Il y a deux ans, au Sénat, l'Agence pour l'éducation par le sport (Apels) présentait une restitution de son expérimentation "Les ressorts des innovations sociales dans les clubs sportifs en zones urbaines sensibles". Il en ressortait que "globalement, les clubs sportifs ont du mal à se mettre dans une démarche d'innovation sociale" (voir ci-contre notre article du 4 février 2011). Lundi 13 mai, toujours au Sénat, l'Apels a procédé à la restitution d'une nouvelle expérimentation, intitulée "Une voie nouvelle pour les politiques d'éducation par le sport dans les quartiers populaires" et menée avec le soutien du secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV). Une expérimentation inédite dans laquelle se sont impliquées neuf municipalités*. Et cette fois, ça a marché…
"Mon métier est de distribuer des subventions et de répartir les créneaux"
Tout a commencé en 2011, quand l'Apels a réalisé des diagnostics complets sur la situation du sport dans les quartiers de chacune des communes. Il en a résulté que "globalement, les politiques publiques répondent très faiblement à la demande et aux besoins des habitants des quartiers populaires en matière de pratiques sportives". Des quartiers où "les habitants sont majoritairement en décalage avec les valeurs traditionnellement portées par les clubs sportifs (goût de l'effort, dépassement de soi, régularité de la pratique, etc.)" et où l'offre sportive est "limitée". Tout comme est limitée l'innovation par le sport au sein des communes. "Mon métier est de distribuer des subventions chaque année et de répartir les créneaux dans les gymnases et les équipements. C'est 90% de mon temps de travail", a ainsi précisé un directeur des sports durant l'enquête. Enfin, autre limite pointée par le diagnostic : le mal-être des éducateurs sportifs face à des réalités sociales qui les dépassent.Pour briser ces limites à l'innovation sociale par le sport, l'Apels a formulé des propositions aux élus, cadres techniques, associations et habitants afin de répondre aux défis repérés sur les territoires : agir sur les logiques de décrochage des jeunes, réinventer un fonctionnement municipal et renouveler les liens avec les associations sportives. Chaque territoire s'est alors positionné sur un sujet fédérateur durant deux années afin de proposer des réponses nouvelles. A Sevran, le rugby féminin est devenu une passerelle vers l'emploi, Calais a proposé des parcours de réinsertion par le sport aux décrocheurs scolaires, Sarcelles a travaillé sur la formation et l'évolution des carrières des éducateurs, tandis que Courcouronnes créait un groupement d'intérêt public pour traiter les questions sociosportives.
"On a essayé de bousculer les services des sports"
De l'avis des participants aux travaux de restitution de l'expérimentation, le pari est cette fois réussi. Les représentants des villes présents au Sénat semblaient avoir enfin mis le doigt sur une formule qui donne des résultats positifs. Comment expliquer cette réussite, deux ans après un constat beaucoup plus mitigé sur ce même terrain de l'éducation par le sport ? A l'unanimité, le travail de terrain rendu possible par l'expertise de l'Apels a été salué. Mais surtout, "une expérimentation réussie implique une cible de plus en plus précise et des choix politiques forts", a souligné Gilles Vieille Marchiset, conseiller scientifique de l'expérimentation. La grande différence avec la précédente a donc été, cette fois, l'implication des municipalités."On est dans une autre logique. Après des années, on a décidé de soulever le capot [sic] des collectivités locales et de voir comment on peut y mettre de l'innovation, comment les collectivités peuvent accompagner ce mouvement. Via une méthodologie assez simple, mobile, innovante, avec des experts de terrain, un suivi régulier partant d'un diagnostic local sur chaque collectivité, on a essayé de bousculer les services des sports, de voir en quoi la question sociale par le sport pouvait avoir une vie", précise Jean-Philippe Acensi. Et le délégué général de l'Apels de reprendre à son compte le constat qu'il existe "des politiques publiques souvent très cloisonnées, qui ne répondent pas forcément toujours à la demande des habitants, aux problématiques d'insertion sociale, de santé publique, de vivre-ensemble. Or sur certaines collectivités, des choses peuvent se mettre en place de façon très réactive. Les acteurs même de l'insertion ne font pas ce travail de cette manière-là".
Avec cette expérimentation réussie, "on entre peut-être dans une nouvelle ère avec une réflexion sur ce qu'est une politique publique du sport dans une ville" : "Doit-elle servir l'innovation sociale, l'insertion, la santé, ou ne concerner que quelques-uns qui font de la compétition ? Ça ne veut pas dire qu'il faut supprimer l'un au profit de l'autre, mais nous sommes dans des politiques publiques qui évoluent parce que les problématiques sociales aujourd'hui sont considérables. L'objectif est de faire prendre conscience aux collectivités, mais aussi à l'Etat, à l'Education nationale, que le sport peut être un outil intéressant pour participer au renouvellement des politiques publiques. On est dans la fonction originelle de la politique de la ville avec la participation des habitants", conclut Jean-Philippe Acensi.
(Source : Localtis)
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