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vendredi 7 février 2014

L'escrime, arme non conventionnelle contre le cancer du sein

Plus d'une centaine de femmes ayant subi l'ablation d'un sein après un cancer ont bénéficié à ce jour de leçons d'escrime adaptées à leur état et pu, grâce à cette rééducation peu commune, limiter médication et récidive.

Médecin anesthésiste en cancérologie, Dominique Hornus-Dragne a eu la révélation en écoutant ses patientes. "En post-opératoire, raconte-t-elle, toutes ont le même discours: elles parlent de +mutilation+, +d'impossibilité de retourner à la salle de gym affronter le regard des autres+, +d'image de soi dévalorisée+. Or l'escrime est un sport habillé, élégant".
Escrimeuse et médecin fédéral, la thérapeute connaît en outre toutes les vertus de son sport pour des femmes dont l'opération a modifié le centre de gravité et qui, souvent par appréhension, n'osent plus mobiliser bras et épaule handicapés par des adhérences post-opératoires.
"On travaille le geste inconscient", reprend Mme Hornus-Dragne. "Le maître d'armes (un des 45 formateurs habilités à entraîner ces patientes, quelques semaines à peine après l'intervention) attaque de plus en plus haut et elles lèvent le bras de plus en plus pour parer, au point que cela devient un réflexe". Un geste qu'elles n'auraient jamais réalisé seules, par appréhension ou douleur.
L'expérience est un succès. Sur le plan sanitaire d'abord puisque le sport, du moins l'activité physique, est l'un des facteurs limitants des récidives dans les cancers du sein et du côlon selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Sur le plan psychologique également. 
Chantal, 55 ans, l'une des bénéficiaires du programme, est catégorique: "Pour moi, c'était l'escrime ou les antidépresseurs" raconte-t-elle. En plein milieu de son programme de rééducation, son maître d'armes, malade, a été absent plus de trois semaines: "J'ai filé chez un psychiatre me faire prescrire des antidépresseurs, avant que le professeur ne revienne in extremis".
Sport de combat, l'escrime est également un exutoire pour des femmes à peine sorties d'une épreuve terrible. "Ca me permettait de libérer une certaine colère par rapport à la maladie, reprend Chantal. Je tapais parfois au lieu de toucher. Je tapais pour exprimer ma colère".
Depuis 2010, plus de 100 femmes de 30 à 70 ans ont bénéficié du programme, y compris une patiente opérée des deux seins simultanément, et soumise donc à une rééducation des deux bras.
Partie de Toulouse, où oeuvre son initiatrice, l'opération "escrime et cancer du sein" a essaimé à Nantes, Strasbourg, Montpellier, Bordeaux, Orléans, avec l'aide de la fédération française, et ne connaît qu'une limite: la disponibilité de ses chevilles ouvrières, médecins et maîtres d'armes, tous bénévoles.
Du côté des organismes de santé, certaines mutuelles pourraient bien se laisser séduire et rembourser les leçons de sabre de ces escrimeuses un peu particulières. "Les mutuelles ont souvent peur de payer pour quelque chose qui ne se fera pas. Là, on a prouvé la faisabilité de l'opération", veut croire le Dr Hornus-Dragne.

(AFP)

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