jeudi 22 mai 2014

Coupes d'Europe - Le rugby européen à la recherche de nouveaux terrains

Entre des clubs professionnels dont le poids économique ne cesse de grandir et des fédérations soucieuses de faire respecter leurs prérogatives, le rugby européen cherche sa voie avec un dénominateur commun: poursuivre son développement et trouver de nouvelles ressources.

L'épisode a été symptomatique: après deux ans de conflits entre fédérations et clubs, un compromis a été trouvé en avril sur la réforme des compétitions européennes. Un feuilleton qui a révélé les ambitions divergentes sur le continent.
D'un côté, encore minoritaire, flotte l'idée d'un circuit fermé. Une tendance incarnée par quelques présidents de clubs remuants et médiatiques comme l'Anglais Bruce Craig (Bath) ou les Français Jacky Lorenzetti (Racing-Métro) et Mourad Boudjellal (Toulon).
L'idée générale ? Promouvoir les clubs qui ont déjà mis en place un modèle économique lucratif, savent attirer des stars et génèrent un spectacle grassement rémunéré par les diffuseurs. Pour eux, le Graal se nomme Coupe du monde des clubs, réunissant Europe et nations du Sud dans un calendrier unifié.
"Il y a des matchs que le public veut regarder", assure M. Craig, en mentionnant les principales franchises néo-zélandaises: "Je suis sûr que le public comme les télévisions aimeraient voir un Toulouse - Crusaders, un Chiefs - Toulon, un Leinster - Highlanders. Ca fait rêver et ça peut générer beaucoup d'argent."
La principale crainte: que ces clubs-mastodontes écrasent tout sur leur passage, dévorent leurs rivaux et empêchent toute nouvelle concurrence. Ce qui reviendrait à créer une ligue privée, peut-être même à l'échelon européen.
Un modèle inconcevable pour l'IRB (organe suprême du jeu), les fédérations, qui gèrent aussi le sport amateur, mais aussi les instances devant concilier les intérêts des "petits" et "gros" clubs.
"Très nettement, je suis contre la consanguinité", affirme ainsi Paul Goze, président de la Ligue nationale de rugby française (LNR): "Il n'y a pas photo, l'avenir du rugby, c'est de continuer de développer un championnat d'Europe avec le maximum de clubs au niveau pour y participer".
"Une Europe est à construire. Un monde est à construire, abonde le président de la Fédération française (FFR) Pierre Camou. Ce n'est pas en faisant des clivages, en oubliant les compétiteurs de demain qu'on construit".
"C'est une vision à très courte portée: est-ce qu'on veut s'adresser à un marché de quelque 100 millions de personnes ou de 600 millions ?", résume le président de la Fédération européenne (Fira-Aer), le Roumain Octavian Morariu.
Cependant, l'écart de niveau entre les clubs roumains, espagnols, portugais ou encore géorgiens et celui des nations historiques ne se comble guère. L'intérêt financier immédiat des rencontres entre ces deux mondes ne convainc pas.
Pire, un fossé se dessine aussi entre la France et l'Angleterre, qui bénéficient d'un bassin économique à fort potentiel et de contrats télévisuels confortables, et les nations celtes dont les faiblesses deviennent patentes.
De quoi formuler un constat d'échec pour l'IRB et les fédérations qu'elle chapeaute ?
"C'est peut-être par le biais du sport professionnel que l'on peut faire décoller le rugby", remarque Paul Goze.
"Pour l'instant, on laisse faire les fédérations, poursuit-il. Je pense qu'à terme (...) il faudrait peut-être débloquer des budgets nous-mêmes pour essayer de développer le rugby dans d'autres pays."
"Bien évidemment, les moyens sont du côté du rugby professionnel. Mais vers quoi veut-on aller ?", s'interroge en retour Octavian Morariu.
"Veut-on créer une tranchée entre rugby professionnel et amateur alors qu'on connaît la philosophie du rugby, qui a ses origines dans les villages de France, du pays de Galles et d'Angleterre ? Et ce, au bénéfice de quelques patrons de club", poursuit-il.
La balle est donc dans le camp des fédérations: charge à elles de démontrer qu'elles peuvent faire changer de dimension un sport pour l'instant confidentiel à l'échelle mondiale. Sous peine de voir leur pouvoir de plus en plus contesté par des clubs avides de grandir.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.