L'Equipe du mercredi 13 mars consacre son grand format au stade 2.0. Extraits...
"Samedi prochain, à l'occasion du match du Tournoi des six nations, France-Ecosse, les spectateurs pourront accéder, pour la première fois, via leur smartphone, à un portail contenant des informations pratiques sur les horaires des transports en commun, l’état du trafic routier... Une innovation dont pourront bénéficier 8.000 personnes, celles qui occuperont la partie du Stade de France couverte par le WiFi (essentiellement les loges). Cette initiative illustre le fantasme vers lequel tendent désormais les plus grandes enceintes sportives du monde : le stade 2.0, une arène qui répondrait au besoin d’interactivité du spectateur avant, pendant et après la manifestation. Dans un futur proche, un fan du PSG, au moment de pénétrer dans le Parc des Princes, pourrait être guidé à sa place par le biais de son téléphone portable ou de sa tablette. Puis, pendant le match, il aurait la possibilité, de la même manière, de voir la vidéo du but qu’Ibrahimovic vient de marquer, commander de la nourriture depuis son siège, échanger sur les réseaux sociaux avec d’autres spectateurs... Et même, pourquoi pas, entendre en direct le battement de coeur de David Beckham juste avant qu’il tire un coup franc, Adidas ayant développé des tenues munies de capteurs de rythme cardiaque. Enfin, après la rencontre, satisfait de sa soirée, notre supporter pourrait réserver, d’un simple clic, sa place pour la prochaine rencontre du PSG.
"En novembre 2012, lors de la conférence Sport Numericus consacrée aux enceintes connectées, Philippe Auroy, le directeur général du Stade de France, avouait ainsi : "Notre problématique n°1 aujourd’hui, c’est : comment on fait revenir les supporters de tout ordre dans les stades ? La télé a fait des progrès formidables, c’est top. Elle fait participer les téléspectateurs à un événement en lui donnant une note, par exemple. Nous, on n’avait pas travaillé sur cet axe-là : c’était une erreur." D’autant qu’avec l’essor des réseaux sociaux, les jeunes urbains ne conçoivent plus d’assister à un spectacle sans faire partager cette expérience à leurs amis digitaux et autres followers. En 2012, huit des vingt-cinq plus gros social landmarks de Facebook (les endroits où les gens se connectent le plus) étaient des arènes : le Tokyo Dome, le Staples Center de Los Angeles, le Camp Nou... En développant leur connectivité, les stades espèrent capter une nouvelle clientèle et la convaincre de rester le plus longtemps possible sur le site. "LeMillennium Stadium se trouve en plein centre-ville de Cardiff, raconte Cyril Chacar, de Cisco, une entreprise qui propose des solutions pour améliorer l’interactivité des enceintes. La problématique, c’était que les Gallois allaient boire des bières dans des bars proches du stade, en attendant que le match commence. Ce qui constituait une perte financière énorme pour le Millennium. Du coup, les exploitants ont mis en place des solutions pour afficher, sur des écrans dynamiques, du contenu exclusif destiné aux spectateurs : des interviews de joueurs, des images historiques... Aujourd’hui, ils arrivent à faire en sorte que les gens viennent plus tôt et repartent plus tard, ce qui a généré un gain de 90.000 livres (104.300 euros) par événement." Mieux encore : selon Chacar, les stades 2.0 devraient également séduire les annonceurs en leur permettant de toucher un public ciblé. "Pendant un match, le spectateur pourrait voir un ralenti, accompagné d’une pub pour une montre de luxe s’il est en loge VIP ou d’une pub pour une marque de bière s’il est dans une tribune populaire..."
"Si, aux Etats-Unis, les arenas rivalisent d’inventivité numérique, en France, les stades 2.0 restent bloqués dans les startingblocks. Certes, le Stade de France s’est déjà illustré en organisant des confrontations sur Twitter entre fans de différentes équipes (installés en loge, évidemment) et en inaugurant en mai 2012 le parcours des supporters du stade de demain, une série de services innovants, accessibles via le téléphone portable : billet dématérialisé, indications pour être guidé jusqu’à sa place... Mais cette démarche, qui ne concernait qu’une cinquantaine de personnes équipées de mobiles spécifiques, n’a pas été rééditée depuis. De même, quand le site PokerStars lance des parties de poker en ligne réservées aux supporters présents au stade Bollaert, l’initiative connaît un succès limité. Seuls... vingt-sept Lensois ont pris part au premier tournoi, à la pause de Lens-Monaco, le 21 septembre 2012. Enfin, le Grand Stade de Lille s’est lui aussi positionné en sollicitant la société AP2S, spécialisée en ingénierie informatique. "On a centralisé toutes les données provenant du stade, que ce soit de la billetterie, des boutiques..., confient Rémi Leonetti et Cyril Smet, les directeurs associés d’AP2S. Une fois qu’on aura traité ces données, on sera capables de proposer aux spectateurs le meilleur service possible."
"Le retard français dans la course aux stades connectés s’explique essentiellement par les coûts induits par ces nouvelles technologies. Ainsi, le prix de la mise en réseau de l’ensemble des tribunes du Stade de France s’élève entre 3 et 4 millions d’euros. Au Grand Stade de Lille, cette opération serait facturée au moins 1 million d’euros. Pour l’économie fragile des enceintes sportives françaises, il s’agit d’investissements très lourds, presque hasardeux, car ils ne sont pas assurés de générer des revenus immédiats. Du coup, au moment de régler l’addition, les intervenants sur ces dossiers ont tendance à se renvoyer la balle. "Les stades français résultent souvent d’un mariage à trois, rappelle Stéphane Pottier, de la société Lagardère Unlimited Stadium Solutions, qui travaille dans le développement des arènes. Un mariage entre un opérateur privé qui a fait construire et qui exploite en partie le stade, une collectivité locale qui a participé au financement sans pouvoir l’assumer à 100% et un club résidant qui enest l’utilisateur principal... Si l’entité qui utilisait le stade était celle qui le finançait, le processus de prise de décision serait plus efficace."
Pour dépasser ces difficultés, Gilles Portel, directeur général de Havas Sports, en appelle aux partenariats. "Il y a un modèle économique original à trouver pour les exploitants. Ils pourraient se tourner vers les ligues ou les fédérations. Aux Etats-Unis, la NFL (qui regroupe les 32 franchises de foot US) avait bien financé l’installation de réseaux WiFi dans les stades de la ligue. Les exploitants pourraient aussi s’associer à des sociétés spécialisées dans les nouvelles technologies, qui feraient des stades leur vitrine." Cette solution semble aujourd’hui privilégiée : Orange négocie actuellement un partenariat avec Vinci afin d’améliorer au plus vite la connectivité des enceintes gérées par ce constructeur (le Stade de France, le stade Chaban-Delmas à Bordeaux...).
"Car, désormais, le temps presse. "Aujourd’hui, de plus en plus de vacanciers choisissent leur hôtel en fonction de l’accès WiFi ou du nombre de chaînes de télé disponibles..., indique Philippe Boulet, manager chez Mediatree, une entreprise qui développe des stades connectés au Qatar. Ça sera bientôt pareil avec les stades : les supporters décideront de s’y rendre ou non en fonction de leur connectivité..."
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