La vie est-elle plus belle pour les clubs de foot quand ils disposent
d’un nouvel écrin ? L'Equipe a soumis les cinq derniers stades sortis de terre en France depuis 2009 à une radioscopie...
LA MISE EN LIQUIDATION judiciaire du Mans, la semaine dernière, a ravivé ce doute lancinant : y a-t-il une malédiction des stades en France ? Comme si, depuis l’inauguration du stade des Alpes en février 2008, qui n’a pas empêché le déclin sportif deson équipe résidente (le GrenobleFoot 38, aujourd’hui en CFA), l’arrivée dans un bel et cher écrin devait forcément virer au cauchemar pour les clubs de foot.
[...] La radiographiedes cinq dernières enceintes construites pour le ballon rond, mais aussi destinées à accueillir d’autres sports et des spectacles, propose une réalité contrastée, notamment en ce qui concerne leur fréquentation.
Tandis que Nice reste invaincu dans son Allianz Riviera et affiche un taux de remplissage de 81,7%, Lille s’en sort plutôt bien avec 69% depuis la reprise du Championnat et 81,5% la saison dernière. Pas de quoi s’emballer, met en garde Jean-Raymond Legrand, président de Valenciennes, dont le stade du Hainaut affichait un taux de 61,4% en 2012-2013 contre 67% depuis le début de la saison. « [...] il y a eu un effet de curiosité la première année avec une moyenne de 18.500 spectateurs mais ensuite le public est versatile et depuis on en a perdu 2.000 ».
Au stade Océane du Havre, les chiffres
n’ont jamais décollé puisque le tauxde
remplissage affichait 33,7% la saison
précédente et 30,1% depuis la reprise. [...] Alain
Caldarella,
directeur du stade Océane : "Notre
objectifest de dépasser les 10.000 spectateurs en moyenne (8.000
aujourd’hui).» Pour ce faire, le club organise [...]
des matches de rugby, des concerts,des
salons et autres séminaires [...]. La saison dernière,
vingt-sept événements s’y sont tenus,
dont les dix-neuf rencontres de L2.
« L’objectif est de proposer un maximum d’événements
dans un stade
pour tous et de générer de nouvelles recettes
», poursuit Alain Caldarella. Ce qui
est loin d’être le cas puisque les comptes
du stade ne sont pas encore à l’équilibre.
Pour y parvenir, il mise aussi sur le naming qui
n’a pas été intégré dans le business modèle
initial du stade.
Le LOSC,
lui, espérait recevoir entre 3,5 M€ et
3,8 M€ grâce au naming mais
n’en a obtenu finalement
que 2M€ avec trois partenaires (Crédit
Mutuel Nord Europe, Carrefour, Nacarat).
Et aucun n’a proposé assez d’argent
pour donner son nom à l’enceinte.
Le stade Pierre-Mauroy ne génère
pas non plus les recettes espérées de 10
M€ annuels. C’est l’un des principaux
points noirs de la vie des clubs dans leur
écrin ultramoderne : en raison du loyer
et des charges (accueil, sécurité...), ces
enceintes leur coûtent aussi cher, voire
plus, que ce qu’elles leur rapportent. «Le
précédent stade me coûtait 300.000 € à
l’année ; là, c’est 1,7 M€. Et on pensait
rattraper le manque à gagner avec la
billetterie », confirme Jean-Raymond
Legrand, président de Valenciennes. Même constat pour Julien Fournier, directeur général
de l’OGC Nice, qui parle
des 5M€ de recettes supplémentaires
espérées avant de tempérer : «Mais
nous tablons sur une augmentation des
charges du même niveau. »
L’autre
écueil auquel doit faire face la direction
du club niçois est la cohabitation difficile
avec l’exploitant du stade Nice Eco Stadium (NES, filiale du constructeur Vinci).
L’OGC Nice ne se sent pas vraiment chez
lui puisque l’exploitation de l’Allianz Riviera
lui échappe. En cas de descente du
club en Ligue 2, c’est la mairie de Nice
qui paiera le manque à gagner. Pas
question pour l’exploitant de rejouer le
scénario du Mans avec un club exsangue qui ne peut
plus payer la facture.
«Il
faut que lemodèle de gestion à la française se mette
en place, plaide Alain
Belsoeur. Le stade est construit
sur des fonds publics mais le club doit
être présent dans sa gestion. Car qui
mieux que le club peut gérer son stade?
Il n’est pas trop tard à Nice, poursuit-il
d’un clin d’oeil. Dans le modèle allemand,
qui nous sert d’exemple, le problème est
traité en amont avec des réunions de toutes
les parties prenantes.»
Parce qu’il n’y a plus de temps à perdre,
le comité stratégique« stades de la
LFP »vient de lancer deux grandes études
pour aider les clubs. La première,
confiée à l’agence Repucom, offrira à
chacun d’entre eux une description de
ses publics ; la seconde, demandée à
l’institut Ipsos, permettra de mieux connaître les
spectateurs qui pourraient venir mais
ne franchissent pas les portillons.
Le rendu des copies est prévu fin
janvier.
«Il faut que le public français ne
dise plus je vais au match mais je vais
au stade », explique Alain Belsoeur. Ce
qui implique pour le club d’offrir plus
que quatre-vingt-dix minutes de jeu.
« On nepeut pas gagner tous les matches mais
on peut s’assurer que la bière
(sans alcool) est fraîche et que les hot
dogs sont chauds», sourit l’artisan du
stade Océane. Car il en est persuadé : «
Notre modèle économique est trop
fondé sur le sportif. Il faut sortir de cette
spirale. » Oui mais comment ? La formule magique n’existe pas mais des recettes
peuvent être trouvées pour faire
vivre les enceintes ultramodernes avant
et après les rencontres et les jours sans
match. «C’est une question de vie ou de
mort pour les stades, qui pourraient devenir
des éléphants blancs ; mais aussi
pour notre football professionnel », conclut
Alain Belsoeur.
(L'Equipe)
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