Bras droit à l’UEFA du président Michel Platini, Gianni Infantino
(43 ans), à la fois italien et suisse, est un défricheur. Juriste de formation, il a imaginé le fair-play financier pour "empêcher le football de se casser la gueule". Il va donc tout faire pour que ce grand
projet soit réellement appliqué.
– Vous êtes personnellement
à l’origine du fair-play financier.
Pourquoi avoir créé ce mécanisme ?
– Si on voulait avoir une belle vie, bien
tranquille, on n’aurait rien fait… Mais
on aurait vu le football se casser la
gueule. Depuis cinq ans, on analyse les
comptes de 650 clubs en Europe. Et on
est passés de 600 millions à 1,7 milliard d’euros de pertes nettes par an.
Sans être Einstein ni prétendre au prix
Nobel, on a imaginé, avec les clubs, un
système où il ne faut pas dépenser plus
que ce que l’on gagne.
– Pourquoi avoir choisi un équilibre entre recettes et dépenses et
pas un mécanisme comme celui
de la DNCG française, où l’actionnaire peut éponger le déficit ?
– Des mécènes qui semblaient avoir
d’immenses moyens ont déjà disparu
du jour au lendemain, laissant leur club
en faillite… Avec ce système où l’on ne
vit pas au-dessus de ses moyens, on va
attirer des gens qui veulent investir
dans le foot. Car qui va vouloir venir
pour perdre son argent ? Et il y a une
tolérance jusqu’à 45 millions de pertes,
ce qui n’est quand même pas rien, jusqu’en 2015-2016. Puis cela descend à
30 millions les trois saisons suivantes. Et il
ne faut pas oublier que les investissements dans la formation et les infrastructures ne comptent pas dans les dépenses.
– Le PSG ou Manchester City pensent avoir trouvé la parade au
fair-play financier en signant des
contrats de sponsoring surévalués avec des partenaires sans
doute en service commandé. Les
dirigeants du Bayern, d’Arsenal
ou de Lyon ont dénoncé ce système à plusieurs reprises...
– Les instances indépendantes que
nous avons mises en place diront ce qui
est normal ou pas. Celle qui mène les
investigations est présidée par Jean-Luc Dehaene, l’ex-Premier ministre
belge, et celle de jugement par José
Narcisco da Cunha Rodrigues, qui était
président de chambre à la Cour de justice européenne. Il faudra voir si ces
contrats ont été conclus entre des parties liées (ce qui est interdit) et si les
montants correspondent au marché.
Même si on n’a pas fait le fair-play financier pour punir, mais pour aider les
clubs.
– Certains pensent que l’UEFA
n’aura jamais le courage de sanctionner des clubs comme le PSG,
dont l’actionnaire (QSI) est un
fonds du Qatar, un état qui achète très cher ses droits de diffusion…
– Avec notre système de séparation
des pouvoirs et les personnes mises en
place, il n’y a aucun risque en la matière. S’il doit y avoir des sanctions, elles
seront prises. Les clubs seront sanctionnés, quelle que soit leur puissance.
Il n’y aura aucun passe-droit. Les contrats commerciaux que nous signons
sont complètement détachés de tout
ça. Après, il faudra adapter la nature
des sanctions au niveau des fautes
commises.
– Le fair-play financier n’est-il
pas un frein pour les nouveaux
entrants ?
– C’est une critique que l’on nous
fait mais elle est
infondée. Si on a
un système sain, il
va attirer les investisseurs. Peut-être qu’il y a deux
ou trois milliardaires dans le monde
avec des moyens
illimités mais il
faut penser aux
650 autres clubs.
Qui aurait parié
sur Dortmund il y
a sept ou huit ans,
un club qui était
au bord de la
faillite ? Cette saison, il a gagné face à tous ceux qui ont beaucoup plus d’argent. Heureusement, le football se joue sur le terrain, pas dans les banques.
– Le comité exécutif s’intéresse à
l’Euro 2016, organisé en France.
Des stades prennent du retard,
comme à Lyon. Êtes-vous inquiet ?
– On a l’expérience de la Pologne et de
l’Ukraine… On est donc prêts à affronter tous les problèmes. Avec la France,
il ne faut pas trop s’inquiéter, même s’il
y a, c’est vrai, un ou deux petits soucis
dans une ou deux enceintes. Mais il
n’est pas possible d’imaginer un Euro
en France sans Lyon, par exemple. Je
suis donc sûr que cela va bien se passer.
(Source : L'Equipe)
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