vendredi 22 novembre 2013

Malgré un milliard de dollars de rénovation, le Madison square Garden est nenacé d'expulsion par la ville de New York

Dans dix ans, le Madison Square Garden risque de perdre son emplacement. Pourtant il vient de dépenser près de un milliard de dollars pour sa rénovation.

QUAND ils ont découvert le score astronomique de Bill De Blasio aux élections municipales de New York, les dirigeants de la Madison Square Garden Company ont dû franchement faire la grimace. L’adversaire malheureux de De Blasio, Joe Lotha, étant un ancien cadre dirigeant de leur société, les promoteurs espéraient bien qu’il leur tirerait une grosse épine du pied en l’emportant. C’est raté.
En effet, après avoir dépensé 968 millions de dollars (717 millions d’euros) dans la rénovation de la salle légendaire de Pennsylvania Station, ils risquent de ne pas toucher le fructueux retour sur investissement qu’ils escomptaient. Car la ville de New York, qui espère depuis longtemps récupérer le site afin de reconstruire la station de métro située sous le Garden, a décidé de limiter l’extension du bail du Madison Square Garden à dix ans.
Comment les propriétaires, qui l’ont proclamé « salle la plus célèbre du monde », ont-ils pu dépenser près d’un milliard de dollars avec une telle épée de Damoclès au-dessus de leur tête ? Pour Frank Pons, professeur de marketing à l’université de Laval, la réponse est simple : «Ils n’avaient pas le choix. Jusqu’à l’année dernière, le Madison était l’enceinte qui rapportait le plus sur le créneau de la musique. Mais le Barclay Center est passé numéro un sur les six derniers mois de l’année, avec 35 millions d’euros de billets vendus, contre 29 au Garden.»
Les dirigeants, qui avaient combattu avec succès un projet de stade concurrent en 2004 (le West Side Stadium), se battent cette fois contre la nouvelle salle des Brooklyn Nets (basket), qui a aussi récemment séduit les New York Islanders (hockey sur glace, à partir de 2015). «Le sport apporte une garantie, mais les concerts, ce n’est pas le cas, ajoute Frank Pons. Il y a une grosse compétition.»
Malgré l’augmentation du prix des billets (+49% sur le ticket de saison pour voir les basketteurs des Knicks de New York), les experts doutent franchement que le Madison Square Garden puisse rentabiliser un tel investissement en seulement dix ans.« Je ne connais pas leur business plan, mais on sait qu’il faut au moins quinze ou vingt ans pour amortir ce genre de travaux », souligne Philippe Ventadour, le directeur de Bercy, qui fera lui un chèque de 110 millions d’euros pour rénover la salle parisienne, l’année prochaine.
De façon étonnante, les dirigeants du Garden n’ont pas cherché à polémiquer sur la décision de la mairie de New York. Ils auraient même déjà commencé à prospecter, afin de trouver un terrain de remplacement. La rénovation de Penn Station, l’une des gares les plus fréquentées des États- Unis (500.000 passagers par jour), paraît incontournable et, sans la crise économique de 2008, un précédent projet aurait déjà vu le jour. La campagne municipale a aussi ramené sur le devant de la scène une exemption fiscale dont bénéficie le Garden depuis 1982 et qui a rapporté jusqu’ici environ 259 millions d’euros à la société, alors qu’elle devait théoriquement s’arrêter en 1992. Bref, le contexte ne se prêtait pas forcément à une offensive de communication en règle.
À y regarder de près, l’énorme investissement de la Madison Square Garden Company est surtout loin d’être aussi dingue qu’il y paraît. Cotée à la Bourse de New York, la société propriétaire du Garden a réalisé 105 millions d’euros de bénéfices cette année. Un résultat qui ne tient certes pas compte des seules entrées du Garden, mais qui suffit largement à absorber 71 millions d’euros d’amortissement sur les dix prochaines années. Surtout, le timing du déménagement n’est pas si mauvais pour le Garden. «Dans les trente dernières années, la durée de vie d’un stade a diminué énormément, insiste Frank Pons. D’une trentaine d’années dans les années 90, on est descendus bien en dessous, sans doute quinze à vingt ans.»
Dans dix ans, le Barclay Center, dont la construction a débuté en 2010, devra donc, lui aussi, se poser la question d’une rénovation, voire, d’un déménagement prochain. «Ce que le Garden espère, c’est être mieux placé qu’eux s’ils doivent trouver un nouveau site, explique-t-il. Ils auront un pouvoir de négociation plus élevé, parce qu’ils auront fait quelque chose de bien pour la ville en investissant un milliard dans leur salle et en laissant faire la rénovation de Penn Station. » Reste à savoir combien coûtera la prochaine folie du Garden.

(L'Equipe)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.