Vendredi 31 mai à Saint-Pétersbourg, en
Russie, l’Autrichien d’origine roumaine Marius
Vizer, cinquante-six ans, a été élu
par cinquante-deux voix, contre trente-sept au
Français Bernard Lapasset, soixante-six ans
(sur 89 votants), à la présidence de SportAccord,
association qui regroupe toutes les Fédérations,
olympiques et non olympiques. Il succède
pour deux ans au Néerlandais Hein
Verbruggen et voudrait faire entrer SportAccord
dans une autre dimension, celle des dollars
et du sport business.
Groupement
d’intérêts né en 2009 sur les cendres
d’une simple association de fédérations internationales,
dont le plaisir était de se réunir une
fois par an, SportAccord vit sa crise de croissance.
L’élection de Vizer, qui a promis beaucoup
d’argent aux fédérations internationales,
vient bousculer la tradition et un certain immobilisme.
"C’est un changement d’orientation,
on passe d’un SportAccord qui offrait des services
à un SportAccord business", a déclaré,
dépité, Hein Verbruggen, ex-président de l’UCI
(l’Union cycliste internationale), qui soutenait
Lapasset.
La victoire de Vizer est annonciatrice d’une
révolution encore floue, d’une nouvelle donne
dans le rapport de force, notamment avec le
Comité international olympique (CIO). "Il va y
avoir des dommages collatéraux", prévoit Joël
Bouzou, vice-président de la Fédération internationale
de pentathlon moderne. "C’est un
coup de pied dans la fourmilière qui va obliger
le CIO à réagir", a glissé, sous couvert d’anonymat,
un habitué des réunions olympiques.
"Un judoka n’a peur de rien ; ce succès signifie
que j’ai réussi à convaincre qu’il fallait plus
d’unité", a commenté le président de la Fédération
internationale de judo. Lors de sa présentation
musclée, hier matin, il n’a pas hésité à
nommer des sponsors potentiels (Gazprom,
Dakia et Veolia) et a promis des Championnats
du monde réunissant tous les sports d’été en
2017, qui font trembler le CIO. "Je ne lutte pas
contre le CIO car les Jeux, c’est sacré, a-t-il rassuré
après le vote. Mais il faut travailler pour les
fédérations sans grands moyens." Le président
du CIO, Jacques Rogge, qui laissera sa
place en septembre, n’a pas tardé à répliquer :
"Ce projet est en contradiction avec la décision
des Fédérations olympiques d’été (ASOIF) qui, il
y a quinze jours, avaient décidé que le programme
sportif était trop congestionné pour
ajouter une organisation de plus."
Le cheikh Ahmad al-Fahad al-Sabah, président
koweïtien de l’Association des comités nationaux
olympiques, qui a soutenu financièrement
la campagne de l’Autrichien, pensait à l’avenir :
"Ce qui arrive est bon pour le sport. Il va y avoir
du changement." Ce changement, redouté par
les uns, était aussi très attendu. "Vizer a rallié
la majorité des petites fédérations, celles qui
ont besoin d’argent", a expliqué Walter Gagg,
directeur de la FIFA. "Le désir de changement a
été plus fort que la peur de Vizer, a estimé l’Italien
Ricci Bitti, patron de la Fédération internationale
de tennis et de l’ASOIF.Quant à Bernard
Lapasset, il représentait trop l’establishment."
Cette (première) défaite du patron du rugby
mondial ne peut se réduire à un échec personnel,
même s’il aurait pu se démarquer davantage
du controversé Verbruggen et partir plus
tôt en campagne. Mais celui qui reste le président
du Comité français du sport international
va devoir, avec les décideurs sportifs et politiques,
tirer les enseignements d’une nouvelle
défaite stratégique et d’influence pour les Français.
"Contrairement aux Espagnols ou aux
Italiens, nous n’avons rien à échanger quand il
s’agit de glaner des voix à l’échelle planétaire, a
déjà expliqué Bernard Lapasset. Nous sommes
dépassés par les enjeux politico-stratégiques..." En l’occurrence par la puissante
confrérie du judo.
(Source : L'Equipe)
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