Quelle entreprise peut se vanter de faire venir un ministre
et un secrétaire d'Etat à l'inauguration de son nouveau siège social ? Il en
existe, certes. Quand il s'agit d'une entreprise créatrice d'emplois dans une
région économiquement sinistrée, on ne manque jamais de politiciens pour
prendre place sur la photo…
Mais quand il s'agit d'une multinationale qui a bénéficié
d’une exonération fiscale en France pendant dix ans pour son usine de Dunkerque
avant de menacer de quitter le Nord si celle-ci n’était pas prolongée, la photo
devient politiquement voilée (1). Et elle se brouille carrément si l'on songe que
cette même entreprise avait annoncé en 2011 son intention de cesser ses
investissements dans ses outils de production pour protester contre la taxe sur
les sodas (2).
Fin du suspens, le lecteur avisé aura reconnu Coca-Cola, qui
non content de faire des trous dans l'estomac de ses consommateurs en fait
aussi dans le budget de l'Etat.
Par charité chrétienne, nous passerons sur les accusations
les plus graves qui pèsent sur la firme d'Atlanta, qui vont de la pollution engendrée
par ses usines en Inde et au Mexique aux violences subies par ses salariés en Colombie
ou au Guatemala, en passant par la répression syndicale en Turquie, comme l'a
révélé le journaliste Michael Blanding dans son livre sans édulcorant The Coke Machine (3).
Multinationale du
diabète
Au fait, quel ministre et quel secrétaire d'Etat ont honoré
de leur très républicaine présence la multinationale du diabète le 3 juin
dernier à Issy-les-Moulineaux ? Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la
Jeunesse et des Sports, et Thierry Braillard, secrétaire d'Etat aux Sports.
Et pour quelle raison ? Il semble que les caisses de l'Etat
étant vides – et pour cause, de nombreuses multinationales, à force
d'optimisation fiscale, soustraient de ces caisses des sommes qui seraient les
bienvenues –, les politiques sportives publiques se tournent de plus en plus
vers le mécénat privé… Et au passage, il s'agit pour les entreprises concernées
d'un moyen cette fois irréprochable de bénéficier de nouvelles exonérations
fiscales.
Coca-Cola est ainsi devenu officiellement partenaire du
Centre national pour le développement du sport (CNDS) en juillet dernier, ce
qui va lui donner l'occasion de parrainer des événements de promotion du
sport-santé – si, si, sport-santé ! –en échange d'un chèque de 500.000 euros
par an (4).
Il faut dire que Coca sait soigner son image dans le sport
français. En novembre dernier, dans le cadre du Salon des maires, la marque
américaine organisait une conférence intitulée "Une ville en forme"
(sic) qui comptait parmi ses intervenants l'ancien basketteur Richard Dacoury,
devenu consultant sport et partenariats chez Coca-Cola France.
Certes, Coca-Cola est une boisson énergétique – trop énergétique
à en croire ses contempteurs – et les sportifs on besoin d'énergie pour
carburer. Mais il nous avait semblé qu'elle était aussi implicitement visée par
les divers plans de lutte contre le diabète et l'obésité. A titre d'exemple, le
Plan Obésité 2010-2013 du ministère de la Santé prescrit de "prendre de
bonnes habitudes alimentaires dans le cadre scolaire ou périscolaire" mais
aussi de "renforcer les messages de santé publique et [de] réduire les
effets de la pression publicitaire" (5). Peut-on dire que ce but est atteint quand les
plus hautes autorités de l'Etat en matière de sport s'affichent aux côtés d'une
marque dont le produit phare – la cannette – ne contient pas moins de 38% des apports
en sucres journaliers recommandés ?!
JDL
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