Avant la loi-cadre sur le sport annoncée pour la fin de l'année, qui ne manquera pas de rebattre les cartes de l'organisation du sport en France, il est une autre réforme qui va bouleverser les structures sportives françaises : le transfert des centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps) aux régions. Pour rappel, les Creps ont aujourd'hui deux missions principales : la formation, la préparation de sportifs de haut niveau et la mise en œuvre du double projet sportif, scolaire et professionnel ; l'organisation des formations professionnelles initiales ou continues dans le domaine des activités physiques ou sportives et de l’animation. Sur les vingt-quatre Creps créés en France aux cours des dernières décennies, huit* ont été fermés à partir de 2009 par le précédent gouvernement dans le cadre des mesures de révision générale des politiques publiques (RGPP) (lire ci-contre notre article du 20 décembre 2010).
Dans le cadre de la réflexion engagée sur les missions prioritaires de l’Etat au titre de la modernisation de l’action publique, mais aussi dans la perspective de l’acte III de décentralisation, la question de l'avenir de ces établissements se pose. Pour le ministère des Sports, l’objectif est de conforter un réseau d’établissements couvrant les besoins du territoire. Des établissements qui seraient à la fois des outils de la politique nationale du sport de haut niveau et du service public de la formation. Mais il s’agit aussi d’asseoir leur ancrage territorial autour d’un projet partagé avec les collectivités locales, et en particulier les régions, dans le cadre d’une nouvelle gouvernance associant les acteurs du territoire.
Un transfert inspiré des EPLE
La mesure envisagée revient donc à modifier le Code du sport afin de transformer les Creps en établissements publics locaux de formation du sport, sur un modèle "inspiré mais non transposé" des établissements publics locaux d'enseignement (EPLE). Les principales dispositions inscrites dans la loi seraient les suivantes : transfert à titre gratuit du patrimoine aux régions ; charge du fonctionnement, de l’investissement et des personnels TOS aux régions ; prise en charge par l’Etat de la rémunération des agents exerçant dans les établissements, hors personnels TOS ; une gouvernance assurant la représentation équilibrée des acteurs du territoire et une présidence confiée aux régions ; des mesures de compensation liées au transfert de services.Sur le principe du transfert, toutes les parties prenantes – Etat, Association des régions de France (ARF) et représentants des personnels, qui se sont rencontrés lors de réunions bilatérales ces dernières semaines – sont aujourd'hui d'accord. Bien entendu, "l'ARF est attentive à ce que les compensations financières soient à la hauteur des coûts et des enjeux", précise Pascal Bonnetain, président de la commission sport de l'association. Mais au-delà de l'aspect financier, une double question se pose : quels établissements vont finalement être transférés et, partant, toutes les régions auront-elles un Creps au bout de la réforme ?
Vers une décentralisation limitée aux Creps existants ?
Du côté du Syndicat national des activités physiques et sportives (Snaps), le plus important du ministère des Sports, on prône une décentralisation "classique". "Le seul moyen de recréer des Creps dans les régions où ils ont disparu, c'est de passer par une décentralisation, c'est-à-dire une obligation pour chaque conseil régional de créer un établissement régional du sport", plaide son secrétaire général Jean-Paul Krumbholz. Du côté de l'ARF, si l'on souhaite que la réforme vaille "solde de tout compte", Pascal Bonnetain estime qu'"aujourd'hui la feuille de route du ministère porte sur les seize établissements. Valérie Fourneyron ne peut transférer que les établissements dont elle a la charge, et l'ARF ne peut pas demander à une région qui n'a pas d'établissement d'en créer un, même si nous prônons un établissement par région".Plusieurs scénarios semblent pourtant se dessiner. Dans le premier, souhaité par le Snaps et les autres organisations syndicales, toutes les régions auront obligation de créer un établissement. Dans le deuxième scenario, l'Etat se désengagerait des établissements encore sous sa tutelle en proposant aux régions de leur prêter les personnels d'encadrement et pédagogiques, charge à elles de reprendre les murs. "En caricaturant un peu, la région a dans ce cas droit de vie ou de mort sur l'établissement", commente Jean-Paul Krumbholz. Pascal Bonnetain n'écarte pas le scenario d'une décentralisation à la carte et le regrette : "La mission de l'ARF est de bien travailler sur l'ensemble des établissements. On demande une contractualisation ferme entre le ministère et l'ARF pour que les Creps ne changent pas de vocation selon les politiques de certaines régions. La notion de réseau d'établissements est importante et nous tenons à ce que ce réseau perdure. Le Creps est le bras armé de notre politique sportive. Mais on ne peut pas l'imposer."
Dernier scenario, le plus probable : la décentralisation ne toucherait que les Creps existants, les régions non pourvues se voyant offrir la possibilité de créer un établissement sous une forme innovante, encore à déterminer, qui pourrait être différente selon les territoires, avec, le cas échéant, la présence de personnels de l'Etat issus d'un redéploiement à effectifs constants. "Cela créerait une inégalité sur les territoires", se désole déjà Jean-Paul Krumbholz. Mais dans ce dossier qui navigue entre considérations techniques, financières et politiques, la fin du match est loin d'être sifflée.
(Source : Localtis)
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