Prescrire des séances d'escrime ou de karaté après un cancer, faire
ramer ou pédaler un diabétique et réduire l'usage de médicaments: cette
ambition partagée par une poignée de médecins est en train de se
matérialiser, au point que l'on parle désormais de rembourser certaines
pratiques.
Dans les rêves les plus fous de Marisol Touraine et
Valérie Fourneyron, les deux ministres (Santé et Sports) en charge du
dossier, les généralistes auraient en effet bientôt le réflexe "marche
nordique plutôt qu'anxiolitiques", et les mutuelles prendraient en
charge les cotisations dans les clubs labellisés. "Le sport à la place
d'une longue liste de médicaments", aime à répéter Mme Fourneyron,
autrefois médecin du sport, qui entend, dans le même esprit, réformer le
certificat médical de non contre-indication à la pratique sportive en
déclarant le sport, a priori, "indiqué pour tous".
C'est la Haute
Autorité de santé qui a pointé en 2011 l'intérêt des thérapies non
médicamenteuses dans certaines pathologies, ouvrant la voie à la
réflexion sur le "sport sur ordonnance" et à la mise en place de comités
de pilotage régionaux, plus ou moins en pointe, dotés aujourd'hui de 3 millions d'euros de budget.
Parallèlement, les études foisonnent pour prouver les dangers
d'une sédentarité qui touche 52% des Français, tous âges confondus, et
les mérites sanitaires et économiques de l'activité physique. Selon le
chiffre régulièrement avancé par les ministres, elle réduirait les frais
de santé de 250 euros par an et par personne, soit une économie
potentielle de 6 milliards pour l'assurance maladie. Un argument que
Mmes Fourneyron et Touraine assènent aux mutuelles pour les inciter à
collaborer au programme en remboursant les pratiques sportives
prescrites. Certaines y sont déjà sensibles.
Pour les médecins,
toute activité physique est bonne à prendre. Trente minutes de marche
par jour ou le bannissement des ascenseurs, voila leur médication pour
rester en bonne santé (prévention primaire), voire se remettre d'une
maladie (prévention tertiaire). Une vision réductrice qui ne satisfait
guère le mouvement sportif, bien décidé à promouvoir sa spécificité.
"Demandez
à une diabétique en surpoids d'aller à la piscine! lance Alain Calmat,
président de la commission médicale du Comité national olympique et
sportif (CNOSF), ancien ministre des Sports et médecin lui-même. Il y a
toutes les chances que ce soit un échec. Maintenant, si elle vous dit
que plus jeune, cette dame adorait le basket ou le judo, vous pouvez lui
prescrire une pratique adaptée... Le maître mot, c'est le plaisir!"
C'est en recevant Jean Borotra, l'un des Mousquetaires du tennis
français, que Calmat, alors ministre de Laurent Fabius, a compris les
vertus de la personnalisation des pratiques sportives. "Je lui demande,
Monsieur Borotra, vous avez 85 ans et vous paraissez en pleine forme,
quel est votre secret? Il me répond: +Je fais deux sets de tennis tous
les matins+. Je m'étonne: Vous ne courez quand même pas sur le court
comme un lapin? +Non me dit-il, je joue sur un demi-terrain+".
Via
le CNOSF, maison mère de toutes les fédérations sportives, Calmat met
au point un "dictionnaire à visée médicale des disciplines sportives",
véritable "Vidal" du sport, s'appuyant sur les informations remises par
les fédérations, sur les vertus spécifiques de leurs sports, leurs
adaptations possibles.
Début 2015 espère-t-il, les médecins
prescripteurs, formés, pourront y piocher des protocoles d'activités
physiques adaptées à quatre premières classes de pathologies: cancer,
maladies cardio-vasculaires, métaboliques, vieillissement, ainsi que les
adresses de clubs proposant des formateurs qualifiés.
Certaines régions n'ont pas attendu la mise en oeuvre nationale du plan. En province, les
initiatives se multiplient, souvent fruits de démarches individuelles:
l'escrime en Midi-Pyrénées, la marche nordique en Champagne, des vélos
mis à disposition par la municipalité à Strasbourg... En attendant le
grand élan national.
(AFP)
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