La caïpirinha que le secrétaire général de la Fifa souhaite déguster
dans un mois, au coup d'envoi du Mondial, aura-t-elle un goût amer ?
Quatre stades sont toujours en travaux, les Brésiliens désenchantés,
transports et sécurité en question.
Des piles de maillots vert et
jaune de contrefaçon couvrent les étals des marchés de rue à Rio de
Janeiro. Radieux, Neymar et ses potes de la "Seleçao" sont omniprésents à
l'heure de la pub, vendant voitures et mousses à raser sur fond de
samba tonitruante.
Mais à part cela, entre retards, grogne et
perplexité latentes, la "fête du football" promise en terre sainte du
ballon rond tarde à démarrer.
"C'est très mou. Je n'ai jamais vu
ça en plus de 30 ans au Brésil, observe Pierre Wurtz, Français et
carioca d'adoption, en sirotant sa cachaça en terrasse. D'habitude, tous
les quatre ans, dès que le carnaval est passé, les gens ne parlent plus
que du Mondial. Ils peignent les rues en couleurs. Les bars se
tapissent de drapeaux brésiliens. Là, presque rien."
Le rêve du Brésil de réformer ou construire 12 stades flambants neufs, ainsi que les infrastructures d'autant de villes,
pour démontrer à la face du monde le grand réveil du géant émergent,
s'est heurté à une réalité têtue. Et à une déferlante de critiques...
Critiques d'une Fifa désormais résignée sur les retards accumulés
en sept ans (!) de préparation et le difficile dialogue avec trois
couches de pouvoir (fédéral, Etats, villes)
de ce pays-continent de 200 millions d'habitants à l'administration
kafkaïenne. "Nous avons vécu un enfer au Brésil", vient de confesser son
secrétaire général, Jérôme Valcke.
Critiques des Brésiliens
eux-mêmes, qui sont massivement descendus dans les rues en juin 2013
pour protester contre les 11 milliards de dollars engloutis sur leurs
impôts dans la préparation de la "Copa"... et réclamer un lifting au
"standard Fifa" de services publics délabrés.
La proportion de
Brésiliens soutenant le Mondial au pays est passée de 79% en 2008 à 48%
en avril. Les "anti" n'était que 10%% il y a six ans, 41% aujourd'hui.
Quatre
stades sont toujours en travaux, celui du match d'ouverture
Brésil-Croatie du 12 juin à Sao Paulo, Curitiba, Cuiaba et Porto Alegre.
Ils ne seront livrés qu'à la "dernière minute" le 21 mai. Le
temps de les tester à la va-vite. De finir de les câbler
contre-la-montre, pour éviter de mauvaises surprises aux télévisons qui
ont payé des fortunes à la Fifa le droit de transmettre en direct le
plus grand événement sportif planétaire.
Tous les stades devaient
être équipés de la technologie 4G. Mais l'internet wi-fi ne
fonctionnera pas bien dans la moitié d'entre eux. Et il risque d'y avoir
des problèmes dans certains aéroports, condamnés à absorber le surplus
de visiteurs dans des structures provisoires, faute d'avoir été rénovés à
temps.
- Guérilla urbaine -
"Le Brésil a pourtant l'expérience des méga-projets. Mais j'ai vu
peu de choses aussi en retard que les préparatifs du Mondial", déplore
Lamartine Pereira da Costa, professeur d'Etudes olympiques et de gestion
du sport à l'Université d'Etat de Rio (UERJ).
Les manifestations
anti-Mondial, qui s'étaient radicalisées après la fronde sociale de
2013, sont devenues presque insignifiantes après la mort d'un cameraman
de télévision au début de l'année à Rio. Mais l'extrême gauche et les
anarchistes Black Blocs promettent d'en découdre à nouveau pendant le
Mondial.
Et les grèves sectorielles (police fédérale, vigiles des banques, chauffeurs de bus) se multiplient.
A Rio de Janeiro, les signaux sécuritaires sont eux repassés à l'orange.
La
politique -dite de "pacification"- de reprise en main par la police des
favelas aux mains des trafiquants a du plomb dans l'aile. Les
trafiquants tentent de regagner une partie du terrain perdu et tuent
régulièrement des policiers.
L'attitude souvent brutale des "pacificateurs" dans ces bidonvilles jette de l'huile sur le feu : l'assassinat d'un jeune danseur, dans une
favela de Copacabana, attribué à la police par les habitants, a
provoqué, fin avril, d'authentiques scènes de guérilla urbaine à quelque
centaines de mètres de la plus célèbre plage de Rio.
Les vols à la tire, parfois violents, se multiplient dans toute la zone touristique de la "ville Merveilleuse", où séjourneront 400.000 des 600.000 fans étrangers attendus au Brésil.
Le gouvernement promet de mobiliser plus de 170.000 policiers et militaires dans les 12 villes hôtes, pour garantir que rien ne viendra troubler la fête.
Seul
le sélectionneur brésilien, Luiz Felipe Scolari, affiche une belle
sérénité. Celle du premier de la classe qui a bien préparé son examen en
remportant l'an dernier la Coupe des confédérations (3-0) face à
l'Espagne.
"Felipao" a gagné le droit de rêver d'offrir un
sixième titre au Brésil le 13 juillet au Maracana à Rio, qui effacerait à
jamais la déroute de sinistre mémoire de 1950, dans ce même stade
contre l'Uruguay.
Mais comment réagiront les Brésiliens en cas
d'élimination prématurée des "auriverde" ? Par exemple, lors du 8e de
finale à haut risque qui les attends, probablement contre l'Espagne
championne du monde ou les Pays Bas, l'autre finaliste de 2010...
"Le
Brésil peut être champion et moi perdre l'élection. Il peut ne pas y
arriver et moi être réélue", plaisante la présidente Rousseff.
Toujours
favorite pour la présidentielle d'octobre mais en recul progressif dans
les sondages, elle a tout de même fort intérêt que le Brésil décroche
sa 6e étoile mondiale.
(AFP)
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