Il est loin le temps où Puskas et la Hongrie régnaient sur l'Europe
du foot: alors que Jeno Buzanszky, l'ultime survivant de la mythique
équipe des années 50, vient de mourir, le pays peine à s'inventer un
avenir dans ce sport, malgré un vaste programme de construction de
stades.
Les supporteurs, lassés du niveau des équipes locales,
boudent les terrains flambant neufs voulus par le premier ministre
conservateur Viktor Orban.
Depuis l'arrivée au pouvoir de ce grand
fan de foot il y a cinq ans, le gouvernement a investi 450 millions
d'euros d'argent public, et construit ou rénové des dizaines de stades,
faisant fi de la récession et des restrictions budgétaires.
En
août dernier, M. Orban avait qualifié de "grand jour pour la Hongrie"
l'inauguration du nouvel écrin de Ferencvaros, le plus grand club du
pays. Les 22.000 places du stade avaient été vendues pour un match de
gala contre les stars londoniennes de Chelsea.
Las. Ferencvaros
joue depuis devant 6.000 spectateurs en moyenne. Partout, les travées
des stades dernier cri sonnent creux, comme au MTK Budapest (5.000
places, assistance moyenne 700 personnes), ou à Honved (8.000 places
pour 1.000 spectateurs habituels). Et à en croire les supporteurs, le
spectacle est pauvre - surtout compte-tenu du glorieux passé.
Dans les années 50, le Onze d'or hongrois et ses vedettes -
Ferenc Puskas, Gyula Grosics, Sandor Kocsis - marqua de son empreinte le
foot mondial, allant en 1954 jusqu'en finale de la Coupe du monde, où
il s'inclina contre l'Allemagne à la surprise générale.
Cet
exploit fut une apogée. Depuis 1986, aucune sélection hongroise ne s'est
plus qualifiée pour une compétition internationale. Quant aux grands
clubs du pays, ils sont devenus insignifiants sur la scène européenne.
Alors
que, ô symbole, s'est éteint dimanche Jeno Buzanszky, le dernier
survivant du Onze d'or, c'est à cette longue dégringolade que le
gouvernement Orban veut mettre fin.
La profession l'approuve
plutôt. "C'est le début d'un processus qui veut remettre en question la
négligence des dernières décennies", dit à l'AFP Jeno Sipos, un
porte-parole de la fédération hongroise (MLSZ).
"On
aurait dû construire les stades il y a vingt ans. C'est un premier pas
dans la bonne direction", juge l'attaquant Sandor Torghelle, du MTK
Budapest.
Les ultras, en revanche, ont engagé un boycott des
matches. Ils protestent devant les nouvelles mesures de sécurité, contre
la hausse du prix des billets, et même contre un changement d'ambiance.
"La passion n'est plus la bienvenue", se plaint Imre, fan de
Ferencvaros depuis ses six ans: "On veut nous faire applaudir poliment
et acheter des boissons chères à la mi-temps, comme au théâtre".
Le
plus ennuyeux, c'est que "le prix des billets a augmenté, mais pas la
qualité", dit un vendeur de graines de tournesol, le snack préféré des
Hongrois au stade. Son stand est installé à l'extérieur de l'enceinte de
Ferencvaros, et cela ne lui manque pas: "Je préfère regarder du vrai
foot à la télé, comme le championnat d'Espagne", dit-il cruellement.
Le
programme fastueux de construction de stades a d'autres critiques,
cette fois extérieurs au monde du foot. Dans les manifestations
anti-Orban de ces derniers mois, on rappelait les coupes dans le budget
de l'enseignement scolaire. Et les moqueries fusaient sur le stade de
4.500 places que le premier ministre a fait bâtir dans sa bourgade
natale de Felcsut, 1.700 habitants...
Mihaly Muszbek, un
économiste du sport, offre un avis nuancé: "On n'avait pas construit de
stades depuis 50 ans, donc l'intention de départ est très bonne. Mais
l'idée de construire un bel opéra pour y présenter des chanteurs sans
talent ne peut pas fonctionner".
La fédération plaide "une période de réorganisation et de renouveau", dont la
construction de stades ferait partie. Rendez-vous dans quelques années.
(AFP)
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