Loin de la Coupe du monde de cricket en Australie et en
Nouvelle-Zélande, la fédération française, longtemps dirigée par des
immigrés indiens, anglais ou sri lankais, fait sa pub dans les écoles,
pour espérer un jour bâtir une équipe de haut niveau.
L'équipe de
France masculine n'a jamais participé à la populaire et lucrative Coupe
du monde, qui débute vendredi. Loin du doux hiver austral, l'équipe de
France a repris sa saison le week-end dernier, à l'aube, dans l'ambiance
glaciale d'un gymnase aux gradins en béton, à Lisses, en banlieue
parisienne.
Un test match international classique dure cinq jours,
mais ce premier entraînement est expédié en une heure et demie sur un
terrain où s'entremêlent les lignes de handball, basket et volley. Pas
plus, car à 09h30, les Bleus doivent libérer la salle pour les poussins
de l'équipe de handball locale!
Les Tricolores du cricket sont
tous immigrés ou Français nés de parents indiens, pakistanais, sri
lankais ou encore australiens, des pays où ce sport de batte est élevé
au rang de "religion", explique Balaji Cadirvelou, vice-président de la
Fédération France Cricket.
Parmi eux, Waseem Batthi aurait pu
prétendre à ce statut de "dieu" du cricket au Pakistan. En France, il
est devenu prophète de son sport. Ancien professionnel dans son pays
natal, il a débarqué par défaut à Paris en 2000, après un refus de visa
pour vivre de son sport au Royaume-Uni.
"Quelques années après, j'ai eu des propositions pour repartir
jouer en Angleterre, mais j'ai refusé, je préfère représenter mon sport
et mon pays", la France, explique fièrement à l'AFP le batteur classé
récemment dans le top 12 européen.
Ce préparateur de commande de
36 ans intervient parfois dans les écoles primaires pour présenter son
sport, pratiqué par seulement 1.400 licenciés dans l'hexagone, 10 fois
moins que ses cousins du base-ball ou de la pelote basque.
Depuis
2012 la fédération forme des conseillers pédagogiques de l'Education
nationale, pour initier les jeunes écoliers de 35 départements à ce
sport mais aussi "aux cultures du sous-continent indien".
Le
cricket, sport de balle collectif, est basé sur le "fair-play" et la
"coopération", plaide ainsi David Bordes, responsable du programme de
formation pour France Cricket. La fédération dépense près de 10.000
euros par an pour ce dispositif prévu jusqu'en 2021, dans l'espoir de
recruter des "petits Français", dont les parents confondent souvent la
discipline "avec le polo, le croquet ou un folklore type Intervilles"
regrette cet ancien joueur devenu directeur technique fédéral.
"L'idée
est d'ouvrir le cricket au-delà de ses communautés, comme l'a fait le
rugby en s'écartant du sud-ouest après 1995" (date du début du
professionnalisme, ndlr), poursuit celui qui a découvert ce sport par
hasard, dans un lycée du Lot-et-Garonne.
"Un été, j'ai choisi d'annuler ma participation aux championnats
de France de sprint en athlétisme, pour disputer une tournée avec
l'équipe nationale de cricket. J'y ai trouvé une ambiance conviviale. Un
esprit troisième mi-temps où le biryani remplace le saucisson"
sourit-il.
Mais pour attirer des profils comme celui de David
Bordes, la quarantaine de clubs amateurs français, souvent réfugiés dans
des gymnases l'hiver ou sur des pelouses de foot inadaptées l'été,
devront se doter d'infrastructures appropriées.
Il n'existe que
trois terrains homologués en région parisienne, pourtant le plus gros
vivier de joueurs. La faute aux dimensions du site requis par ce sport
-un ovale équivalant à deux terrains de rugby - et... au général de
Gaulle. En supprimant les bases militaires de l'OTAN en 1966, il avait
fait disparaître les derniers terrains de cricket installés par les
soldats britanniques.
Alors, question visibilité, la fédération
mise beaucoup sur son équipe de France et s'est attaché en janvier les
services d'un entraîneur professionnel, le Néerlandais Tim de Leede.
Le
but à moyen terme: grimper à l'échelon mondial supérieur (la 5e
division), pour recevoir les 50.000 euros de subventions prévus à cet
effet par la fédération internationale.
En attendant, l'équipe de
France, portée par une mosaïque de joueurs aux racines asiatiques ou
australiennes, continuera de s'entraîner chaque week-end à l'aube pour
s'offrir des opérations séduction ailleurs que dans les communautés
biberonnées au cricket.
(AFP)
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