Bongoville. 3.000 habitants.
Son hôpital dernière génération, sa résidence présidentielle, son stade
moderne, ses trois hôtels dont un 5 étoiles, son lycée, ses écoles, sa
gendarmerie, son Trésor public... Le village natal de l'ancien président du
Gabon Omar Bongo, décédé en 2009 après 42 ans au pouvoir, bénéficie d'un
traitement de faveur.
Comme un symbole pour son 10e anniversaire, le départ de la Tropicale
Amissa Bongo, course cycliste qui rassemble coureurs du circuit professionnel
et amateurs du continent africain depuis 2006, a été donné là, à quelques
mètres du mausolée d'Amissa Bongo (1964-1993), fille décédée d'Omar Bongo, qui
lui avait rendu hommage en baptisant la course de son prénom.
Contrairement à l'idée communément reçue au Gabon, Bongoville ne s'appelle
pas ainsi en honneur d'Omar Bongo, son plus illustre enfant, mais en raison
d'un chef de canton qui avait impulsé le regroupement de villageois du secteur
dans cette agglomération. Parmi ces petits hameaux, dans une région vallonnée
entre la forêt équatoriale et les plateaux Batekés, Lewai, le village natal
d'Omar Bongo.
Omar Bongo, fin diplomate, se mouvait à merveille sur le continent et dans
la "Françafrique" dont il était un des piliers, mais il est aussi resté le chef
traditionnel n'oubliant jamais sa région, qu'il a constamment fait profiter des
largesses de l'Etat gabonais.
Si les premières éditions de l'Amissa Bongo se cantonnaient surtout au
Haut-Ogooué, c'est que cette province disposait du réseau routier goudronné le
plus important du pays, malgré un bassin de population relativement faible. Et
sans doute aussi parce qu'il était possible de l'atteindre le train, le
Transgabonais, oeuvre titanesque de 700 km voulue par Omar Bongo et qui relie
la capitale du Haut-Ogooue à Owendo, le port de Libreville.
La construction de ce chemin de fer, entre 1974 et 1978, répondait à la
volonté de voir le manganèse produit au Gabon exporté depuis son territoire, et
non plus via le Congo voisin. Et elle permettait du même coup de désenclaver la
région présidentielle.
Après le décès d'Omar Bongo en 2009, son fils Ali lui a succédé, grâce
notamment au vote massif des populations de la province. Et les vieilles
habitudes ont perduré.
Franceville, la capitale provinciale, a été un des deux sites de la Coupe
d'Afrique des Nations 2012, bénéficiant ainsi d'aménagements pour la
compétition, dont la rénovation de son aéroport... Et Bongoville, située à 60
km de là, a hérité d'un stade d'entraînement et d'un hôtel de luxe. Celui-ci,
au taux de remplissage en dents de scie, accueille séminaires et colloques qui
laissent ainsi quelques millions de Francs CFA au village.
Ce "surinvestissment" dans cette région suscite des mécontentements, alors
que des provinces plus peuplées ne sont pas aussi bien équipées, dans un pays
aux infrastructures souvent défaillantes.
Le préfet Joseph Matsiengui-Boussamba balaie les critiques: "C'est une idée
reçue. Bongoville bénéficie de la même organisation administrative que le reste
des départements du pays. Il n'y a pas de traitement de faveur".
"Il fait bon vivre à Bongoville, admet Ghislain Mannix Otiessi-Andjoua,
fonctionnaire aux Affaires sociales. Les populations sont bien. Il y a tout.
Ils n'ont pas à prendre le transport pour aller à l'école, à l'hôpital... Il y
a des investissements agricoles" souligne-t-il en citant les cultures
avoisinantes (café, igname, manioc).
Le village, entièrement goudronné et électrifié (une exception au Gabon), a
bénéficié aussi, au fil du temps, de logements sociaux et de maisons... dont
beaucoup sont étrangement abandonnées alors que certains villageois vivent
encore dans des paillotes ou des maisons de bois et de tôle.
Les investissement publics ne bénéficient pas à tous. "Les jeunes sont
assis! Il n'y pas de travail. Ce n'est pas bien de vivre ici", bougonne un
jeune homme, Brice Fred. Pourtant, une usine de plastique avait été implantée
il y a quelques années mais elle est aujourd'hui à l'arrêt, le sable local,
nécessaire à son fonctionnement, n'étant pas de la qualité requise...
Un voisin qui ne veut pas donner son nom ajoute: "Finalement, Bongoville,
c'est quoi? Juste une route!". Une route où chemine une vieille femme qui ploie
sous la charge d'un cabas en osier rempli de bois mort.
(AFP)
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