Plus d'une centaine de femmes ayant subi l'ablation d'un sein après
un cancer ont bénéficié à ce jour de leçons d'escrime adaptées à leur
état et pu, grâce à cette rééducation peu commune, limiter médication et récidive.
Médecin
anesthésiste en cancérologie, Dominique Hornus-Dragne a eu la
révélation en écoutant ses patientes. "En post-opératoire,
raconte-t-elle, toutes ont le même discours: elles parlent de
+mutilation+, +d'impossibilité de retourner à la salle de gym affronter
le regard des autres+, +d'image de soi dévalorisée+. Or l'escrime est un
sport habillé, élégant".
Escrimeuse et médecin fédéral, la
thérapeute connaît en outre toutes les vertus de son sport pour des
femmes dont l'opération a modifié le centre de gravité et qui, souvent
par appréhension, n'osent plus mobiliser bras et épaule handicapés par
des adhérences post-opératoires.
"On travaille le geste
inconscient", reprend Mme Hornus-Dragne. "Le maître d'armes (un des 45
formateurs habilités à entraîner ces patientes, quelques semaines à
peine après l'intervention) attaque de plus en plus haut et elles lèvent
le bras de plus en plus pour parer, au point que cela devient un
réflexe". Un geste qu'elles n'auraient jamais réalisé seules, par
appréhension ou douleur.
L'expérience est un succès. Sur le plan
sanitaire d'abord puisque le sport, du moins l'activité physique, est
l'un des facteurs limitants des récidives dans les cancers du sein et du
côlon selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale
(Inserm). Sur le plan psychologique également.
Chantal, 55 ans, l'une des bénéficiaires du programme, est
catégorique: "Pour moi, c'était l'escrime ou les antidépresseurs"
raconte-t-elle. En plein milieu de son programme de rééducation, son
maître d'armes, malade, a été absent plus de trois semaines: "J'ai filé
chez un psychiatre me faire prescrire des antidépresseurs, avant que le
professeur ne revienne in extremis".
Sport de combat, l'escrime
est également un exutoire pour des femmes à peine sorties d'une épreuve
terrible. "Ca me permettait de libérer une certaine colère par rapport à
la maladie, reprend Chantal. Je tapais parfois au lieu de toucher. Je
tapais pour exprimer ma colère".
Depuis 2010, plus de 100 femmes
de 30 à 70 ans ont bénéficié du programme, y compris une patiente opérée
des deux seins simultanément, et soumise donc à une rééducation des
deux bras.
Partie de Toulouse, où oeuvre son initiatrice,
l'opération "escrime et cancer du sein" a essaimé à Nantes, Strasbourg,
Montpellier, Bordeaux, Orléans, avec l'aide de la fédération française,
et ne connaît qu'une limite: la disponibilité de ses chevilles
ouvrières, médecins et maîtres d'armes, tous bénévoles.
Du côté
des organismes de santé, certaines mutuelles pourraient bien se laisser
séduire et rembourser les leçons de sabre de ces escrimeuses un peu
particulières. "Les mutuelles ont souvent peur de payer pour quelque
chose qui ne se fera pas. Là, on a prouvé la faisabilité de
l'opération", veut croire le Dr Hornus-Dragne.
(AFP)
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