A Megève, un bras de fer judiciaire se joue autour des qualifications
d'un moniteur britannique de la très chic station savoyarde, poursuivi
pour avoir enseigné le ski sans diplôme français, reproche qu'il juge
"écoeurant" et contraire à la législation européenne du travail.
Gérant
d'un tour opérateur de vingt-huit employés proposant des séjours et des
cours de ski aux Britanniques depuis une trentaine d'années, Simon
Butler, citoyen britannique de 51 ans, doit être jugé le 7 avril
prochain par le tribunal correctionnel de Bonneville.
Simon Butler
et ses moniteurs possèdent tous des diplômes délivrés par l'association
britannique des moniteurs de sports de neige (BASI). Mais ces derniers
ne sont pas reconnus en France, au contraire de ceux délivrés par
l'Ecole du Ski Français (ESF).
Régulièrement rappelé à l'ordre et
déjà condamné deux fois, en 2004 et en 2013, M. Butler refuse depuis une
décennie de se plier aux injonctions de la justice française, qui lui
intime de se conformer, s'il souhaite continuer à exercer, à la
législation française en matière d'enseignement du ski.
A l'aune
de son procès, le moniteur britannique a fustigé, dans un entretien avec
l'AFP, la démarche "maladroite, agressive et intimidante" de la France,
coupable à ses yeux de "violer les lois européennes".
"Les
arrestations, l'incarcération, l'affaire judiciaire, le fait d'être
interdit de sortir du territoire, de devoir se présenter à la
gendarmerie, de m'empêcher de travailler... cette attitude est
absolument écoeurante", a-t-il insisté, ajoutant qu'"il existe une
manière plus civilisée, plus mature, de débattre des choses".
"Il
est en rébellion totale contre la loi française", juge de son côté
Pierre-Yves Michau, le procureur de la République de Bonneville.
Pour
le magistrat, Simon Butler peut "tout à fait contester la loi française
auprès de l'Union Européenne et tenter de faire condamner la France
s'il s'estime dans son droit".
Simon
Butler a été interpellé et placé en garde à vue avec deux de ses
moniteurs le 18 février dernier pour "enseignement du ski par des
personnes non qualifiées", "emploi de personnes non qualifiées pour
enseigner le ski" et "défaut de déclaration de détachement en France de
salariés étrangers".
Il avait été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire le lendemain.
S'agissant
des conditions de son arrestation, qu'il qualifie de "terribles et
exagérément maladroites", le moniteur de ski anglais a estimé avoir été
traité "de la même manière qu'un véritable criminel".
"Ce dont je
suis coupable d'après la justice française, c'est d'amener des milliers
de vacanciers sur les pistes pour skier avec eux et leur enseigner le
ski", ajoute le gérant, qui décrit un milieu du ski français ne voulant
pas de la "concurrence" des moniteurs étrangers sur son territoire.
Ce
bras de fer entre la justice française et le moniteur britannique n'a
pas manqué de faire réagir outre-Manche. Le maire de Londres Boris
Johnson a qualifié cette bataille judiciaire de volonté "totale, non
dissimulée et honteuse de la part des Français de bafouer les principes
du marché unique européen".
Simon
Butler et ses avocats estiment qu'en refusant de reconnaître les
qualifications du moniteur britannique, la France "viole un principe
clé" de la loi européenne de liberté de circulation des travailleurs.
Un
argument réfuté par Pierre-Yves Michaud, pour qui "M. Butler ne remplit
tout simplement pas les conditions pour enseigner en France".
"Il
n'y a pas de système d'équivalence entre les différents diplômes
européens. Nous ne pouvions pas continuer à le laisser travailler en
toute impunité", ajoute le magistrat, soulignant que "ce n'est pas une
question de nationalité".
En 2004, le tribunal correctionnel de
Bonneville avait déjà condamné Simon Butler à 10.000 euros d'amende. En
2013, il avait été condamné à six mois de prison ferme et 10.000 euros
d'amende, mais avait fait appel de la décision.
A un peu plus d'un
mois de sa comparution devant le tribunal administratif de Bonneville,
Simon Butler se dit "très confiant" quant à l'issue des débats. "Si je
perds ce procès et si je ne peux pas rester travailler en France,
j'emmenerai ma centaine de clients par semaine en Suisse".
(AFP)
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