AU COEUR d’un dimanche passé de Gerland à
Geoffroy-Guichard, d’un stade auquel son locataire historique a donné
son préavis à un
lieu ancestral balayé par une architecture
nouvelle, il nous a été rappelé ce que sera,
très vite, le décor du football français.
Le tirage au sort des qualifications de
l’Euro2016, dimanche, à Nice, nous plongera
dans ce futur proche de stades terminés et
rutilants.
Un horizon à un an, disons deux ans
dernier carat, pour celles d’entre les villes hôtes quelque
peu à la bourre.
Il est difficile d’aimer le football
sans aimer les stades, ils sont liés
dans nos affections comme dans
nos souvenirs. En disant que l’on
va à l’opéra, on définit un lieu
autant que la musique, et pour les
choses du ballon, c’est pareil : à Paris on va au Parc,
à Marseille on va au Vélodrome,
et tout le reste est induit.
Mais la fréquentation des nouvelles enceintes du pays,
au-delà de l’esthétisme, au delà
de la certitude que tout cela fera un très
bel Euro, suscite l’inquiétude que, dorénavant,
tout soit comme d’habitude.
La problématique est à la fois économique
et identitaire.
Les clubs et le football de France vont
souffrir douloureusement, dans les années à
venir, du système des PPP, ces partenariats
public-privé, qui établissent l’incapacité économique des
clubs à construire eux-mêmes
leur stade, et même à mieux vivre ensuite :
en passant du Stadium Nord à son grand
stade, le LOSC, donc, n’a même pas gagné de
quoi payer le salaire de Corchia.
Et au-delà de l’économie, il y a ce sentiment
de n’être pas chez soi.
Dans les stades
construits en PPP, comme à Lille ou à Nice, les
clubs ne sont qu’une ligne dans le bilan, seulement
majoritaires dans les colonnes des
recettes du consortium qui gère l’équipement
comme un parking. Lorsque l’on visite les
stades français, il est trop souvent impossible
de savoir qui habite les lieux.
Dans les pays de football, les clubs sont
l’âme des stades. En France, dans de trop
nombreux cas, ils sont locataires et n’ont
même pas le choix du papier peint. C’est déjà
tout un monde de changer la moquette et de
se renvoyer mutuellement le règlement de
copropriété.
Gris, c’est la couleur de Lille ? Les
sièges du grand stade nordiste sont
gris parce que c’est moins salissant.
À Valenciennes, au moins, tout est
rouge. À Saint-Étienne, les sièges
sont verts et blancs. Le stade lillois
est gris, comme les murs : quel rapport
avec le LOSC ?
De toute façon, un stade
de foot qui porte le nom de Pierre-Mauroy,
lequel n’en avait absolument rien à fiche et
avait retardé sa construction, mélange les
genres pour de mauvaises raisons.
Et puis, on n’habite pas seulement un
stade par les matches. Juninho faisait remarquer
qu’en déplacement avec l’OL en Ligue
des champions, il traversait des couloirs
chargés de photos des joueurs anciens et actuels
du club visité, de trophées et de couleurs,
mais qu’à Gerland il n’y avait rien, pas
une photo dans le vestiaire du stade municipal.
Lyon n’est pourtant pas l’endroit, loin s’en
faut, où un club professionnel est le plus mal
traité. Mais personne n’a jugé que c’était important,
ni à Lyon, ni dans la plupart des
autres stades.
Alors, grâce à l’Euro2016, la France aura de
beaux stades. Mais on n’est pas obligé d’attendre
que la fête soit passée pour réfléchir à
la meilleure manière de les habiter.
(L'Equipe)
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RépondreSupprimerPour habiter les stades, commençons déjà par arrêter de criminaliser les supporters les plus fervents - les fameux ultras - qui, avec un minimum de dialogue et d'encadrement sauront mettre une ambiance de feu et donner un gros supplément d'âme à ces lieux sans incidents.
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