mercredi 4 décembre 2013

Le Parlement veut-il la peau des arbitres amateurs ?

À l’heure où la réforme fiscale est d’actualité, une remise en cause de la niche des arbitres pourrait décourager des vocations.

LE WEEK-END DERNIER, 80 000 arbitres ont officié dans les stades, les dojos ou les salles de France. Leurs décisions, comme souvent, ont été analysées, critiquées, remises en cause. Mais en février 2011, c’est pour tout autre chose que la corporation dans son ensemble a été pointée du doigt, dans un rapport de la Cour des comptes titré : «Les exonérations des indemnitésaux arbitres et juges sportifs : un instrument inadapté».
Deux ans plus tard, alors qu’une remise à plat du système fiscal est dans l’air, les hommes en noir redoutent de se retrouver dans le viseur. Depuis la loi du 23 octobre 2006, les indemnités qu’ils perçoivent dans l’exercice de leur mission sont exonérées d’impôts et de charges sociales lorsqu’elles n’excèdent pas 14,5% du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 5 370 euros en2013. Ce texte avait deux objectifs : assainir un système où pouvait se pratiquer la rémunération de la main à la main et enrayer la crise des vocations.
Devant « la méconnaissance du montant exact des indemnités versées », la Cour des comptes avait surtout estimé le manque à gagner pour l’État « entre 37,5M€et 134M€ ».
«Ces sommes sont totalement impensables, s’insurge Patrick Vajda, président de l’Association française du corps arbitral multisport (Afcam). Après enquête auprès de toutes les fédérations, ce manque se situe entre 4 et 7 millions. La rémunération moyenne des arbitres français est de 222 euros par an. Alors, quand j’entends parler de niche fiscale, je deviens fou ! À l’exception de la poignée d’arbitres professionnels, moins de 1.000sur 214.000, qui paient leurs impôts comme tout un chacun, la quasi-totalité des arbitres y sont de leur poche, et on voudrait les faire passer pour des profiteurs ! »
« Chez nous comme dans la plupart des fédérations, personne n’atteint le plafond, confirme Olivier Plate, président de la commission des juges et arbitres de hockey sur gazon. Un arbitre ne vit pas avec 48euros quand il a fait un match (Championnat Élite ou N1) dans son week-end. Nos frais de bouche, c’est sandwich, pas Bocuse. Certains sont en difficulté et ça leur fait une petite aide. Aujourd’hui, être bénévole devient de plus en plus difficile. Un arbitre qui fait des kilomètres chaque week-end pour se faire engueuler, si, en plus, on lui met des barrières financières, on va le démotiver. On a déjà du mal à trouver du monde… »
Jean-Robert Lainé est l’un des 1.249 officiels de boxe en France : « À l’étranger, on nous donne parfois des “pocket money”. En octobre, aux Championnats du monde à Almaty (Kazakhstan), c’était 50 dollars par jour. En France, on ne gagne pas d’argent. Ce n’est que du défraiement. Je touche 15,24 euros en frais de blanchissage et d’amortissement de ma tenue. Sur une saison, je peux tourner avec cinq chemises. À la fin, les manches, vous ne pouvez plus les récupérer. Elles sont souillées de sang à force de séparer les boxeurs, et la chemise, vous la jetez. Pour la plupart d’entre nous tous, l’arbitrage est une passion qui coûte de l’argent et, si l’on remettait en cause cette loi, ce serait la fin de certains officiels et la mort de certains sports.»
Mais, qu’ils soient rassurés au moins pour un an, le projet de loi de finances pour 2014 ne prévoit pas de modifier leur statut fiscal. «Chaque année, les niches fiscales font l’objet d’un questionnement. Nous avons défendu la mesure, qui a fait l’objet d’un arbitrage favorable, assure-t-on au ministère. Cet avantage fiscal n’est pas un moyen de contourner l’impôt, il a un vrai sens de politique publique, il est vraiment vertueux. Il s’adresse essentiellement à des quasi-bénévoles qui mènent une mission de service public. C’est donc de l’argent public bien orienté. »

(L'Equipe)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.