Dans le monde feutré des grandes fédérations sportives, les dagues
sont de sortie : pour la première fois depuis son élection en 2013, le
président du Comité international olympique (CIO) Thomas Bach a été
ouvertement critiqué, un événement rare mais révélateur d'un malaise.
Au
sommet du sport mondial, le linge sale se lave généralement dans la
discrétion. A Sotchi, en Russie, mardi, le patron de SportAccord, Marius
Vizer, l'a fait en public, devant toute la presse mondiale, en accusant
le président du CIO d'"interférer dans l'autonomie des organisations
sportives".
"En plus de 30 ans, je n'avais jamais vu cela. Son
discours était totalement inattendu", a commenté pour l'AFP M. Ching-Kuo
Wu, président taïwanais de l'Association internationale de boxe amateur
(AIBA) et membre du CIO, venu lui aussi à Sotchi pour le grand raout
annuel de SportAccord.
Parmi les 107 fédérations sportives membres
de SportAccord, toutes n'ont pas apprécié ce langage. Deux fédérations,
celle d'athlétisme (IAAF), pourtant principal parrain de SportAccord,
et de tir (ISSG), ont ainsi décidé de claquer la porte de
l'organisation. Après avoir cosigné avec 13 autres fédérations, dont
celle de M. Wu, une lettre de soutien à M. Bach.
Président de
SportAccord et de la Fédération internationale de judo, mais candidat
malheureux depuis longtemps pour un fauteuil au CIO, M. Vizer n'a pas
mâché ses mots lundi, accusant Thomas Bach "de bloquer la stratégie" de
son organisation "dans sa mission d'identifier et d'organiser des jeux
multi-sports". Elu à la tête de SportAccord en 2013 face au Français
Bernard Lapasset, le président de l'IRB, la Fédération internationale du
rugby, M. Vizer reproche en fait au CIO de vouloir avoir la main-mise
sur l'ensemble du mouvement sportif.
- 'Un séisme ? Non' -
L'Agenda 2020 adopté sous la houlette de M. Bach "n'apporte
presque pas de bénéfice au sport, aux Fédérations ou aux athlètes",
a-t-il accusé.
"Pour avoir parlé avec plusieurs de vos collègues,
j'ai l'impression que votre opinion ne reflète que vous-même", a
rétorqué M. Bach, qui a eu ensuite un entretien avec le président russe
Vladimir Poutine, puis a assisté en fin de soirée à un grand spectacle
de patinage sur glace, "sans modifier son programme".
Le discours
de M. Vizer "était malvenu et son attitude impolie", a confié un
président de fédération. "Les ressentiments, pas seulement personnels,
couvent depuis longtemps et peuvent parfois se comprendre", a cependant
ajouté un autre responsable d'une petite fédération, sous couvert
d'anonymat.
M. Vizer "n'est pas d'accord avec ce que le CIO veut
faire grâce à l'Agenda 2020", train de réformes qui vise globalement à
faire baisser le coût des jeux Olympiques. "Mais cet agenda a été adopté
à l'issue d'un processus totalement démocratique. Les 40
recommandations ont été adoptées et tout le monde était satisfait", a
insisté M. Wu.
"Est-ce un séisme ? Non", a expliqué un bon
connaisseur du mouvement olympique. "M. Vizer a tenté un pari, pour des
raisons personnelles et pour réaffirmer l'autonomie des grandes
fédérations. Mais il risque de subir très vite le retour du boomerang".
Premier
épisode : l'Association des fédérations internationales des sports
olympiques d'été (ASOIF) a réaffirmé elle aussi mardi son soutien à M.
Bach et a "suspendu son association avec SportAccord", abandonnant
encore un peu plus à son isolement le président judoka, qui a quelque
peu raté son ippon.
(AFP)
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