Bernard Lapasset, président de l'International Board (IRB, organe
suprême du jeu), est revenu auprès de l'AFP sur le conflit qui a secoué
les compétitions européennes et leur résolution devenue nécessaire après
de longs mois d'une "plaisanterie (qui) avait assez duré".
Selon
M. Lapasset, le rugby européen doit s'inspirer de l'organisation du
football pour rassembler sous une même entité, à l'image de l'UEFA, ses
différentes composantes.
Q: Comment avez-vous vécu les longs mois de conflit au sujet des réformes de Coupe d'Europe ?
R:
"Une fracture s'est créée cette année avec la démarche des clubs
anglais qui ont voulu casser la base du rugby sur laquelle on
fonctionnait jusqu'à présent, en signant un accord privatif avec British
Telecom. C'est le point de départ d'une stratégie à laquelle je n'ai
jamais voulu participer. C'était un moment délicat pour nous d'arriver à
mesurer le dispositif possible pour l'IRB. Jusqu'au jour où, au mois de
janvier, j'ai considéré que la plaisanterie avait assez duré."
Q: Comment avez-vous agi ?
R: "On a posé une ligne de
conduite pour les fédérations en termes de gouvernance, d'organisation
et de finances. On a décortiqué les trois éléments. J'ai considéré que
la gouvernance était un domaine où il n'y avait aucune possibilité de
négocier sur un certain nombre d'avantages particuliers pour les clubs.
La gouvernance internationale appartient de droit à l'IRB. Le dispositif
d'organisation pourrait être partagé. Et le domaine des finances
appartient aux clubs professionnels, donc il était normal qu'on trouve
davantage de liberté pour les clubs."
Q: Les intérêts entre les clubs et leurs fédérations ne sont-ils pas voués à être de plus en plus divergents ?
R:
"On connaît ça au football, on n'a rien inventé dans cette histoire !
Aujourd'hui, le football a trouvé un équilibre vers lequel le rugby,
progressivement, tend. Mais cet équilibre n'empêche pas l'UEFA de faire
son boulot, ni la Fifa de faire le sien. C'est à nous de rassembler sous
l'étiquette de la Fira-Aer (l'actuelle Fédération européenne, ndlr) -
ou autre, mais une entité européenne - et de l'IRB en tant qu'entité
internationale, les mêmes références qui sont celles du football
international aujourd'hui."
Q: L'empilement des structures au niveau européen ne rend pas l'organisation du sport très lisible...
R:
"Ce qu'on a mis dans la nouvelle convention (le nouvel accord sur les
Coupes d'Europe, ndlr), c'est que le rôle de la Fira devrait être
affirmé dans les prochaines années. Lorsqu'elle sera organisée sur un
plan professionnel, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. C'est à nous
aussi d'avancer sur nos structures pour trouver un équilibre sur du long
terme. Il faut pouvoir maintenant travailler de façon stable et
pérenne, que l'on ne revienne pas tous les cinq ans avec une nouvelle
tentative de divorce à la clé."
Q: La professionnalisation de toutes les structures du rugby, c'est le grand défi ?
R:
"Il est nécessaire de renforcer le pouvoir des fédérations dans leur
mode de gouvernance, leur pouvoir d'organiser, de structurer. C'est
aussi un enjeu fort que d'enrichir les fédérations pour leur
développement professionnel, pour la formation des joueurs mais aussi
pour les clubs amateurs qui sont dans leur giron. En revanche, il est
normal que le domaine financier soit négocié par les clubs. Ce n'est pas
un problème de compétence ou d'incompétence des fédérations, c'est un
problème qui appartient aux clubs."
Q: Croyez-vous à la
possibilité d'un calendrier unifié entre l'hémisphère Sud et
l'hémisphère Nord et d'une compétition mondiale des clubs ?
R:
"Non. C'est là où l'on voit que l'on a de gros problèmes: on n'arrive
pas à organiser des compétitions car les calendriers ne sont pas les
mêmes, les saisons ne sont pas les mêmes, les intérêts économiques des
partenaires ne sont pas les mêmes. Chaque famille défend ses propres
intérêts et il est compliqué de trouver des dénominateurs communs qui
permettent d'associer les provinces, les clubs, les partenaires, les
télévisions. Le jour où l'on aura trouvé la dimension financière
nécessaire, tout sera plus facile, l'équilibre se fera sur la base de
l'argent que l'on aura à partager. C'est pour ça que l'on a tout intérêt
à laisser se développer les structures professionnelles, dans les clubs
et les fédérations."
Q: Mais n'avez-vous pas l'impression qu'il sera de plus en plus
compliqué de convaincre un club de Top 14 qu'il est intéressant
d'affronter un club géorgien ou roumain ?
R: "Sauf si on arrive à
donner aux fédérations dans ces pays les moyens financiers nécessaires.
Il faut trouver des partenaires économiques qui leur permettent de
garder leurs joueurs. Les faiblesses de ces pays en matière économique
rendent indispensables le transfert de leurs meilleurs joueurs à
l'étranger. Malheureusement, les moyens économiques dans chaque pays ne
sont pas les mêmes et il faut faire vivre le rugby international dans
ces conditions."
(AFP)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire