À l’heure où la réforme fiscale est d’actualité, une remise en cause de la niche des arbitres pourrait décourager des vocations.
LE WEEK-END DERNIER, 80 000 arbitres
ont officié dans les stades, les
dojos ou les salles de France. Leurs décisions,
comme souvent, ont été analysées,
critiquées, remises en cause.
Mais en février 2011, c’est pour tout
autre chose que la corporation dans
son ensemble a été pointée du doigt,
dans un rapport de la Cour des comptes
titré : «Les exonérations des indemnitésaux
arbitres et juges sportifs
: un instrument inadapté».
Deux ans plus tard, alors qu’une remise
à plat du système fiscal est dans
l’air, les hommes en noir redoutent de
se retrouver dans le viseur.
Depuis la loi du 23 octobre 2006, les
indemnités qu’ils perçoivent dans
l’exercice de leur mission sont exonérées
d’impôts et de charges sociales
lorsqu’elles n’excèdent pas 14,5% du
plafond annuel de la Sécurité sociale,
soit 5 370 euros en2013. Ce texte avait
deux objectifs : assainir un système
où pouvait se pratiquer la rémunération de
la main à la main et enrayer la
crise des vocations.
Devant « la méconnaissance du montant
exact des
indemnités versées », la Cour des
comptes avait surtout estimé le manque
à gagner pour l’État « entre
37,5M€et 134M€ ».
«Ces sommes
sont totalement impensables, s’insurge Patrick
Vajda, président de l’Association
française du corps arbitral
multisport (Afcam). Après enquête
auprès de toutes les fédérations, ce
manque se situe entre 4 et 7 millions.
La rémunération moyenne des arbitres
français est de 222 euros par an.
Alors, quand j’entends parler de niche
fiscale, je deviens fou ! À l’exception de
la poignée d’arbitres professionnels,
moins de 1.000sur 214.000, qui paient
leurs impôts comme tout un chacun,
la quasi-totalité des arbitres y sont de
leur poche, et on voudrait les faire
passer pour des profiteurs ! »
« Chez nous comme dans la plupart
des fédérations, personne n’atteint le
plafond, confirme Olivier Plate, président
de la commission des juges et
arbitres de hockey sur gazon. Un arbitre ne vit
pas avec 48euros quand il a
fait un match (Championnat Élite ou
N1) dans son week-end. Nos frais de
bouche, c’est sandwich, pas Bocuse.
Certains sont en difficulté et ça leur fait
une petite aide. Aujourd’hui, être bénévole devient de plus en plus difficile.
Un arbitre qui fait des kilomètres chaque week-end pour se faire engueuler,
si, en plus, on lui met des barrières
financières, on va le démotiver. On a
déjà du mal à trouver du monde… »
Jean-Robert Lainé est l’un des 1.249
officiels de boxe en France : « À
l’étranger, on nous donne parfois des
“pocket money”. En octobre, aux
Championnats du monde à Almaty
(Kazakhstan), c’était 50 dollars par
jour. En France, on ne gagne pas d’argent.
Ce n’est que du défraiement. Je
touche 15,24 euros en frais de blanchissage
et d’amortissement de ma
tenue. Sur une saison, je peux tourner
avec cinq chemises. À la fin, les manches,
vous ne pouvez plus les récupérer.
Elles sont souillées de sang à force
de séparer les boxeurs, et la chemise,
vous la jetez. Pour la plupart d’entre
nous tous, l’arbitrage est une passion
qui coûte de l’argent et, si l’on remettait
en cause cette loi, ce serait la fin de
certains officiels et la mort de certains
sports.»
Mais, qu’ils soient rassurés au
moins pour un an, le projet de loi de finances
pour 2014 ne prévoit pas de
modifier leur statut fiscal. «Chaque
année, les niches fiscales font l’objet
d’un questionnement. Nous avons
défendu la mesure, qui a fait l’objet
d’un arbitrage favorable, assure-t-on
au ministère. Cet avantage fiscal n’est
pas un moyen de contourner l’impôt, il
a un vrai sens de politique publique, il
est vraiment vertueux. Il s’adresse essentiellement
à des quasi-bénévoles
qui mènent une mission de service
public. C’est donc de l’argent public
bien orienté. »
(L'Equipe)
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