Derrière les rémunérations stratosphériques des
stars de la L 1, les joueurs lambda voient leurs revenus stagner ou se
resserrer.
[...]
Symboles malgré eux de l’injustice sociale plus que
de l’ascension, sauf quand leurs exploits contribuent à redorer l’image
du pays ou à chasser la morosité ambiante, les footballeurs n’échappent
pourtant pas à la crise. Bien entendu, les effets sont moins douloureux
quand on perçoit en un mois ce qu’un couple de salariés moyens touche en
une année, c’est-à-dire aux alentours de 40 000 euros. Bien entendu,
donc, aucun d’entre eux n’osera se plaindre publiquement. Le combat
serait perdu d’avance.
C’est une vérité qui choque mais c’est une vérité
quand même : l’époque est moins dorée pour les footballeurs
professionnels moyens. On veut dire, ceux qui font sérieusement leur
métier mais ne font pas la différence sur le terrain. Comme le
sympathique et solide Charles Kaboré, milieu polyvalent qui a quand même
perçu jusqu’à 150 000 euros mensuels à l’OM…
Plus personne ne peut offrir
450 000 euros par mois à Gourcuff
Entre 2006 et 2010, suivant la
courbe exponentielle des droits télé, les salaires ont explosé en L 1
avec des masses salariales qui ont quasiment été multipliées par deux en
cinq ans. Mais le temps où les présidents signaient des contrats avec
des salaires à six chiffres et des prolongations automatiques d’un an
après une vingtaine de matches joués est révolu. Confrontés à des
charges à la hausse, à la perte d’avantages fiscaux comme le DIC en 2009
(Droits à l’image collective qui permettait une exonération de 30 % des
charges) ou la taxe à 75 % sur les salaires supérieurs à un million
d’euros (qui va prendre fin), contraints de composer avec des recettes
merchandising, sponsoring ou au stade pas toujours aussi élevées qu’ils
ne le pensaient, les dirigeants ont dû réduire la voilure. Et c’est sur
la masse salariale de leur vestiaire que leur marge de manœuvre était la
plus souple. Les effectifs sont moins pléthoriques et les staffs
techniques sont désormais priés de puiser au maximum dans le vivier de
la formation pour doubler les postes. Qui aurait imaginé l’OM lutter
pour le titre avec Aloé, Sparagna, Andonian, Tuiloma ou Omrani
régulièrement sur le banc par exemple ? Le rajeunissement des bancs de
touche a favorisé la précarité d’une profession où les carrières sont de
plus en plus courtes, les chômeurs de plus en plus nombreux.
L’arrivée de QSI au PSG puis de
Rybolovlev à Monaco a faussé un peu le regard et les statistiques.
Aujourd’hui, le PSG pèse à lui tout seul presque la moitié de la masse
salariale de la Ligue 1 et certains de ses joueurs émargent à des
niveaux de rémunérations dignes des plus grands clubs européens. Et
l’écart se creuse avec les joueurs moyens, qui après avoir été très bien
payés pendant des années, se voient rattrapés par la crise.
Si les joueurs ont moins la bougeotte, il ne faut
pas y voir un regain de l’amour du maillot. Aujourd’hui, quand un joueur
a signé un bon contrat, il a tendance à l’honorer jusqu’au bout, à
l’instar de Yoann Gourcuff, pas toujours sportivement heureux à Lyon.
Personne, la saison prochaine, ne lui offrira 450 000 euros par mois.
Pour se débarrasser d’un élément devenu inutile, certains présidents
sont même prêts à s’asseoir sur une grosse indemnité de transfert ou à
admettre un échange avec un concurrent direct, comme Caen et l’Évian-TG,
lors du dernier mercato d’hiver, avec Mathieu Duhamel et Nicolas
Bénézet. Quand l’indésirable ne trouve pas preneur, il peut prendre la
porte tel un salarié lambda. Benoît Cheyrou peut en témoigner. Après
avoir refusé de lisser sa dernière année de salaire sur deux saisons,
l’ancien vice-capitaine de l’OM a dû se rendre au tribunal des
prud’hommes pour retrouver sa liberté. Cela a quand même dû faire drôle
aux conseillers chargés de juger son affaire.
(L'Equipe)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire