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mercredi 2 novembre 2016

La difficile équation budgétaire des tournois de tennis français

Le Masters 1 000 de Paris-Bercy, deuxième plus grand tournoi français après Roland-Garros, s’ouvre samedi 29 octobre. La France va compter une étape du circuit ATP en moins avec la disparition programmée de l’Open de Moselle pour des raisons financières.

Le jeune espoir du tennis français Lucas Pouille (22 ans) a déjà marqué l’histoire. Le 25 septembre, il a remporté le premier titre de sa carrière en même temps qu’il devenait, sans doute, le dernier à inscrire son nom au palmarès de l’Open de Moselle à Metz.
Lancé en 2003, le tournoi messin, catégorie ATP 250 (4e niveau dans la hiérarchie mondiale), va disparaître pour des raisons financières. « La mort dans l’âme, j’ai préféré vendre au lieu d’aller dans le mur », a expliqué Yvon Gérard, manager général de la compétition, au Républicain lorrain. Le créneau qu’occupait l’Open de Moselle dans le calendrier international est en cours de cession à Taïwan.
Les mésaventures du tournoi messin illustrent la difficulté de pérenniser ce type d’événements en France. Évidemment, Roland-Garros bénéficie d’un statut à part. Avec un chiffre d’affaires qui avoisine les 200 millions d’euros pour l’édition 2015, le plus prestigieux tournoi du monde sur terre battue ne connaît pas la crise. Mais loin de la porte d’Auteuil, les comptes sont moins florissants.

« Il coûte de plus en plus cher de faire venir les meilleurs joueurs »

« Le tournoi de Metz n’a pas réussi à équilibrer son modèle économique, explique Lionel Maltese, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille et consultant événementiel sportif pour les circuits masculins (ATP) et féminin (WTA). Son budget était très dépendant des investissements des collectivités locales. De plus, il fait face à la concurrence du tournoi de Saint-Pétersbourg et de la Rod Laver Cup, la nouvelle compétition lancée par Roger Federer. Or il coûte de plus en plus cher de faire venir les meilleurs joueurs du circuit. »
Cette inflation, associée aux cahiers des charges toujours plus exigeants de l’ATP et de la WTA et à la crise économique générale, rend l’équation budgétaire périlleuse. Le Masters 1 000 (2e échelon derrière les Grands Chelems) de Paris-Bercy, qui appartient comme Roland-Garros à la Fédération française de tennis (FFT), est plutôt préservé. L’événement, qui attire plus de 120 000 spectateurs chaque année, profite à plein de sa proximité avec le Grand Chelem de la Porte d’Auteuil. Ainsi le principal partenaire de Roland-Garros, la banque BNP Paribas, donne son nom au Masters 1 000 de Paris-Bercy depuis 2002.

Le succès de l’Open 13, à Marseille

Les autres tournois, eux, veillent au grain pour tenir l’équilibre financier. L’Open 13 de Marseille, dirigé par l’ancien joueur Jean-François Caujolle, rencontre un certain succès depuis sa création en 1993. « Notre recette, c’est la fidélité de nos partenaires publics – la ville de Marseille, le département – et privés, estime le directeur de ce tournoi ATP 250. Nous bénéficions aussi d’une bonne date (mi-février) dans le calendrier. Depuis vingt-cinq ans, tous les meilleurs mondiaux sont venus. »
L’Open 13 affiche un budget de 5 millions d’euros, abondé par l’apport des collectivités locales, des droits télévisés, de la billetterie et du sponsoring et des relations publiques. La cité phocéenne et son agglomération disposent d’une « zone de chalandise » conséquente. Le tournoi, qui dispose d’une vraie légitimité sportive, s’est aussi imposé comme un lieu privilégié pour les partenaires locaux, voire nationaux, qui peuvent offrir un moment privilégié à leurs collaborateurs ou à leurs clients. « Je pense que le paysage français va se concentrer autour d’un axe Paris-Lyon-Marseille qui possède un tissu économique dense », assure Lionel Maltese.

Le circuit féminin limité à Limoges et Strasbourg

Ainsi, ce n’est pas un hasard si les organisateurs de l’Open de Nice-Côte d’Azur ont décidé de quitter la baie des Anges pour s’installer dans la capitale des Gaules, et plus précisément au parc de la Tête d’or. « Cela devenait difficile car on ne pouvait plus se développer à Nice, indique Jean-François Caujolle, codirecteur du tournoi. Dans la région lyonnaise, on a senti une forte attente. » Lyon avait déjà possédé un tournoi, entre 1987 et 2009, créé par Gilles Moretton.
Sur le circuit féminin, la France ne compte que deux tournois, à Limoges et à Strasbourg. Denis Naegelen, président de l’agence de marketing sportif et de communication Quarterback et propriétaire des Internationaux de Strasbourg depuis 2010, se démène pour assurer la pérennité de l’événement.
« C’est un défi de chaque année, reconnaît-il, sans espérer de retour sur investissement. D’abord parce que les prix sont à la hausse du fait des investissements asiatiques (la Chine compte à elle seule huit tournois, NDLR), mais aussi car il y a une stagnation voire une baisse du budget des collectivités locales et du sponsoring. Et il faut davantage s’employer pour convaincre des partenaires privés d’investir dans le tennis féminin. »

(La Croix)

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