samedi 1 juin 2013

Election de l'Autrichien Vizer à la tête de SportAccord : une défaite pour la France, une menace pour les JO ?

Vendredi 31 mai à Saint-Pétersbourg, en Russie, l’Autrichien d’origine roumaine Marius Vizer, cinquante-six ans, a été élu par cinquante-deux voix, contre trente-sept au Français Bernard Lapasset, soixante-six ans (sur 89 votants), à la présidence de SportAccord, association qui regroupe toutes les Fédérations, olympiques et non olympiques. Il succède pour deux ans au Néerlandais Hein Verbruggen et voudrait faire entrer SportAccord dans une autre dimension, celle des dollars et du sport business.
Groupement d’intérêts né en 2009 sur les cendres d’une simple association de fédérations internationales, dont le plaisir était de se réunir une fois par an, SportAccord vit sa crise de croissance. L’élection de Vizer, qui a promis beaucoup d’argent aux fédérations internationales, vient bousculer la tradition et un certain immobilisme. "C’est un changement d’orientation, on passe d’un SportAccord qui offrait des services à un SportAccord business", a déclaré, dépité, Hein Verbruggen, ex-président de l’UCI (l’Union cycliste internationale), qui soutenait Lapasset. La victoire de Vizer est annonciatrice d’une révolution encore floue, d’une nouvelle donne dans le rapport de force, notamment avec le Comité international olympique (CIO). "Il va y avoir des dommages collatéraux", prévoit Joël Bouzou, vice-président de la Fédération internationale de pentathlon moderne. "C’est un coup de pied dans la fourmilière qui va obliger le CIO à réagir", a glissé, sous couvert d’anonymat, un habitué des réunions olympiques.
"Un judoka n’a peur de rien ; ce succès signifie que j’ai réussi à convaincre qu’il fallait plus d’unité", a commenté le président de la Fédération internationale de judo. Lors de sa présentation musclée, hier matin, il n’a pas hésité à nommer des sponsors potentiels (Gazprom, Dakia et Veolia) et a promis des Championnats du monde réunissant tous les sports d’été en 2017, qui font trembler le CIO. "Je ne lutte pas contre le CIO car les Jeux, c’est sacré, a-t-il rassuré après le vote. Mais il faut travailler pour les fédérations sans grands moyens." Le président du CIO, Jacques Rogge, qui laissera sa place en septembre, n’a pas tardé à répliquer : "Ce projet est en contradiction avec la décision des Fédérations olympiques d’été (ASOIF) qui, il y a quinze jours, avaient décidé que le programme sportif était trop congestionné pour ajouter une organisation de plus." Le cheikh Ahmad al-Fahad al-Sabah, président koweïtien de l’Association des comités nationaux olympiques, qui a soutenu financièrement la campagne de l’Autrichien, pensait à l’avenir : "Ce qui arrive est bon pour le sport. Il va y avoir du changement." Ce changement, redouté par les uns, était aussi très attendu. "Vizer a rallié la majorité des petites fédérations, celles qui ont besoin d’argent", a expliqué Walter Gagg, directeur de la FIFA. "Le désir de changement a été plus fort que la peur de Vizer, a estimé l’Italien Ricci Bitti, patron de la Fédération internationale de tennis et de l’ASOIF.Quant à Bernard Lapasset, il représentait trop l’establishment."
Cette (première) défaite du patron du rugby mondial ne peut se réduire à un échec personnel, même s’il aurait pu se démarquer davantage du controversé Verbruggen et partir plus tôt en campagne. Mais celui qui reste le président du Comité français du sport international va devoir, avec les décideurs sportifs et politiques, tirer les enseignements d’une nouvelle défaite stratégique et d’influence pour les Français. "Contrairement aux Espagnols ou aux Italiens, nous n’avons rien à échanger quand il s’agit de glaner des voix à l’échelle planétaire, a déjà expliqué Bernard Lapasset. Nous sommes dépassés par les enjeux politico-stratégiques..." En l’occurrence par la puissante confrérie du judo.

(Source : L'Equipe)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.