Les gigantesques constructions érigées à Sotchi pour les jeux
Olympiques les plus chers de l'histoire, achevés dimanche, risquent de
se transformer en gouffre financier pour la Russie, compte tenu des
énormes investissements difficiles à rentabiliser.
Après sa
désignation en 2007 pour organiser les JO, Sotchi est devenue l'un des
plus grands chantiers au monde où des bâtiments et des immeubles ont
poussé comme des champignons sur les bords de la mer Noire et dans les
montagnes du Caucase au-dessus de la ville, dans une zone auparavant quasi vierge d'infrastructures sportives.
L'aménagement
de routes et voies de chemins de fer a porté le coût total de
l'opération à 50 milliards de dollars (37 milliards d'euros) pour cet
événement international sans précédent en Russie depuis la chute de
l'URSS, dont le président Vladimir Poutine a voulu faire une vitrine du
pays.
Mais que vont devenir tous ces bâtiments neufs après le
départ des milliers d'athlètes, accompagnateurs, journalistes et
visiteurs qui occupent des appartements et hôtels construits
spécialement pour les JO et les jeux paralympiques du 7 au 16 mars ?
Dans
le parc olympique en bord de mer, par exemple, le palais de glace
Bolchoï (hockey) doit être transformé en centre omnisports, l'Iceberg
(enceinte de patinage) doit être réaménagé au profit de la Fédération
russe de cyclisme, et le bâtiment Chaïba (hockey) sera démonté puis
transporté dans une autre ville russe, non précisée pour l'instant.
Le
stade Fisht accueillera des matches de la Coupe du monde de football en
2018; le premier Grand Prix de Formule 1 organisé en novembre en Russie
traversera le parc olympique, et la Russie compte organiser à Sotchi
d'importants événements internationaux comme le G8 en juin.
Mais selon un rapport rédigé par deux opposants russes, Boris
Nemtsov (ex-ministre de Boris Eltsine) et Léonid Martyniouk, la plupart
des installations olympiques seront inutilisées après les Jeux.
"Compte
tenu des frais d'entretien très élevés, de nombreuses infrastructures
olympiques seront progressivement détruites", prédisent les auteurs du
rapport "putin-itogui" (l'addition de Poutine), qui affirment en outre
que jusqu'à 23 milliards d'euros du budget total des constructions pour
les Jeux ont été détournés par des proches de M. Poutine.
Signe
des difficultés qui s'annoncent, Vladimir Poutine a déploré début
février l'absence d'infrastructures scolaires et médicales parmi les
nombreux bâtiments construits pour les JO, qui risquent ainsi de se
retrouver vides faute d'acquéreurs.
L'oligarque Oleg Deripaska,
dont la holding s'est endettée pour construire la station de sports
d'hiver de Krasnaïa Poliana, a déjà réclamé l'aide de l'Etat comme
d'autres grands groupes qui ont massivement investi dans l'opération
"JO". C'est le cas de la société Interros de l'oligarque Vladimir
Potanine, propriétaire de la plus grande station de sports d'hiver de
Sotchi (Rosa Khoutor), du géant de l'énergie Gazprom, propriétaire de la
station Laura (disciplines nordiques), et de la banque publique
Sberbank.
Ces groupes sollicités par l'Etat pour participer aux chantiers
des JO réclament désormais un assouplissement des conditions de crédit
de la banque publique Vnecheconombank, ce que le Kremlin a jusqu'ici
refusé.
Mais une clause précise que si les emprunteurs ne sont
plus en mesure de rembourser, l'Etat récupèrera les infrastructures,
difficiles voire impossibles à rentabiliser.
L'experte en
immobilier Valéria Mozganova observe que les appartements construits
spécialement pour les JO vont être difficiles à vendre ou à louer, dans
la mesure où l'offre sur le marché immobilier de Sotchi était déjà
supérieure à la demande avant les Jeux.
Doté d'un nouvel aéroport international et d'un port pouvant désormais accueillir de grands navires de croisière, la ville de Sotchi espère attirer davantage de touristes, pour l'essentiel
russes, dont une grande partie privilégie des destinations moins chères
comme l'Egypte ou la Thaïlande.
"Ce sera difficile", prédit l'experte.
En
montagne, les hôtels de luxe construits pour les Jeux vont attirer une
clientèle qui a les moyens et skie pour le moment à l'étranger,
notamment dans les stations européennes, ajoute-t-elle.
Mais si
les nouveaux clients ne sont pas rapidement et régulièrement au
rendez-vous, l'opération pourrait se transformer très vite en gouffre
financier pour la Russie.
(AFP)
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