Igor Moïsseev devrait être en train de s'entraîner auprès d'un maître
japonais sur l'île d'Okinawa. Mais à la place, ce ceinture noire de
karaté répare sa salle d'entraînement, endommagée après un tir
d'artillerie à Donetsk, dans l'est rebelle de l'Ukraine.
La vie de
tous les athlètes et sportifs de cette zone a été bouleversée par le
conflit entre séparatistes prorusses et forces régulières ukrainiennes,
qui a fait plus 6.000 morts en un an. Et Igor ne fait pas exception.
Dans son village, à 2 km de l'aéroport de Donetsk, pas une maison, y compris la sienne, n'a été épargnée. Son dojo non plus.
"Avant
la guerre, mon club était très fort. Aux championnats du monde et
d'Europe, on remportait beaucoup de prix", raconte le karatéka.
Aujourd'hui, le dojo est presque vide. Neuf élèves sur dix ne viennent
plus.
La guerre et le fait que la "République populaire de
Donetsk" ne soit pas reconnue par la communauté internationale ont
provoqué un autre dommage collatéral pour les sportifs: l'impossibilité
de participer aux compétitions internationales.
"On essaye de
participer à des compétitions locales pour occuper les enfants et qu'ils
ne fassent pas de bêtises. Si les parents n'ont pas d'argent, on
entraîne les enfants gratuitement, même si la location des lieux coûte
aussi de l'argent", ajoute Igor, expliquant avoir dû déménager de
l'ancienne salle suite aux tirs d'artillerie.
Pour l'instant, le
club survit grâce à l'aide de collègues en Russie et en République
Tchèque. Avec le reste de l'Ukraine, les liens ont été rompus. "Avant,
on participait souvent à des compétitions à Lviv (ouest de l'Ukraine,
ndlr), dans les Carpates, mais aucun club ukrainien ne nous a proposé de
l'aide".
Pour Oleg Golovine, un joueur de basket de 34 ans qui
entraînait il y a un an les joueurs du Donbass pour les championnats
d'Europe 2015 devant initialement se dérouler en Ukraine, le sentiment
d'avoir été lâché par Kiev est aussi très présent.
"Quand ces
agitations politiques obscures ont démarré, je n'ai pris aucun parti,
j'ai continué à m'occuper de mes affaires: le développement du
basket-ball pour les enfants. Mais le fait que j'aie continué à
m'occuper de mes affaires a été considéré en Ukraine comme une activité
criminelle, et aujourd'hui je n'ai plus aucun contact avec l'Ukraine",
explique-t-il.
- Problèmes de financement-
A 28 ans, Vassili Kobenok est coureur automobile. Et rêve de
participer aux compétitions en Russie. Mais "même la Fédération russe
des sports automobiles ne peut pas nous accueillir officiellement",
déplore-t-il.
Pour le jeune homme qui a déjà remporté des prix en
Ukraine, l'objectif est désormais de réunir suffisamment d'argent pour
acheter de l'essence et participer par ses propres moyens à un rallye.
"Préparer
une voiture est devenu 2 à 3 fois plus cher. L'an passé, se rendre à un
rallye à Odessa coûtait environ 10.000 hryvnias (392 euros) et
maintenant c'est entre 20.000 et 22.000 hryvnias (entre 784 et 862
euros). Et il faut aussi préparer l'équipement", dit-il.
Pourtant,
malgré les difficultés, il ne veut toujours pas quitter sa région
natale. Un court séjour en Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la
Russie en mars 2014, l'en a convaincu.
"En vivant en Crimée, j'ai
compris à quel point il est difficile de vivre dans un autre Etat, loin
de sa maison. Maintenant, je reste à Donetsk et je prévois de
poursuivre ma carrière ici. Je veux développer le sport dans ma ville natale, apprendre aux enfants les sports automobiles", déclare-t-il.
Directrice d'un centre équestre, Irma Svetlitchnaïa, a elle aussi choisi de rester pour prendre soin de ses 26 chevaux.
"Tous
les champs sont minés. Nous avons de très gros problèmes liés à
l'alimentation. Le problème n'est pas seulement de leur acheter (à
manger, ndlr), mais aussi de leur apporter, en raison du prix de
l'essence. Nous survivons grâce à des gens bienveillants", explique la
jeune femme de 25 ans, qui explique avoir renoncé à la compétition par
choix.
"Nous ne participons pas à des compétitions afin de ne pas
blesser les chevaux, pour ne pas leur faire passer les postes de
contrôle et les zones de conflit. Aucune médaille n'en vaut la peine",
assène-t-elle.
(AFP)
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