La création d'une entité rugbystique basque associant les deux
ennemis historiques Bayonne et Biarritz, qui suscite tant de passion
chez leurs supporteurs, implique aussi forcément compromis locaux et
conséquences ailleurs.
Ce rapprochement, qui serait une première entre deux clubs du Top 14, ne fera pas que des heureux.
Il
y aura forcément des déçus, ou des "cocus", chacun se définissant comme
il le peut depuis le 6 décembre et l'annonce encore "impensable" il y a
peu, devenue réalité pour raisons économiques mais avant tout
sportives, quoi qu'en disent les intéressés.
Sauve-qui-peut le
soldat BO, bon dernier et mal embarqué en Top 14, confronté à
l'ultimatum lancé par son principal argentier, Serge Kampf, patron de
Cap Gemini, prêt à lâcher le club de Serge Blanco sans union à court
terme.
L'Aviron lui, aux mains du lunetier Alain Afflelou, qui
injecte 4 millions d'euros chaque saison, a aussi compris que pour viser
le Top 6, la présence à ses basques d'un rival au budget quasi
similaire (18,2 millions d'euros contre 16,9 pour Biarritz) était un
frein insurmontable dans un bassin économique restreint.
Une
union, comme celles réussies (Stade Français-CASG, US Métro-Racing,
Bordeaux-Bègles) ou celle néfaste de Tarbes-Lannemezan, doit être bien
réfléchie et non précipitée comme l'ont dénoncé encore ce week-end les
candidats aux élections municipales de mars 2014 dans les deux villes.
Quels
nom, stade, couleurs, budget, dirigeants: tout doit être bien pesé pour
que la vox populi, souvent réfractaire initialement, trouve sa voie
dans ce fragile et délicat consensus.
Pour éviter la jalousie, le
stade Anoeta de Saint-Sébastien, fief de 32.000 places des footballeurs
de la Real Sociedad, serait l'antre idéal pour accueillir les grandes
affiches d'une ERP (Euskadi Rugby Pro), les autres matches pouvant se
partager entre Aguilera à Biarritz (13.500 places) et Jean-Dauger à
Bayonne (17.000 places).
Côté couleurs, pourquoi ne pas
s'approprier celles de la sélection du comité Côte basque-Landes (vert,
rouge et blanc), qui ralliaient les encouragements des supporteurs des
deux clubs lors des Tournées au Pays basque des équipes de l'hémisphère
sud dans les années 70 à 90 ?
Niveau finances, Afflelou répète
indéfiniment que l'addition "des budgets actuels des deux ne fera jamais
35 millions d'euros, mais si on peut faire 25, ce serait fabuleux, on
aurait une autre dimension". Avec ce montant, la future franchise basque
aurait eu le 3e budget du Top 14 cette saison, à égalité avec celui du
Stade Français.
Au niveau des structures mêmes, il y aura
beaucoup de points urticants à éclaircir comme l'effectif, avec trente
joueurs en fin de contrat à la fin de la saison (17 à Biarritz, 13 à
Bayonne), l'encadrement sportif (Christian Lanta et Christophe Deylaud
toujours sous contrat à l'Aviron) et administratif (siège).
Avec
Serge Blanco, qui vise notoirement la présidence de la Fédération
française, et Alain Afflelou, qui se dit prêt à quitter le navire si la
fusion n'aboutissait pas, l'option du 3e homme apparaît et tous les
regards se tournent vers ... le Qatar.
Propriétaire de la chaîne
de télévision BeIN Sport, qui est en course pour l'obtention des droits
TV pour les quatre prochaines années, on prête à l'émirat du Qatar
l'envie de refaire le coup du PSG, sauce rugby basque.
Au plan
national, ce rapprochement, s'il est acté fin mars comme les principaux
acteurs le désirent ardemment, pourrait bouleverser le rugby
professionnel français dans son ensemble, avec casse-tête prévisible
pour les montées-descentes jusqu'en Fédérale 1.
Surtout, il y a un
risque de voir le Top 14 faussé quoi qu'il arrive en mars, avec un
regard presque inquisiteur sur le prochain déplacement de Bayonne,
aujourd'hui mieux classé, à Biarritz, le 1er mars prochain justement.
"Les
questions d'éthique que cela pose, Brive et Oyonnax (ndlr: à la lutte
pour le maintien avec Bayonne et Biarritz) ont déjà dû se les poser",
expliquait vendredi dans Sud Ouest le 3e ligne bayonnais Guillaume
Bernad, en fin de contrat.
(AFP)
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