Associé à Gervais Martel pour la reprise du RC Lens, l’homme d’affaires azerbaïdjanais investit
dans le football pour la promotion internationale de la république du Caucase.
A quarante-huit ans, Hafiz
Mammadov est devenu très actif depuis
une année sur la scène du football
européen. Après de premiers accords
commerciaux et sportifs avec l’Atlético Madrid et le FC Porto, il doit devenir copropriétaire avec Gervais Martel
du RC Lens au 1er juillet si l’accord avec
le Crédit agricole Nord de France
(CANF), actionnaire majoritaire, est
définitivement finalisé. Cette arrivée braque les projecteurs sur cet homme d’affaires de
petite taille. Et sur une jeune République de neuf millions d’habitants, indépendante à l’issue de
l’effondrement
du bloc soviétique en
août 1991.
L’Azerbaïdjan
bénéficie de ressources en matières premières
(pétrole, gaz) qui
ont permis son
développement
économique dès
la fin des années 1990. Cet
essor brutal dans
un Etat en formation a été une
source de richesse importante
pour les entrepreneurs locaux, à l’instar d’Hafiz Mammadov.
Originaire du Nakhitchevan, exclave
azérie séparée par l’Arménie et fief de la famille de l’actuel président IIham Aliyev, ce père de trois enfants étudie l’économie et la comptabilité à l’université de Bakou, future
capitale du pays. Ce parcours académique l’amène à travailler dans l’administration publique puis dans le secteur bancaire au moment de l’indépendance du pays.
En 1998, il fonde la
société financière Baghlan Trading,
basée à Dubaï, qui devient Baghlan
Group cinq ans plus tard. Hafiz Mammadov diversifie alors l’activité, qui regroupe la construction et l’équipement, en lien avec l’industrie pétrolière et l’entreprise publique SOCAR,
ainsi que les transports (taxis et bus de
Bakou). Bourreau de travail, entouré
de gardes du corps et d’avocats spécialisés en tous genres, il jongle avec
ses sept téléphones portables et parle
trois langues (azéri, russe, anglais). De
confession musulmane, il respecte le
culte et ne travaille pas le vendredi.
Depuis ses bureaux suisses ou londoniens, il prend seul ses décisions. Profitant de la croissance forte et régulière
de Baghlan Group (+10%en 2012), le
chef d’entreprise amasse une fortune
personnelle que l’absence de transparence financière dans le pays ne permet pas d’établir avec précision mais
qui peut être estimée au-delà du milliard d’euros.
Malgré ce poids financier et ce
quasi statut de chef d’Etat, Hafiz Mammadov n’est pas un oligarque sur le
modèle de Roman Abramovitch, propriétaire russe de Chelsea, ou de Dimitri Rybolovlev, son homologue de Monaco. L’Azéri, qui se déplace en boitant
à la suite d’un problème de hanche,
doit son rang à ses relations avec le
pouvoir politique. Très proche du ministre des transports, Ziya Mammadov, sans lien de parenté, le président
de Baghlan Group est l’un de ses principaux hommes de confiance, chargé
de gérer ses actifs.
L’intérêt pour le sport et le football se
concrétise en 2004. Hafiz Mammadov
prend le contrôle du FC Bakou, champion national en 2006 et 2009, et siège
au sein de la Fédération azérie de football. "L’arrivée d’oligarques dans le
football est une volonté politique, explique Raphaëlle Mathey, spécialiste
du pays. Le sport véhicule l’apologie
d’une nation forte." Cet investissement doit s’exporter à l’international
et Mammadov fait figure de porte-parole du mouvement.
En décembre 2012, il négocie un contrat de
sponsoring maillot avec l’Atlético Madrid, accompagné d’un accord de formation entre les deux pays. Le mois
dernier, c’est avec le FC Porto que
l’Azerbaïdjanais négocie des liens
sportifs. Avant d’investir prochainement en Angleterre (Sunderland ?).
"Ce qui me frappe, c’est son obsession
pour sa cause : les gamins du pays, assure Jocelyn Blanchard, ancien directeur sportif de Lens, en contact permanent avec le bras droit de Mammadov,
M. Elmaddin. Il sait comment fonctionne
un club et comment faire progresser
les joueurs de son pays par
échange de compétences et l’organisation
de stages."
L’entourage de Gervais Martel ne cesse de vanter les qualités d’accueil de
l’homme d’affaires, connaisseur de
l’histoire française et de la L1, mais rarement à l’heure pour ses rendez-vous,
faute de temps.
Cette intelligence et cette
empathie ne sont pas dénuées d’intention puisque la France est un des pays-clés pour l’exécutif azerbaïdjanais. Contrer la
présence dans l’Hexagone d’une importante communauté arménienne,
en conflit avec l’Azerbaïdjan, est également un objectif
dans cette lutte d’influence. Interrogé
il y a trois semaines par sa presse nationale, Hafiz Mammadov imagine déjà très bien la concrétisation de cet investissement : "Je pense que le drapeau
azerbaïdjanais sera hissé sur le
stade de Lens."
(Source : L'Equipe)
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