mercredi 13 mai 2015

Compte à rebours pour la grève qui menace le football espagnol

A cinq jours d'une grève annoncée des footballeurs qui mettrait prématurément un terme au Championnat d'Espagne, des haines tenaces bloquaient toujours mardi toute solution à une querelle obscure autour de la répartition des droits télévisés.

Gerard Piqué, Xavi Hernandez, Iker Casillas ou Sergio Ramos: soutenu par les plus grands noms de la Roja, le syndicat des joueurs (AFE) appelle à une grève illimitée à partir de samedi. Ce dernier proteste contre un nouveau système de répartition des droits télévisés entre les clubs qui, selon lui, lèse notamment la deuxième division.
La Fédération espagnole de football (RFEF), également mécontente de la nouvelle répartition, avait ouvert le feu en annonçant la suspension des matches à partir de la même date.
Le débrayage serait inédit en Espagne, empêchant les deux dernières journées du Championnat d'Espagne, les 17 et 23 mai, et menaçant la finale de la Coupe du Roi entre le FC Barcelone et l'Athletic Bilbao le 30 mai.
"Ca ne s'est jamais produit: il y a eu des journées de grève mais jamais une grève illimitée", souligne Alberto Palomar, professeur de droit spécialisé dans le sport à l'université Carlos III de Madrid.
Une perspective cauchemardesque dans un pays où le football est roi. Non seulement pour les supporteurs et pour la Ligue, qui chiffre les pertes potentielles à 50 millions d'euros par journée, mais aussi pour le gouvernement, en pleine campagne électorale.
La Ligue a porté plainte contre le syndicat.

- Echange d'insultes - Derrière la menace de grève se cache un conflit personnel, vieux de plusieurs années et pimenté d'insultes, entre le président de la Ligue professionnelle de football (LFP), Javier Tebas, et Angel Maria Villar, qui préside la Fédération depuis 27 ans.
Villar est même allé jusqu'à traiter Tebas de "connard", selon ce dernier qui s'en est plaint dans un communiqué.
"Qu'est-ce qu'il y a derrière tout ça? Des relations personnelles qui ne pourraient pas être pires. Ainsi qu'un cadre normatif très complexe", analyse Alberto Palomar.
Et s'il "était déjà difficile de savoir où commence la Fédération et où termine la Ligue, il y a maintenant de l'argent en jeu", ce qui, selon lui, a fait éclater le conflit.
Beaucoup d'argent: l'appel à la grève suit l'adoption le 30 avril d'un décret gouvernemental qui révolutionne le football espagnol.
Le texte confie à la LFP la responsabilité de vendre les droits de diffusion TV des clubs espagnols, alors que ceux-ci négociaient jusqu'à présent chacun de leur côté.
Le Real et le Barça se taillaient la part du lion d'un véritable pactole, qui après avoir atteint 800 millions d'euros pour la saison 2013-2014 pourrait s'élever à un milliard d'euros.
Tous les clubs acceptent le nouveau mode de négociation centralisée, y compris les deux "grands". Le mécontentement des joueurs et de la fédération porte ailleurs.

- Plusieurs issues possibles - La Fédération affirme que le décret réduirait son rôle à celui de simple "distributeur", l'obligeant à payer les cotisations des sportifs avec l'enveloppe qui lui sera allouée. En revanche, la Ligue pourrait utiliser la sienne pour ses frais de promotion.
Le syndicat de joueurs réclame lui un partage plus équilibré en faveur de la deuxième division et s'indigne de ne pas avoir été assez consulté lors de l'élaboration d'un décret qui le réduit au même niveau que les syndicats d'arbitres et d'entraîneurs.
Mais l'appât du gain pourrait aussi expliquer le mouvement. "Il semble que les joueurs veuillent percevoir une plus grand part des nouveaux revenus que récoltera la Ligue", analyse Javier Hervas, avocat et professeur en droit du sport.
"Les positions ne sont pas si éloignées", souligne toutefois Alberto Palomar, et une solution pourrait être trouvée d'ici samedi. De toute façon, le gouvernement "va devoir faire quelque chose sinon les gens vont lui sauter à la gorge".
Plusieurs issues sont envisageables.
Dès mercredi, la justice pourrait ordonner la suspension de la grève.
La possibilité d'amender le texte lors d'un passage au Parlement est a priori écartée par le gouvernement qui recherchait justement la rapidité en adoptant un décret.
Reste celle de promettre aux uns et aux autres de meilleures conditions de financement, sans toucher au décret, par exemple par la convention collective des joueurs, souligne Javier Hervas, directeur de Master à l'ISDE de Madrid.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.