Les autorités brésiliennes ont les protestataires radicaux dans le
viseur à l'approche du Mondial et sont déterminées à juguler tout
débordement violent susceptible d'entacher la grande "fête" du football.
Une
répétition à l'identique de la fronde sociale massive qui avait ébranlé
le pays en juin 2013 semble peu probable à en croire les sondages
d'opinion.
Mais les manifestations demeurent la principale
préoccupation sécuritaire des autorités qui vont mobiliser 170.000
policiers et militaires dans les 12 villes hôtes.
Unies
sous le slogan "La Coupe n'aura pas lieu", l'extrême gauche et la
nébuleuse néo-anarchiste brésilienne restent farouchement mobilisées. Et
si elles ne rassemblent plus guère à chaque fois que 1.000 à 2.000
protestataires, les manifestations de Rio de Janeiro et Sao Paulo
dégénèrent systématiquement en affrontements brutaux entre militants
anarchistes des Black Blocs et une police militaire (PM) aux méthodes
brutales.
La mort d'un caméraman de télévision, atteint en pleine
tête par une fusée d'artifice lancée par des manifestants, le 6 février à
Rio, a suscité une grande indignation dans le pays et un net
durcissement du gouvernement. "Nous n'aurons aucune complaisance avec
ça, il faut réprimer", a lancé la présidente de gauche, Dilma Rousseff.
Elle
a ravivé le débat parlementaire sur un double front: durcissement en
vue du code pénal pour punir les débordements, et élaboration d'une loi
anti-terroriste prévue de longue date mais qui a peu de chances
d'aboutir avant le Mondial.
Certains parlementaires souhaitent
qualifier en "actes de terrorisme" les violences des militants radicaux.
Mais le Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir, qui a lui-même
un long passé de manifestations, marche sur des oeufs et cherche un
délicat équilibre entre préservation du droit à manifester et sécurité.
"Le
terrorisme est une chose, d'autres crimes relèvent d'autres
qualifications", a souligné le ministre de la Justice, José Eduardo
Cardozo, favorable à l'interdiction de manifester le visage masqué.
"D'un côté nous devons garantir la liberté de manifestation, y compris
en protégeant les manifestants qui veulent s'exprimer démocratiquement.
De l'autre, nous ne pouvons tolérer que des personnes se servent des
manifestations pour tuer, blesser ou casser", a expliqué le ministre.
Sur
le terrain, la police militaire, mal formée au maintien de l'ordre,
tente laborieusement depuis des mois d'adapter ses méthodes.
Lors d'une manifestation "anti-coupe" le 22 février, elle a
inauguré à Sao Paulo une nouvelle tactique qui pourrait faire école:
marquage au maillot des manifestants par des policiers marchant à leurs
côtés et recours à des policiers "ninjas" experts en arts martiaux pour
limiter l'usage des armes non-létales. Une dispersion "préventive" avait
ensuite eu lieu avec gaz lacrymogènes, encerclement et arrestations
aveugles de plus de 200 manifestants et de journalistes sur la seule
base d'"informations" portant sur l'imminence de troubles...
Sans l'avouer publiquement, les 12 villes-hôtes
traînent des pieds pour installer les "fans-fests" exigées par la Fifa,
où des dizaines de milliers de supporteurs sont censés assister aux
rencontres sur des écrans géants. Elles rechignent à de nouvelles
dépenses publiques impopulaires en année électorale. Et craignent que
ces "fans-fests" ne deviennent des cibles de choix pour les militants
anti-système.
De récentes scènes d'extrême violence entre
supporteurs ultras ont également tiré la sonnette d'alarme à l'étranger.
Au Brésil, on ne s'en inquiète pas trop: le hooliganisme est endémique
autour de certains clubs (30 morts en 2013) mais la Seleçao n'a jamais
suscité de passions violentes.
Enfin, le pays reste miné par une
criminalité très élevée. La reprise en main par les forces de l'ordre
d'une quarantaine de favelas de Rio, jusqu'alors infestées par le crime
organisé, a fait baisser le taux d'homicides de plus de 40% dans la "ville merveilleuse".
Mais
les trafiquants de drogue ont riposté ces dernières semaines, en tirant
sur des policiers. Quant aux vols avec agressions, ils sont en forte
recrudescence dans les quartiers touristiques de Rio depuis plusieurs
mois.
"Le Brésil est préparé pour assurer la sécurité de ses
citoyens et des visiteurs. Si besoin, nous mobiliserons aussi les forces
armées", a assuré la présidente Rousseff. Rendez-vous dans 100 jours.
(AFP)
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