jeudi 11 juin 2015

Coca-Cola continue de courtiser le sport français jusqu'au gouvernement



Quelle entreprise peut se vanter de faire venir un ministre et un secrétaire d'Etat à l'inauguration de son nouveau siège social ? Il en existe, certes. Quand il s'agit d'une entreprise créatrice d'emplois dans une région économiquement sinistrée, on ne manque jamais de politiciens pour prendre place sur la photo…
Mais quand il s'agit d'une multinationale qui a bénéficié d’une exonération fiscale en France pendant dix ans pour son usine de Dunkerque avant de menacer de quitter le Nord si celle-ci n’était pas prolongée, la photo devient politiquement voilée (1). Et elle se brouille carrément si l'on songe que cette même entreprise avait annoncé en 2011 son intention de cesser ses investissements dans ses outils de production pour protester contre la taxe sur les sodas (2).
Fin du suspens, le lecteur avisé aura reconnu Coca-Cola, qui non content de faire des trous dans l'estomac de ses consommateurs en fait aussi dans le budget de l'Etat.
Par charité chrétienne, nous passerons sur les accusations les plus graves qui pèsent sur la firme d'Atlanta, qui vont de la pollution engendrée par ses usines en Inde et au Mexique aux violences subies par ses salariés en Colombie ou au Guatemala, en passant par la répression syndicale en Turquie, comme l'a révélé le journaliste Michael Blanding dans son livre sans édulcorant The Coke Machine (3). 

Multinationale du diabète

Au fait, quel ministre et quel secrétaire d'Etat ont honoré de leur très républicaine présence la multinationale du diabète le 3 juin dernier à Issy-les-Moulineaux ? Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, et Thierry Braillard, secrétaire d'Etat aux Sports.
Et pour quelle raison ? Il semble que les caisses de l'Etat étant vides – et pour cause, de nombreuses multinationales, à force d'optimisation fiscale, soustraient de ces caisses des sommes qui seraient les bienvenues –, les politiques sportives publiques se tournent de plus en plus vers le mécénat privé… Et au passage, il s'agit pour les entreprises concernées d'un moyen cette fois irréprochable de bénéficier de nouvelles exonérations fiscales.
Coca-Cola est ainsi devenu officiellement partenaire du Centre national pour le développement du sport (CNDS) en juillet dernier, ce qui va lui donner l'occasion de parrainer des événements de promotion du sport-santé – si, si, sport-santé ! –en échange d'un chèque de 500.000 euros par an (4).
Il faut dire que Coca sait soigner son image dans le sport français. En novembre dernier, dans le cadre du Salon des maires, la marque américaine organisait une conférence intitulée "Une ville en forme" (sic) qui comptait parmi ses intervenants l'ancien basketteur Richard Dacoury, devenu consultant sport et partenariats chez Coca-Cola France.
Certes, Coca-Cola est une boisson énergétique – trop énergétique à en croire ses contempteurs – et les sportifs on besoin d'énergie pour carburer. Mais il nous avait semblé qu'elle était aussi implicitement visée par les divers plans de lutte contre le diabète et l'obésité. A titre d'exemple, le Plan Obésité 2010-2013 du ministère de la Santé prescrit de "prendre de bonnes habitudes alimentaires dans le cadre scolaire ou périscolaire" mais aussi de "renforcer les messages de santé publique et [de] réduire les effets de la pression publicitaire" (5).  Peut-on dire que ce but est atteint quand les plus hautes autorités de l'Etat en matière de sport s'affichent aux côtés d'une marque dont le produit phare – la cannette – ne contient pas moins de 38% des apports en sucres journaliers recommandés ?!

JDL


 

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.