Les faits tout d'abord. Le 8 avril dernier, Pierre Massie, le président du Cafemas, est reçu au cabinet du ministère des Sports et se voit signifier le désengagement de l'Etat et par conséquent la nécessité de la suppression du Cafemas. On évoque la décision 45 du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) du 18 décembre 2012 visant à examiner la situation des petits opérateurs de moins de 50 ETP (équivalents temps plein). "La décision est une surprise totale pour nous. A aucun moment nous n'avons eu l'ombre d'une information sur cette mesure. On nous a présenté la décision puis ensuite on a émis l'hypothèse que cela rentrait dans le cadre des économies qui doivent être réalisées au niveau des ministères", commente Pierre Massie. Le lendemain, c'est au tour de Jean-Louis Gouju, directeur du Cafemas, d'être reçu par le directeur des Sports. "Il m'a indiqué les choses sur un plan fonctionnel en me demandant de bien vouloir fermer la structure au plus vite, en procédant au licenciement ou à la mutation des personnels. Ce que j'ai refusé dans la mesure où je n'avais aucun document, aucune décision officielle", précise Jean-Louis Gouju. En effet, personne parmi les membres du Cafemas - qui comprend, outre le ministère des Sports, le ministère de l'Enseignement supérieur, le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire (Cnajep), le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), le fonds commun d'aide au paritarisme pour la convention collective nationale de l'animation, et le fonds d'aide au développement du paritarisme pour la convention collective nationale du sport - n'a été prévenu de la décision.
Des travaux unanimement appréciés
Incompréhension donc car le travail du Cafemas, centré sur l'analyse de la relation formation/emploi, semble faire l'unanimité. "Si on me demande si le Cafemas correspond à un besoin et s'il donne satisfaction, la réponse est oui sans aucune ambiguïté, affirme Denis Masseglia, président du CNOSF. Le Cafemas est un observatoire qui permet d'avoir une meilleure idée des besoins et de l'adaptation nécessaire du système de certification. Or il y a entre 10 et 20.000 emplois non satisfaits dans les associations sportives pour cause d'inadaptation du système de certification/qualification avec les besoins."Pour Jean-Luc Garde, directeur des sports de la région Rhône-Alpes et coordinateur technique de la commission Sport de l'Association des régions de France (ARF), l'apport du Cafemas est également bénéfique : "Techniquement, nous avons une très bonne opinion des travaux du Cafemas. Il y a une déclinaison par discipline, mais aussi par focale régionale. Je me retrouve dans leur classification car elle est cohérente avec la classification européenne, elle prend vraiment en compte l'ensemble du champ des activités sportives, et pas seulement, ce qui est plus traditionnel, les intervenants dans les clubs. C'est une photographie qui me paraît pertinente et vraiment utile pour l'ensemble des mesures qu'une région peut mettre en œuvre avec sa compétence emploi/formation."
Jean-Louis Gouju met lui aussi en avant la meilleure vision du secteur que peut apporter l'organisme qu'il dirige: "On voit bien que le développement actuel de l'emploi sportif ne se fonde plus uniquement sur l'encadrement, avec des moniteurs, des entraîneurs, mais sur l'encadrement du public, le développement des clubs, avec de la gestion, etc. Cela nécessite des évolutions du système de formation/certification. On voit aussi arriver une demande forte de publics spécialisés, et notamment en termes de santé par l'activité physique, pour les seniors, les malades, alors que le secteur est encore largement formaté pour l'encadrement traditionnel." Pour le Cafemas, il n'y a aucun doute, ses travaux font écho aux besoins de ses commanditaires : mouvement sportif, régions, mais aussi enseignement supérieur. Ses études concluent notamment que l'emploi dans le champ du sport relève encore largement de l'emploi occasionnel et saisonnier, alors que les orientations ministérielles portent elles très largement sur des diplômes qui visent l'emploi à temps plein.
A qui profite la disparition du Cafemas ?
Reste à savoir pourquoi la disparition du Cafemas, si elle se confirme, a été décidée. Pour Pascal Bonnetain, président de la commission sport de l'ARF, cette suppression vise bien "à diminuer les dépenses publiques". "C'est vraiment très étrange, s'étonne Jean-Louis Gouju. Nous ne coûtons que 150.000 euros et un poste au ministère des Sports. Et pour avoir repris un certain nombre d'études entamées par le ministère, nous savons très bien qu'il ne peut pas faire seul ce type de travail."Reste la piste du doublon. Car il existe parallèlement une commission professionnelle consultative des métiers de l'animation et du sport (CPCMAS). "Si le Cafemas disparaît, poursuit Pascal Bonnetain, une instance va devoir reprendre son travail et la CPCMAS semble tout indiquée pour le faire. A l'ARF, nous voulons un interlocuteur de qualité sur l'emploi et la formation. J'espère que le ministère ne fera que du secrétariat technique et que le débat sera assez fort sur l'emploi et la formation avec les branches professionnelles." Le conseiller régional de Rhône-Alpes pointe cependant un écueil : les élus locaux ne comptent actuellement qu'un seul représentant (issu de l'AMF) parmi les 38 membres de la CPCMAS. "Je veillerai à ce que les collectivités soient mieux représentées dans cette commission consultative. Nous avons la compétence formation professionnelle et il serait normal que l'ARF y siège", ajoute-t-il.
Denis Masseglia, lui, voit une explication moins consensuelle à la prochaine suppression du Cafemas : "A partir du moment où on est un certain nombre à dire qu'il y a une amélioration du dispositif [par rapport à l'ancien Observatoire national des métiers de l'animation et du sport, rattaché au ministère des Sports, ndlr], ça pourrait ne pas plaire. Mais je vais m'arrêter là..." Enfin, pas tout à fait. Le président du CNOSF tient en effet à préciser sa pensée : "La vraie question est : est-ce qu'on veut développer l'emploi sportif et s'appuyer sur toutes les forces vives, ou est-ce qu'un seul doit décider de ce qui est bon pour tous ? On est dans le vrai problème du sport français qui est celui de la gouvernance. Ce n'est pas en supprimant l'organisme qui pourrait corroborer cela et faire évoluer le dispositif qu'on va améliorer la situation. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on se retrouvera avec les mêmes décideurs qui n'ont pas permis d'avoir un système plus performant. Mais j'ai dit que je m'arrêtais, maintenant je m'arrête..."
(Source : Localtis)
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