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jeudi 20 juin 2013

Reprise du RC Lens : "Je pense que le drapeau azerbaïdjanais sera hissé sur le stade de Lens"

Associé à Gervais Martel pour la reprise du RC Lens, l’homme d’affaires azerbaïdjanais investit
dans le football pour la promotion internationale de la république du Caucase.

A quarante-huit ans, Hafiz Mammadov est devenu très actif depuis une année sur la scène du football européen. Après de premiers accords commerciaux et sportifs avec l’Atlético Madrid et le FC Porto, il doit devenir copropriétaire avec Gervais Martel du RC Lens au 1er juillet si l’accord avec le Crédit agricole Nord de France (CANF), actionnaire majoritaire, est définitivement finalisé. Cette arrivée braque les projecteurs sur cet homme d’affaires de petite taille. Et sur une jeune République de neuf millions d’habitants, indépendante à l’issue de l’effondrement du bloc soviétique en août 1991. L’Azerbaïdjan bénéficie de ressources en matières premières (pétrole, gaz) qui ont permis son développement économique dès la fin des années 1990. Cet essor brutal dans un Etat en formation a été une source de richesse importante pour les entrepreneurs locaux, à l’instar d’Hafiz Mammadov. Originaire du Nakhitchevan, exclave azérie séparée par l’Arménie et fief de la famille de l’actuel président IIham Aliyev, ce père de trois enfants étudie l’économie et la comptabilité à l’université de Bakou, future capitale du pays. Ce parcours académique l’amène à travailler dans l’administration publique puis dans le secteur bancaire au moment de l’indépendance du pays.
En 1998, il fonde la société financière Baghlan Trading, basée à Dubaï, qui devient Baghlan Group cinq ans plus tard. Hafiz Mammadov diversifie alors l’activité, qui regroupe la construction et l’équipement, en lien avec l’industrie pétrolière et l’entreprise publique SOCAR, ainsi que les transports (taxis et bus de Bakou). Bourreau de travail, entouré de gardes du corps et d’avocats spécialisés en tous genres, il jongle avec ses sept téléphones portables et parle trois langues (azéri, russe, anglais). De confession musulmane, il respecte le culte et ne travaille pas le vendredi. Depuis ses bureaux suisses ou londoniens, il prend seul ses décisions. Profitant de la croissance forte et régulière de Baghlan Group (+10%en 2012), le chef d’entreprise amasse une fortune personnelle que l’absence de transparence financière dans le pays ne permet pas d’établir avec précision mais qui peut être estimée au-delà du milliard d’euros.
Malgré ce poids financier et ce quasi statut de chef d’Etat, Hafiz Mammadov n’est pas un oligarque sur le modèle de Roman Abramovitch, propriétaire russe de Chelsea, ou de Dimitri Rybolovlev, son homologue de Monaco. L’Azéri, qui se déplace en boitant à la suite d’un problème de hanche, doit son rang à ses relations avec le pouvoir politique. Très proche du ministre des transports, Ziya Mammadov, sans lien de parenté, le président de Baghlan Group est l’un de ses principaux hommes de confiance, chargé de gérer ses actifs. L’intérêt pour le sport et le football se concrétise en 2004. Hafiz Mammadov prend le contrôle du FC Bakou, champion national en 2006 et 2009, et siège au sein de la Fédération azérie de football. "L’arrivée d’oligarques dans le football est une volonté politique, explique Raphaëlle Mathey, spécialiste du pays. Le sport véhicule l’apologie d’une nation forte." Cet investissement doit s’exporter à l’international et Mammadov fait figure de porte-parole du mouvement.
En décembre 2012, il négocie un contrat de sponsoring maillot avec l’Atlético Madrid, accompagné d’un accord de formation entre les deux pays. Le mois dernier, c’est avec le FC Porto que l’Azerbaïdjanais négocie des liens sportifs. Avant d’investir prochainement en Angleterre (Sunderland ?). "Ce qui me frappe, c’est son obsession pour sa cause : les gamins du pays, assure Jocelyn Blanchard, ancien directeur sportif de Lens, en contact permanent avec le bras droit de Mammadov, M. Elmaddin. Il sait comment fonctionne un club et comment faire progresser les joueurs de son pays par échange de compétences et l’organisation de stages." L’entourage de Gervais Martel ne cesse de vanter les qualités d’accueil de l’homme d’affaires, connaisseur de l’histoire française et de la L1, mais rarement à l’heure pour ses rendez-vous, faute de temps.
Cette intelligence et cette empathie ne sont pas dénuées d’intention puisque la France est un des pays-clés pour l’exécutif azerbaïdjanais. Contrer la présence dans l’Hexagone d’une importante communauté arménienne, en conflit avec l’Azerbaïdjan, est également un objectif dans cette lutte d’influence. Interrogé il y a trois semaines par sa presse nationale, Hafiz Mammadov imagine déjà très bien la concrétisation de cet investissement : "Je pense que le drapeau azerbaïdjanais sera hissé sur le stade de Lens."

(Source : L'Equipe

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