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samedi 2 novembre 2013

"J'ai envie de dire au gouvernement : arrêtez de construire des stades pour l'Euro 2016"

Votre première réaction à la position inflexible du président Hollande ?
Jean-Pierre Rivère, président de l'OGC Nice : Ce n'est pas une surprise, pour une raison très simple. Vous avez un gouvernement qui dans la semaine a reculé sur deux sujets très sensibles dans l'opinion publique. Comment voulez-vous que dans la même semaine le gouvernement recule encore une troisième fois, sur un sujet où pour l'instant l'opinion publique est partagée.
Justement, comment jugez-vous le fait que l'opinion ne vous suive que tièdement ?
Une des principales raisons c'est que tout le monde n'a pas très bien compris cette taxe et notamment son
application. Jeudi soir encore un ministre s'est exprimé : « Il est tout à fait normal que les joueurs payent cette taxe ». Quand j'entends ce type de propos, je comprends mieux que le grand-public s'y perde lui-même. En
l'occurrence on parle d'une taxe qui est le symbole d'une campagne électorale et que le gouvernement cherche à appliquer depuis 18 mois. Le Conseil constitutionnel ayant retoqué le gouvernement, quelqu'un a eu l'idée lumineuse de dire : « puisqu'on ne peut pas taxer les riches, taxons ceux qui les payent ». Quand il s'agit des entreprises du CAC 40 et qui génèrent des milliards de bénéfices, là encore dans le cadre de la solidarité nationale, rien ne me choque. Mais quand on souhaite appliquer ce principe à des clubs de football qui pour 18 sur 20 d'entre eux sont en déficit, je trouve ça surprenant et anormal. D'autant plus que l'on exclut du dispositif tous les autres sportifs et les artistes...
Cette taxe n'est pas une surprise pour les clubs pourtant ?
Entièrement d'accord mais le principe de départ de cette taxe c'était de faire payer celui qui reçoit l'argent, pas celui qui verse. Il ne faut pas penser que dans le football nous ne sommes pas dans la réalité des choses. Je comprends que l'opinion publique et notamment ceux qui sont dans la précarité puissent être heurtés par nos préoccupations. Mais il faut savoir que nous menons une multitude d'actions pour les associations caritatives. La Ligue 1 verse chaque année 130 millions d'euros au sport amateur. Le football français c'est 25.000 emplois et il ne se résume pas au PSG et à Monaco. Bien sûr que le football est solidaire mais il faut savoir que depuis 2-3 ans on nous a supprimé le droit à l'image collective, ce qui nous coûte 50 millions d'euros par an.
Combien cette taxe va-t-elle coûter à l'OGC Nice ?
Entre 750.000 et 1 millions d'euros. Nous avons des salaires fixes avec des variables en fonction des résultats. Le message qu'on a voulu envoyer au gouvernement est le suivant : laissez nous au moins la possibilité de budgéter cette taxe, que l'on puisse au moins la payer. Le vrai problème de cette taxe c'est la rétroactivité. Nous n'avons pas en face de cette dépense des recettes budgetées.
Certains diront, si les clubs de foot sont en déficit, ce n'est pas la faute du gouvernement ?
Certainement par le passé le football français a vécu au-dessus de ses moyens. Depuis 2-3 ans un gros effort a été accompli par les clubs pour revenir à cette notion d'équilibre. Il faut savoir que le football français s'inscrit dans un marché européen et mondial. Pour payer en France un joueur 600.00 euros bruts par an, nous avons des charges sociales à hauteur de 200.000 euros. En Allemagne pour un même salaire, c'est 12.000 euros. En Espagne, 18.000 euros. J'ai envie de dire au gouvernement : arrêtez de construire des stades pour l'Euro 2016. On dépense beaucoup d'argent public pour ces stades. Si c'est pour faire des enceintes pour trois semaines de compétition, c'est inutile.
Comment voyez-vous l'avenir de la Ligue 1 ?
Le football français va devenir de moins en moins compétitif. Il y aura un exode de joueurs et le spectacle sera de moins en moins attractif. L'opportunité de l'Euro était pourtant formidable. Il n'y a qu'à regarder en Allemagne : ils ont profité de la Coupe du monde pour rénover les stades et aujourd'hui ils ont une économie footballistique qui marche très bien. Cette taxe à valeur de symbole va dans un premier temps satisfaire la promesse électorale. Mais dans 2-3 ans, quand nous ferons les comptes, on constatera que cette taxe a rapporté beaucoup moins d'argent que ce qu'elle a coûté : moins de gros salaires, moins de charges sociales, moins d'impôts, moins d'affluence dans le stades.

(Nice matin)

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