Nageuses autrichiennes renversées par un bus dans le village des
athlètes, critiques des militants des droits de l'Homme contre
"l'atmosphère de répression" en Azerbaïdjan: à la veille de la cérémonie
d'ouverture, les tout premiers jeux Européens ne naissent pas sous les
meilleurs auspices.
Pour l'autoritaire président Ilham Aliev, qui
dirige ce pays riche en hydrocarbures depuis 2003 après avoir succédé à
son père, ces Jeux étaient pourtant la vitrine rêvée pour afficher les
ambitions olympiques du pays et se rapprocher de l'Europe.
En 30
mois et pour près d'un milliard d'euros de budget officiel, Bakou a fait
construire 18 sites, dont une arène de 66.000 places. Quelque 6.000
athlètes participent jusqu'au 28 juin et dans 20 disciplines à ces tout
premiers Jeux européens.
Mais jeudi, une nageuse de l'équipe
autrichienne de natation synchronisée a été grièvement blessée,
renversée par un bus assurant des navettes dans le village des athlètes.
Vanessa Sahinovic, 15 ans, "souffre d'un polytraumatisme avec fractures
multiples", deux autres nageuses étant plus légèrement blessées.
Sur
le plan politique, Ilham Aliev doit par ailleurs affronter les
critiques des militants des droits de l'Homme, désireux de mettre en
lumière les abus d'un régime où journalistes, opposants et défenseurs
des droits de l'Homme sont régulièrement emprisonnés.
- L'OSCE indésirable -
"Derrière l'image d'une nation moderne et ouverte, l'Azerbaïdjan
est un Etat où la critique des autorités est chaque jour frappée par la
répression", écrit Amnesty International dans un rapport intitulé
"Azerbaïdjan: les Jeux de la répression", qui a valu aux représentants
de l'ONG d'être déclarés personae non gratae dans la petite république
du Caucase jusqu'à la fin des Jeux.
L'Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a reçu quant à elle, le 5
juin, une lettre du gouvernement azerbaïdjanais lui donnant "un mois à
partir du 4 juin" pour fermer son bureau de Bakou.
"Le pays se
développe rapidement et nous avons décidé qu'il n'y avait plus besoin
d'un bureau de l'OSCE à Bakou", a justifié jeudi à la presse le vice-ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères, Araz Azimov.
La
lettre du gouvernement azerbaïdjanais est cependant arrivée deux jours
après la publication sur le site openDemocracy d'une tribune co-signée
par Dunja Mijatovic, la représentante de l'OSCE pour la liberté des
médias, dénonçant "la brutalité des méthodes d'intimidation, de
harcèlement et d'obstruction utilisées par les autorités
azerbaïdjanaises".
L'ONG Human Right Watch (HRW), qui dénonce "une
atmosphère de répression sans précédent dans l'ère post-soviétique", a
dénombré au moins 35 défenseurs des droits de l'Homme, militants
politiques et de la société civile, journalistes et blogueurs
emprisonnés sur des "accusations bidon".
Exemple le plus
emblématique, la journaliste indépendante Khadija Ismaïlova, récompensée
pour ses enquêtes sur la corruption du régime, est détenue depuis
décembre pour fraude fiscale.
- 'Brutalité' -
Les méthodes d'obstruction dénoncées par Dunja Mijatovic
concernent aussi les journalistes étrangers, dont trois au moins se sont
vu refuser l'entrée dans le pays.
Le correspondant de Radio
France Internationale (RFI) dans le Caucase, Régis Genté, visé par cette
mesure, a expliqué à l'AFP n'avoir reçu aucune explication des
autorités justifiant leur décision. Un journaliste du quotidien
britannique The Guardian a également été refoulé à son arrivée à Bakou.
"La
répression du gouvernement rend ces Jeux européens historiques pour de
mauvaises raisons", a assuré dans un communiqué Rachel Denber,
directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale à HRW.
Le
monde sportif est pourtant resté silencieux. Seul le Comité olympique
allemand (DOSB) a rejoint l'appel lancé par Michel Forst, le rapporteur
spécial de l'ONU sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme,
pour que l'Azerbaïdjan libère ses "prisonniers politiques".
Bakou,
par la voix d'un conseiller d'Ilham Aliev, a nié jeudi ces abus et
accusé les ONG de mener une campagne de dénigrement orchestrée par les
capitales européennes. "L'Etat de droit est appliqué en Azerbaïdjan. Les
libertés fondamentales y sont respectées et il n'y a pas de prisonnier
politique", a assuré M. Gassanov en conférence de presse .
Jeudi,
environ 150 manifestants pro-gouvernementaux se sont réunis devant
plusieurs ambassades pour dénoncer une "campagne anti-Azerbaïdjan".
Et
l'agence de presse officielle nationale, APA, a appelé les journalistes
locaux à délivrer une "information vraie" sur l'Azerbaïdjan en réaction
au hashtag #Baku2015, lancé sur Twitter par plusieurs ONG défendant la
liberté de la presse.
(AFP)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire