jeudi 20 février 2014

Les stades de l'Euro 2016 manquent-ils d'identité ?

AU COEUR d’un dimanche passé de Gerland à Geoffroy-Guichard, d’un stade auquel son locataire historique a donné son préavis à un lieu ancestral balayé par une architecture nouvelle, il nous a été rappelé ce que sera, très vite, le décor du football français. Le tirage au sort des qualifications de l’Euro2016, dimanche, à Nice, nous plongera dans ce futur proche de stades terminés et rutilants.
Un horizon à un an, disons deux ans dernier carat, pour celles d’entre les villes hôtes quelque peu à la bourre. Il est difficile d’aimer le football sans aimer les stades, ils sont liés dans nos affections comme dans nos souvenirs. En disant que l’on va à l’opéra, on définit un lieu autant que la musique, et pour les choses du ballon, c’est pareil : à Paris on va au Parc, à Marseille on va au Vélodrome, et tout le reste est induit.
Mais la fréquentation des nouvelles enceintes du pays, au-delà de l’esthétisme, au delà de la certitude que tout cela fera un très bel Euro, suscite l’inquiétude que, dorénavant, tout soit comme d’habitude. La problématique est à la fois économique et identitaire. Les clubs et le football de France vont souffrir douloureusement, dans les années à venir, du système des PPP, ces partenariats public-privé, qui établissent l’incapacité économique des clubs à construire eux-mêmes leur stade, et même à mieux vivre ensuite : en passant du Stadium Nord à son grand stade, le LOSC, donc, n’a même pas gagné de quoi payer le salaire de Corchia. Et au-delà de l’économie, il y a ce sentiment de n’être pas chez soi.
Dans les stades construits en PPP, comme à Lille ou à Nice, les clubs ne sont qu’une ligne dans le bilan, seulement majoritaires dans les colonnes des recettes du consortium qui gère l’équipement comme un parking. Lorsque l’on visite les stades français, il est trop souvent impossible de savoir qui habite les lieux. Dans les pays de football, les clubs sont l’âme des stades. En France, dans de trop nombreux cas, ils sont locataires et n’ont même pas le choix du papier peint. C’est déjà tout un monde de changer la moquette et de se renvoyer mutuellement le règlement de copropriété. Gris, c’est la couleur de Lille ? Les sièges du grand stade nordiste sont gris parce que c’est moins salissant. À Valenciennes, au moins, tout est rouge. À Saint-Étienne, les sièges sont verts et blancs. Le stade lillois est gris, comme les murs : quel rapport avec le LOSC ?
De toute façon, un stade de foot qui porte le nom de Pierre-Mauroy, lequel n’en avait absolument rien à fiche et avait retardé sa construction, mélange les genres pour de mauvaises raisons. Et puis, on n’habite pas seulement un stade par les matches. Juninho faisait remarquer qu’en déplacement avec l’OL en Ligue des champions, il traversait des couloirs chargés de photos des joueurs anciens et actuels du club visité, de trophées et de couleurs, mais qu’à Gerland il n’y avait rien, pas une photo dans le vestiaire du stade municipal. Lyon n’est pourtant pas l’endroit, loin s’en faut, où un club professionnel est le plus mal traité. Mais personne n’a jugé que c’était important, ni à Lyon, ni dans la plupart des autres stades. Alors, grâce à l’Euro2016, la France aura de beaux stades. Mais on n’est pas obligé d’attendre que la fête soit passée pour réfléchir à la meilleure manière de les habiter.

(L'Equipe)

2 commentaires:

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  2. Pour habiter les stades, commençons déjà par arrêter de criminaliser les supporters les plus fervents - les fameux ultras - qui, avec un minimum de dialogue et d'encadrement sauront mettre une ambiance de feu et donner un gros supplément d'âme à ces lieux sans incidents.

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.