mercredi 16 novembre 2016

« Sur le grand stade FFR, il fallait se transformer en lanceur d’alerte »

Alain Doucet est le candidat le moins médiatique dans la course à la présidence de la Fédération Française de Rugby. L’ancien secrétaire général de la FFR évoque ses ambitions mais aussi ses rivaux, Pierre Camou et Bernard Laporte.
Alain Doucet, pourquoi briguez-vous la présidence de la Fédération française de rugby ?

Parce que j’ai une opposition forte avec le projet du grand stade, qui représente un danger fort pour l’ensemble de notre famille. Je n’ai aucune certitude que ce soit un projet rentable. J’ai même la conviction que ce projet va coûter cher à nos petits clubs qui sont déjà dans la souffrance. J’ai rencontré des amis comme Lucien Simon qui m’ont fait comprendre qu’il ne fallait pas rester muet. Il fallait au moins de transformer en lanceur d’alerte.
Ce grand stade est un vrai point d’opposition avec Pierre Camou…
Oui, c’est un point de discorde. Pierre Camou fait de ce grand stade l’axe unique de son projet. Ce projet méritait d’être mené mais quand je vois les devis, les dangers de l’exploitation, la concurrence et les infrastructures qui ne viennent pas, je ne pense pas que ce soit un souci majeur de construire ce stade. Il faudrait assumer des remboursements de 20 millions d’euros par un an, sur un budget de 100 ou 110 millions d’euros. Et nous n’ avons aucune certitude de trouver dix programmations complémentaires aux six matchs du XV de France, vu la concurrence du Stade de France ou du stade du Racing ou encore de Bercy, pour rentabiliser ce grand stade.
N’est-ce pas compliqué de critiquer le bilan de Pierre Camou sachant que vous faisiez partie de son équipe ?
Effectivement, nous avons travaillé ensemble une dizaine d’années. Aujourd’hui, nous avons des différences de vue sur des projets. L’homme est respectable mais a une vision différente. Il vit sa vie, moi la mienne. Nous n’avons pas de divergence majeure autre que celle-là, qui est importante. Quand on prétend gérer une Fédération de 450 000 licenciés, il faut savoir faire les bons choix pour demain. Pierre Camou a tout mon respect mais je ne cautionne pas son projet du grand stade.
Quel regard portez-vous sur Bernard Laporte, lui aussi hostile à ce projet ?
Il est clair qu’il fait la même analyse que moi, comme de plus en plus de gens d’ailleurs. Le rapport de la Cour des Comptes était accablant. En revanche, nous avons quelques divergences sur la conception de la gouvernance. Bernard Laporte parle de suppression de comités territoriaux. Nous avons aussi une différence d’approche de nos relations avec la Ligue qui ne doit pas être un concurrent mais un complément des actions fédérales. La LNR représente une puissance financière supérieure à la nôtre, c’est la vitrine de notre rugby. Il faut travailler main dans la main, comme on en a parlé avec Paul Goze, afin d’arriver au meilleur rendement possible de notre équipe nationale et des jeunes dans nos clubs. On veut aussi redonner au rugby amateur toute sa noblesse, ce n’est pas un sous-rugby. Enfin, la formation est un point important.
 
Mais une entente serait-elle possible avec Bernard Laporte ?

Aujourd’hui, non. Tous les gens de mon équipe, surtout moi-même, tiennent à leur indépendance. Bernard a ses idées et ses conceptions qui ne sont pas tout à fait les nôtres. C’est projet contre projet. Bernard Laporte est parfois outrancier. C’est sa nature et on ne va pas le refaire. Beaucoup de gens chez moi ne cautionnent pas ce genre d’attitude. Mais ça n’enlève rien aux qualités de Bernard et il faut lui reconnaître le mérite d’avoir lancé cette campagne. Sans lui, elle n’existerait peut-être pas. Nous serons trois sur la ligne de départ et nous tiendrons notre engagement jusqu’au bout par rapport aux clubs qui croient en nous.
Pour certains, vous êtes le Petit Poucet de cette campagne…
Je suis le Petit Poucet car je n’ai pas l’impact médiatique de Bernard Laporte, ni la machine fédérale comme Pierre Camou. On bricole parfois mais c’est un plaisir d’aller à la rencontre des gens. Nous disposons de moins de moyens que les autres équipes donc on fait ce qu’on peut. Mais plus le temps passe, plus on croit en nos chances. Les sondages me desservent, ils me font passer comme le troisième homme. C’est ce qui me pénalise le plus. Nous avons le programme le plus construit et détaillé. Je dis ce que je vais faire et pas ce qu’il faut faire.
Vous avez réaffirmé votre intention de mettre en place le vote décentralisé en déposant une demande de modifications des statuts de la FFR. Pourquoi est-ce si important ?
Sous l’impulsion de Bernard et moi-même, nous sommes en passe d’avoir un vote décentralisé. Il faut faire prendre conscience aux gens qu’ils peuvent voter eux-mêmes et non pas remettre leur vote à quelqu’un. Si les gens doivent venir à Marcoussis du fin fond de la France et à leur frais, peut-être que peu de gens se déplaceront. Si on arrive à avoir le vote dans nos comités, la démocratie de notre grande famille sera devenue ce qu’elle doit être. Nous avons perdu beaucoup de temps car les choses auraient pu être lancées dès le mois de juin. Pierre Camou a été un peu cachottier en nous cachant un courrier du ministère. Nous avons perdu quatre mois. La décision lui appartient. Si Pierre Camou le décide le 3 décembre, nous pourrions organiser une assemblée générale extraordinaire et non les élections. Il faudrait laisser passer le Tournoi et il reste le dernier week-end de mars pour organiser l’élection, sans qu’il y ait pollution du politique sur le sportif.
Enfin, selon vous, que faudrait-il faire pour améliorer les performances du XV de France ?
Il faut revoir un peu la participation de nos meilleurs espoirs dans le Top 14. On doit permettre à ces gamins de jouer. Nous voulons une réforme des compétitions qui pourrait leur permettre de se confronter au monde professionnel, que ce soit en Pro D2 ou dans une compétition intermédiaire que nous voulons créer. Je veux aussi créer une équipe de France Espoirs avec nos meilleurs jeunes, entre 20 et 25 ans. Ce serait vraiment la réserve du XV de France. Enfin, il est évident que tous nos problèmes de formation technique sont fondamentaux. Ce n'est pas la faute de nos éducateurs, du XV de France ou des joueurs mais bien d’un système qui les a mal préparés.
 
(SFR)
 

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.