obtenus indépendamment des
résultats dans les différentes Coupes d'Europe. L'activité économique d'un club
est donc bien circonscrite à une lutte intérieure qui se mène sur deux fronts :
se maintenir en Ligue 1 ou accéder aux Coupes d'Europe.
Et si l'on parle de concurrence européenne, comme le fait l'UCPF, il faudrait considérer la
répartition des droits télé des clubs espagnols – bien moins favorables que
celle qui prévaut en France, si l'on ne s'appelle pas le Real ou le Barça. Les
clubs russes ou portugais ne sont d'ailleurs pas mieux lotis sur ce terrain.
Quant à la fréquentation des stades, elle est moindre dans
plusieurs pays européens qui font jeu égal avec la France à l'indice UEFA : 10.217 spectateurs de moyenne au Portugal la
saison passée.
La ligue rêvée de
l'UCPF
A travers son étude sur le décrochage du football français,
l'UCPF n'a qu'un but : prendre le pouvoir. Il n'est qu'à lire entre les lignes
de son récent rapport pour s'en rendre compte. Ainsi les graphiques qui
figurent en préambule – et qui n'ont quasiment pas été commentés par la presse
– sont riches d'enseignement sur l'inconscient des présidents de clubs…
Qu'y trouve-t-on ? Des "atouts" et des
"contraintes" comparées entre les sept plus grands championnats
européens. Si les charges patronales, listées dans ces tableaux, sont
objectivement perçues comme des contraintes, comment interpréter la présence du
critère "ligue de 'clubs'", du critère "solidarité L1/L2"
ou du critère "barrages (play-offs)" ?
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que dans
l'esprit de l'UCPF, le fait que la France soit le seul pays où le pouvoir au
sein de la Ligue est partagé entre les clubs et les "familles du
football" est vécu comme une contrainte par les présidents. De même
que les 19% de recettes des droits télé à reverser aux clubs de L2 (une
contrainte partagée à ce niveau par la seule Allemagne) leur pèsent. Et que
dire de l'élimination directe que constitue le classement final du championnat
quand certains voisins offrent aux clubs de l'élite l'occasion de sauver leur
peau grâce à différentes formules de barrages ?
A travers le choix de ces critères de comparaison, l'UCPF
nous dessine sa ligue rêvée : une ligue contrôlée uniquement par les clubs, où
l'argent des droits télé reviendrait dans des proportions beaucoup plus grandes
qu'aujourd'hui aux clubs de L1, lesquels verraient leur place dans l'élite confortée
par un système de barrage pouvant limiter à un ou deux les relégations de fin
de saison.
JDL
Le système de barrage sait être spectaculaire (ex: Championship au Royaume-Uni) et permettrait de limiter le nombre de matchs ultra-défensifs auxquels 8-10 clubs menacés de relégation nous habituent dès le mois de septembre de chaque saison "pour prendre impérativement des points". Diminuer le risque de descendre et donc d'une faillite potentielle (Le Mans, Strasbourg etc.) autoriserait un meilleur spectacle et des investissements à long-terme. On peut aussi souhaiter que la ligue 1 garde les mêmes déséquilibres (quelques gros et d'autres qui survivent) mais le bon sens pousse vers une ligue plus fermée.
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