lundi 26 mai 2014

Derrière les triomphes du foot espagnol, un système à deux vitesses


Le football européen a l'accent espagnol: victoire de Séville en Europa League, finale historique entre deux clubs d'une même ville, Madrid, en Ligue des Champions samedi. Mais derrière ces triomphes apparaît un système à deux vitesses, où les géants Real Madrid et Barcelone écrasent les autres."Si on y croit et qu'on travaille, c'est possible", a proclamé dimanche devant des dizaines de milliers de supporteurs euphoriques Diego Simeone, entraîneur de l'Atletico Madrid, qui a remporté cette saison le Championnat d'Espagne après 18 ans de sécheresse.
La prouesse de l'Atletico est d'autant plus marquante qu'il fonctionne avec un budget plus de quatre fois inférieur à ceux du FC Barcelone, contre qui il disputait la finale (1-1) et de son rival historique, le Real Madrid. Tous deux arrivent en tête de la liste Forbes des clubs les plus riches du monde. L'"Atleti" est 17e...
"La possibilité pour l'Atletico Madrid de s'établir, dans le temps comme une alternative au Real Madrid et au FC Barcelone est très faible car il va se retrouver victime de sa relative petite taille économique", remarque Santiago Segurola, journaliste et numéro deux du quotidien sportif Marca.
Derrière cette inégalité dans les budgets: la répartition des droits de retransmission télévisée, négociée en Espagne club par club depuis 1996 et qui présente un déséquilibre en faveur des deux grands sans équivalent ailleurs en Europe.
Le Real Madrid et le FC Barcelone ont ainsi empoché près de la moitié d'un "gâteau" d'environ 650 millions d'euros (24% chacun), selon les données portant sur la saison 2011-2012 rassemblées par l'économiste spécialiste du football José Maria Gay de Liebana, laissant seulement les "miettes" aux autres, dont 6% pour l'Atletico.
Le mot n'est pas trop fort: à titre de comparaison, l'un des derniers clubs de la Premier League britannique, Fulham, qui vient d'être relégué, touche plus que l'Atletico en droits TV.
Ces droits "nourrissent d'une façon extraordinaire les deux grandes équipes historiques", commente Santiago Segurola, leur forte exposition médiatique leur permettant de décrocher de juteux contrats de sponsoring.
Ne pouvant compter sur un pactole aussi important, l'Atletico reste un club qui vend ses joueurs, face aux deux grands qui surenchérissent dans les emplettes record: alors que l'"Atleti" vendait l'attaquant colombien Falcao à l'AS Monaco pour 60 millions d'euros l'été dernier, le Real Madrid payait la somme record de près de 100 millions d'euros pour le Gallois Gareth Bale.
Ce pouvoir d'achat mirobolant contraste avec les graves difficultés d'autres clubs: 25 équipes de première et deuxième divisions sont en redressement judiciaire. Et les joueurs en souffrent.
En août 2011, les footballeurs espagnols avaient lancé leur première grève en près de trente ans pour protester contre une énorme enveloppe de salaires impayés: 45 millions d'euros.
Face à cette crise, la Ligue de football professionnel et le gouvernement ont lancé un système de contrôle financier, mis en place progressivement d'ici 2015 et qui force notamment les clubs à présenter leurs comptes audités.
"Le travail qu'est en train de faire le football espagnol est reconnu à l'étranger", se réjouissait récemment le Secrétaire d'Etat aux Sports Miguel Cardenal.
Mais la dette globale du secteur reste très lourde, à 3,57 milliards d'euros en 2012-2013, selon le Conseil supérieur des Sports. Et si elle salue les avancées, l'Association des footballeurs espagnols (AFE) continue de recevoir des plaintes pour de nouveaux impayés.
"Les "grands" n'ont pas ces problèmes: le déséquilibre dans la répartition des droits télévisés se traduit par une inégalité dans les salaires", qui a un impact sur la "compétitivité de la Liga", souligne Luis Gil, gérant de l'AFE.
"L'avantage économique s'est transformé en un grand avantage sportif: depuis 2006, lorsque les contrats de droits télévisés en vigueur ont été signés, le Real et Barcelone ont gagné toutes les "Liga", à l'exception de celle-ci", analyse Santiago Segurola.
"C'est une différence frappante, intolérable. Mais compte tenu des relations de pouvoir dans le football espagnol, ni le Real ni Barcelone ne vont accepter que cela change."

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.