Accusé de recourir au travail forcé de travailleurs migrants sur de
gros chantiers d'infrastructures au Qatar, en vue du Mondial de foot
2022, le groupe français de construction Vinci nie en bloc, et
contre-attaque avec une plainte pour diffamation.
L'association
Sherpa a déposé, auprès du parquet de Nanterre, une plainte contre la
filiale "Vinci Construction et les dirigeants de sa filiale au Qatar
QDVC", pour "travail forcé", "réduction en servitude" et "recel" à
l'encontre des migrants employés sur ses chantiers, a constaté un
journaliste de l'AFP.
Se disant "indigné" par ces accusations
qu'il "réfute totalement", le géant Vinci, qui emploie 191.000 salariés
dans une centaine de pays, a immédiatement affirmé qu'il s'apprêtait à
déposer plainte pour "diffamation et dénonciation calomnieuse".
Les ouvriers employés par QDVC, la filiale commune de Vinci avec le groupe local Qatari Diar, ou par ses sous-traitants,
travailleraient "66 heures par semaine", a déclaré à l'AFP Laetitia
Liebert, directrice de l'association Sherpa.
"Et leur employeur
confisque les passeports, ce qui les empêche de réclamer une
amélioration de leurs conditions de travail ou de s'enfuir", dit-elle.
"Deux
organisations syndicales népalaises, GEFONT et CUPPEC, ont dénoncé ces
conditions de travail de leurs ressortissants au Qatar", alertant leurs
homologues en Europe, puis Sherpa, a précisé à l'AFP Serge Plechot,
secrétaire général de la fédération du bois et de la construction FNSCBA
CGT.
Puis une juriste de Sherpa "a enquêté sur place pendant une
semaine en novembre, elle a rencontré une quinzaine de travailleurs,
tous terrorisés, sur différents chantiers", rapporte Mme Liebert.
"Il a été très difficile de les faire parler, ils ne voulaient absolument pas que leurs noms soient révélés", dit-elle.
Ces
ouvriers auraient, selon Sherpa, des "conditions de travail pénibles et
dangereuses" et seraient logés dans des "conditions indignes, à huit
par chambre, sur des lits superposés".
Enfin, des "décès par
asphyxie" auraient eu lieu parmi ceux travaillant en sous-sol, sur le
chantier du métro. "Les ambassades népalaise et indienne se plaignent
d'être devenues des croquemorts, à force de rapatrier des cadavres",
affirme Mme Liebert.
- '60 heures par semaine, 6 jours sur 7' -
Créée il y a sept ans, QDVC emploie en direct 3.300 salariés de
65 nationalités au Qatar, dont 2.000 ouvriers, surtout des Indiens, des
Népalais, et des Sri-Lankais, sur trois chantiers majeurs notamment.
Il
s'agit du projet de tramway de Lusail, du métro de Doha et d'un tronçon
d'autoroute de 47 km, la New orbital Highway, des contrats d'un montant
global de 2,2 milliards d'euros, qui vont jusqu'en 2019.
"Environ
60% de l'activité y est sous-traitée à des sociétés locales", précise à
l'AFP Yanick Garillon, directeur général de QDVC.
"Mais, sur nos
chantiers, tous les ouvriers de QDVC et ceux des sous-traitants sont
traités de la même façon. C'est en revanche hors chantier
qu'apparaissent les différences", dit-il.
Depuis 2 ans, après
avoir été alerté par l'ONG Amnesty international, QDVC vérifie "sur
chaque projet, par des audits chez (ses) sous-traitants", que ces
derniers respectent ses "critères en matière de conditions d'embauche et
d'hébergement", selon M. Garillon.
"Mais nous sommes obligés
d'employer des sous-traitants locaux. Nous mettons tout en oeuvre pour
les faire adhérer à notre démarche", assure-t-il.
En deux ans,
Vinci a congédié 10 sous-traitants qui refusaient d'améliorer les
conditions de travail de leurs ouvriers et a construit une "nouvelle
base vie" pour loger 3.500 ouvriers.
Selon M. Garillon, les
ouvriers travaillent "60 heures par semaine, six jours sur sept,
conformément à la loi qatarie", et ne se voient nullement confisquer
leurs passeports.
Et aucun décès d'un employé de QDVC n'a été
constaté en 4 ans, affirme le dirigeant. Un "employé d'un sous-traitant
d'un sous-traitant" a toutefois perdu la vie sur un chantier, en janvier
2015.
Mais le dirigeant réfute tout "décès par asphyxie" sur le chantier du métro de Doha.
Toutefois
M. Garillon n'est "pas surpris par ce que décrit Sherpa". "On peut voir
ce type de pratiques sur certains chantiers. Mais il est strictement
impossible que cela se soit produit sur nos chantiers", tranche-t-il.
Sherpa
a lancé une pétition en ligne pour demander l'ouverture d'une enquête
préliminaire "contre l'esclavage au Qatar" sur les chantiers
d'infrastructures prévues pour le Mondial de foot de 2022.
(AFP)
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