Selon l’économiste du sport Jean-François Bourg, taxer à 75 % les hauts revenus ne met pas en péril l’équilibre économique du football professionnel.
La taxe à 75 % met-elle en péril l’équilibre économique du football français ?
Jean-François Bourg : Certainement pas. Elle devrait rapporter 44 millions d’euros alors que le chiffre d’affaires global du football professionnel approche 1,2 milliard d’euros. En France, le salaire mensuel moyen d’un footballeur est voisin de 50 000 euros. Or la taxe ne s’appliquera que sur le montant des revenus supérieurs à 1 million d’euros par an. 115 joueurs seulement sur un millier de footballeurs professionnels sont concernés. L’expérience montre qu’en cas de difficulté pour un club, il y a toujours un mécène public ou privé pour venir à son secours.
Les présidents de clubs dénoncent pourtant un dispositif mortifère…
Leur réaction est indécente. Ils avaient une occasion inespérée de se montrer solidaires et de contribuer à l’effort national. Le football professionnel adore recevoir mais il déteste donner. Chaque année, il perçoit pourtant près de 100 millions d’euros d’argent public si on met bout à bout les subventions, les achats de prestations, la prise en charge de l’entretien des stades et les exonérations de taxes sur les spectacles… Et ne parlons pas des 600 millions d’euros investis par l’État et les collectivités locales dans la construction et la rénovation de stades pour l’Euro 2016. Pour édifier ces enceintes surdimensionnées, on n’a pas hésité à siphonner 20 % du budget du Centre national pour le développement du sport, l’établissement public chargé d’appuyer les projets des associations et de corriger les inégalités territoriales.
L’opinion publique se désolidarise-t-elle du football professionnel ?
Enfin !, je serais tenté de dire. Depuis le début de la crise, alors qu’il était de bon ton de s’acharner contre les rémunérations choquantes des grands patrons, les milliardaires des stades étaient curieusement épargnés alors que l’on peut se poser la question de leur utilité sociale. Le football professionnel donne l’impression d’être hors-sol, complètement coupé de la société. Cette taxe à 75 % constitue un symbole. Le football professionnel n’a pas que des droits, il a aussi des devoirs.
Reste que le football professionnel français souffre de la comparaison avec ses rivaux européens…
Le football français repose effectivement sur un modèle économique précaire. On peut comprendre certains présidents de clubs quand ils dénoncent le caractère rétroactif de cette taxe qui fragilise leurs budgets. On peut s’étonner aussi du fait que cette taxe soit plafonnée à 5 % du chiffre d’affaires. Cela favorise les écuries les plus riches, comme le PSG. Sans cela, il aurait dû débourser 40 millions d’euros au lieu de 20. Reste que cela fait six ans que le football professionnel français est en déficit. Taxe ou pas, la question de sa compétitivité du football français reste entière.
Quelle est la solution ?
L’économie du football business est totalement dérégulée. Les ligues espagnole et italienne - pour ne citer qu’elles - croulent sous les dettes. Plus il y a d’argent, plus il part dans les salaires des joueurs et les commissions des agents. Il n’y a d’autre solution que la mise en place à l’échelon européen d’une limitation de la masse salariale (« salary cap ») et une mutualisation des recettes, à l’image de ce que font les ligues professionnelles américaines. Le football du Vieux Continent ressemble de plus en plus à un bateau ivre. Songez que le pouvoir sportif ne parvient même pas à interdire aux clubs d’acquitter les impôts de leurs joueurs…
(Sud Ouest)
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