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mardi 18 juin 2013

Reprise du RC Lens : l’incroyable retour de Gervais Martel

Depuis plus d’un an, l’ancien président du RC Lens s’est battu, seul, pour reprendre le contrôle d’un club qu’il a dirigé de 1988 à 2012. Tour a commencé alors que tout semblait fini. Le 2 juillet 2012, Gervais Martel, cinquante-sept ans à l’époque, est contraint de démissionner du poste de président du RC Lens qu’il occupait depuis 1988. Le Crédit agricole Nord de France (CANF) prend le contrôle du club en devenant actionnaire majoritaire. A sa sortie de l’hôtel du golf d’Arras (Pas-de-Calais), Martel a convié quelques journalistes à trinquer sur la terrasse qui surplombe les greens ensoleillés. Souriant, il paye sa tournée, agite un billet. "C’est peut-être l’un de mes derniers, profitons-en", ironise-t-il. Certains ont alors prédit trop vite sa déchéance. Il est vrai qu’il a alors presque tout perdu, au point de se faire prêter une Renault Velsatis par un ami garagiste, sa "diligence" comme le taquinent ses amis. Mais pas sa rage de revenir aux commandes d’un club qui lui manque physiquement, au sens littéral du terme. Alors, il repart de zéro, en quête d’investisseurs.

A Michel Faroux, directeur général adjoint du CANF, il affirme : "Je reviendrai !" A Antoine Sibierski, directeur sportif du club, qu’il croise à la Gaillette dans son ancien bureau alors qu’il était venu retirer quelques dossiers, Martel lance : "Profites-en bien, cela risque de ne pas durer !" Cela a quand même pris un an. Une année pendant laquelle l’ex-président, très discret, a souvent assisté aux entraînements de son club, à la Gaillette, appuyé sur la main courante.
A Lens, sa cote semble intacte, comme en témoigne l’ovation du public lors d’un match de préparation d’avant saison, le 14 juillet 2012, à Arras. Il assiste régulièrement au stade Bollaert-Delelis, parfois avec sa fille, aux rencontres de L2. Là, dans l’espace privilège de l’enceinte, les témoignages d’affection se multiplient. Les comportements distants aussi. Le "prési" ne se démonte pas. Et cherche son salut sans relâche, costume cravate impeccable. Etape par étape. Il avait d’abord noué un accord de prêt avec Alain Daniel, un trader français exerçant à Londres. Puis, fin septembre 2012, il prend le chemin de l’Azerbaïdjan et du FC Bakou. Depuis Lille, Hafiz Mammadov, homme d’affaires azerbaïdjanais, président du club et du Baghlan Group, un mastodonte économique du pays (dans les secteurs de la banque, du pétrole, du gaz, de la construction et des transports), a affrété un avion privé de huit places. Direction Bakou pour trois jours intenses. A bord, Martel, un ami et trois anciens joueurs ou entraîneur de Lens : Olivier Dacourt (1999-2000), Jocelyn Blanchard (1999-2003) et Jean-Pierre Papin (2007-2008). La piste azerbaïdjanaise a été facilitée par Nenad Kovacevic, l’ancien milieu défensif lensois, sous contrat au FC Bakou.
Martel et Mammadov, passionné de foot et d’art, se sont trouvé des points communs. Au point d’envisager un partenariat d’échange de savoir-faire autour de la formation des jeunes, puis de mettre sur pied un projet de reprise du club. Mammadov a invité Martel une première fois à assister au match aller de la Supercoupe d’Espagne Barça-Real (3-2, le 23 août). Il connaît le parcours du Nordiste, l’histoire du RC Lens et la volonté du CANF d’un désengagement rapide. Il veut développer le football de son pays après avoir investi à l’Atlético Madrid et au FC Porto. En attendant l’Angleterre. L’Azerbaïdjan rêve aussi d’accueillir une antenne du musée du Louvre, après Abu Dhabi et… Lens. Et le principal concurrent azerbaïdjanais du Baghlan Group, SOCAR, vient de signer un accord de partenariat avec l’UEFA…
Les échanges, en anglais, s’accélèrent par avocats interposés. Martel se rend à deux nouvelles reprises en Azerbaïdjan, en novembre 2012 avec JPP et Blanchard, et au printemps, seul. C’est le cabinet parisien Clifford Chance et l’avocat Laurent Schoenstein qui gèrent ses intérêts commerciaux. La difficulté des pourparlers tient parfois aux différences culturelles, aux décalages horaires et au fait qu’Hafiz Mammadov, dont la société est basée à Dubaï, coure le monde entouré de conseillers diplômés. A différents niveaux, Martel s’appuie sur sa garde rapprochée : Didier Lignier, propriétaire du golf d’Arras et de la société d’informatique NCS, Jocelyn Blanchard, ancien directeur sportif qui retrouverait ses fonctions, Patrick Valcke, conseil de Jean-Pierre Papin, amené à récupérer son poste de directeur de la communication, et Xavier Thuilot, ex-DG du LOSC (2002-2009). Martel, dit-on, a changé son approche, reconnu ses erreurs. Il sera plus pointu sur le choix des hommes. Et misera sur le potentiel populaire du club redécouvert cette saison lors du quart de finale de Coupe de France contre Bordeaux (2-3, le 17 avril). Le projet de reprise prend enfin forme.
A Monaco, dès le lendemain de la finale de la Coupe d’Espagne (Real Madrid-Atlético : 1-2, le 17 mai), et durant trois jours, il rencontre Mammadov, qui lui signe une lettre d’intention concernant le prêt des fonds nécessaires pour racheter un club. Ce document est porté à la connaissance du CANF début juin. D’âpres discussions ont abouti, le 14 juin, à une négociation exclusive. Ce qui signifie que l’offre du fonds d’investissement luxembourgeois Mangrove Capital Partners est définitivement écartée. La banque régionale a jusqu’au 30 juin pour finaliser un Self Purchase Agreement (SPA), c’est-à-dire pour confirmer l’ensemble des modalités de l’offre et les faire parapher par Martel et Mammadov dans les moindres petits détails. Ce processus est placé sous le sceau de la plus grande confidentialité. Et, au club, pendant ce temps, rien ne peut évoluer sans les accords du vendeur et de l’acheteur. Une fois les documents signés, le transfert d’actions doit intervenir au tout début de juillet. La direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), chez laquelle le club artésien est convoqué le 18 juin, a déjà été prévenue de ce changement d’actionnariat. La veille, à midi, tous les salariés du RC Lens seront conviés à une réunion à la Gaillette, où leurs seront expo- sées les grandes lignes des changements à venir. Via une holding créée pour l’occasion, Martel et Mammadov procéderont à une augmentation de capital de plusieurs millions d’euros. Elle leur donnera l’entière propriété du club. Des liquidités seront également injectées dans le compte courant. L’objectif est de remonter prioritairement en L1 dans les deux saisons à venir. Sept joueurs, au moins, doivent venir renforcer l’effectif actuel. Le temps presse : le marché des transferts est ouvert depuis le 11 juin. Mais, après celui de l’organigramme du club où de gros changements sont à venir, le cas de l’entraîneur sera débattu prioritairement. Pour rappel, Eric Sikora ne possède pas l’indispensable diplôme d’entraîneur professionnel de football nécessaire pour s’asseoir sur le banc.

(Source : L'Equipe)

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