Les ligues de basket et de hand ont des perspectives communes
en matière de salles mais leur marketing chasse sur les mêmes terres.
Le hand a pris du poids, le basket a senti la menace...
LE PREMIER Hand Star Game va se
disputer samedi à Paris-Bercy, devant
les caméras de L’Équipe 21. L’événement
s’inspire évidemment d’un classique du basket,
le All-Star Game à la
française,dont la 28e édition de ce
Match des Étoiles aura lieu au même
endroit le 29 décembre.
La presque
concomitance des événements interpelle.
Concurrents ? Faux frères ? Alliés
objectifs ? Les Championnats de
France d’élite du basket et du hand
sont aujourd’hui un peu tout à la fois :
concurrents dans la conquête du
meilleur contrat télé possible et de
sponsors d’envergure. Faux frères…
avec un vrai air de famille face à une
opinion publique qui aime l’état d’esprit
de leurs équipes nationales. Alliés
objectifs dans l’oeuvre de persuasion
que ces deux sports collectifs doivent
mener pour faire naître de nouvelles
enceintes adaptées au professionnalisme moderne.
Lorsqu’Alain Béral, le «boss» de la
LNB, dit qu’il serait «stupide de ne pas
marcher ensemble» sur ce dernier
dossier, et que l’on soumet son propos
à Philippe Bernat-Salles, celui-ci, président de la
Ligue de handball (LNH), se
déclare «d’accord à 200%» et espère à
la fois que le Mondial 2017 en France
«sera un levier dans ce domaine».
Alain Poncet, le président du Chambéry
Savoie Handball, doté d’un bel
outil avec Le Phare, concède volontiers :
«Il faudra être capables de partager
les équipements.»
Ce consensus initial n’annule pas
pour autant l’intense lutte à distance
que se livrent les deux sports, même si
les discours demeurent feutrés. Le basket a bénéficié
de son antériorité dans
le professionnalisme (la LNB a été
créée en 1987, la LNH en 2004) pour
travailler sur ses structures, son contrôle
de gestion, et si des luttes d’influence
au sein de la Ligue ont longtemps
freiné son développement, il
passe aujourd’hui avec l’Allemagne, en
pleine crise économique européenne,
pour l’élève vertueux du Vieux Continent,
affichant un bilan comptable net
positif de ses seize clubs (+0,4 M€ en
2011-2012). Contrairement au hand,
modestement déficitaire (–1,3 M€ au
global des 14 clubs).
Mais le gros ballon orange a vu
grandir son jeune rival, boosté par la
dynamique de l’équipe de France et
une meilleure répartition géographique
de ses forces au sein d’une élite
longtemps trop concentrée en région
parisienne. Il est symbolique de voir
Nantes, en progression constante depuis
sa montée en 2008, s’apprêter à
battre le 12 décembre au hall XXL de la
Beaujoire le record d’affluence pour un
match de D 1 (8.500 spectateurs à
Montpellier) en recevant le PSG. «La ligue a beaucoup
travaillé à structurer
nos clubs, à les aider à renforcer leur
back-office», plaide Étienne Capon,
son directeur général.
L’étude annuellement
commandée par la LNH met
justement en avant l’écart resserré
avec les autres compétitions domestiques
et l’intérêt accru de partenaires
attirés par les noms des «Experts» de
retour au pays (Thierry Omeyer, Luc
Abalo...). «On est à la lutte pour la troisième
place», résume Alain Poncet
pour situer le hand dans la hiérarchie
des sports co derrière le football et le
rugby. Le président chambérien estime même que son
sport a supplanté
son rival des paniers.
Les chiffres clés
montrent que le basket garde en fait
une longueur d’avance. D’autant qu’il a
bénéficié d’un joli coup de projecteur
avec le titre européen des Bleus décroché en septembre dernier,
quatre d’entre
eux jouant cette saison en ProA
(Diot, Ajinça, “Flo” Pietrus, Kahudi).
Alors que le hand a récemment
eu à affronter l’affaire des paris à Montpellier
et la pige qatarienne très critiquée
du Toulousain Jérôme Fernandez.
Les symptômes d’une crise de croissance?
«Si l’on veut, mais Jérôme est
un grand garçon, et je connais très bien
le président Philippe Dallard, et il
n’avait pas à demande rma permission
pour accepter cette pige, justifie
Bernat-Salles. Cela dit, il est vrai que
nous devons encore travailler à améliorer
nos règlements en fonction de
l’évolution du sport pro.»
Bernat-Salles offre une réponse
sage à la question de savoir ce qui
manque le plus à sa Ligue aujourd’hui :
«Du temps pour poursuivre le travail
de structuration de nos clubs. Il n’y a
pas si longtemps, notre image de sport
scolaire nous collait encore à la peau et
l’on me demandait si nous étions
pros.» Pour le hand, la renégociation
des droits télé de la D1 sera un rendez-vous-clé. Son contrat s’achève à l’issue
de la saison 2014-2015, mais les dirigeants
de la LNH vont les renégocier
dès cette saison, échaudés par la stratégie
de leur diffuseur principal, Canal
+,qui leur a retiré une émission sur Canal+
Sport, chaîne où le basket a glissé
un pied cette saison.
Avec une dotation
de 1,2 M€, les handballeurs se savent
aussi beaucoup moins bien lotis que
les basketteurs, détenteurs d’un contrat
plus rémunérateur (6 M€ annuels
jusqu’en juin 2017). « J’ose imaginer
une négociation qui reconnaîtra la valeur
du Championnat de France », espère
le président de la LNH.
Côté basket, on a un peu retrouvé le
sourire après avoir grimacé. Jean-
Pierre Goisbault, le président des clubs
pros (UCPB), affirme que la Pro A est la
vitrine « d’une ligue saine et bien gérée...
Un exemple : on a critiqué en
France notre Semaine des As à
Disneyland mais nos collègues européens,
eux, ont tous été bluffés par ce
partenariat avec Disney, confirmé pour
les quatre ans à venir !»
Concernant le marketing, Alain Béral
revient sur la concurrence avec le
hand en rappelant : «Il y a des partenaires
exclusifs et ceux qu’on appelle
des “duplicants”, prêts à investir dans
un deuxième sport. Là où nous ne serons
pas forcément copains, c’est lorsqu’on
chasse dans la même ville. La
plupart du temps, si nous ne sommes
pas devant le hand, nous serons troisièmes…
car le foot, voire le rugby, sera
de toute façon devant. Il faut donc être
bons.»
La LNB veut relancer le dossier
de l’attribution de wild-cards destinées
à élargir la ProA et à favoriser
l’émergence de clubs de grandes villes.
Dans cette quête, le basket bénéficie
d’un atout : Fédération et Ligue parlent
aujourd’hui d’une seule voix et partagent
les mêmes icônes, les Tony Parker
(«Nous discutons avec lui pour l’impliquer
dans notre LNB-TV sur leWeb»),
Nicolas Batum ou CélineDumerc.
La LNB veut continuer à créer le
buzz comme avec ces matches délocalisés
dans des endroits plus ou
moins inattendus : «On n’est pas le
foot, rappelle Alain Béral,on doit maintenir
le bénéfice d’une visibilité provoquée.»
Et s’il n’attend pas « un gros
coup » dans les mois qui viennent,
« aller dans les phases finales de
l’Eurocoupe, réussir [les] play-offs et
signer deux ou trois gros partenaires
pour la Ligue», suffirait à son bonheur.
Le hand, lui, s’apprête à savourer son
premier Match des Étoiles et veut donner encore un peu
de temps au temps.
Mais il avance.
(L'Equipe)
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