Le Pays basque, l’un des rares endroits au monde où la mort de Nelson Mandela ne constitue pas l’élément central de toutes les conversations. Hier matin au marché de Bayonne, la possible fusion entre les équipes professionnelles de l’Aviron et du Biarritz Olympique alimentait les discussions, chacun y allant de son avis. Pour la première fois, Imanol Harinordoquy (33 ans) donne le sien. Incarnation du joueur basque, le capitaine du BO, international à 82 reprises, n’est pas insensible au projet.
Pour la première fois, la fusion semble plus proche de la réalité que de la fiction…
Quand le sujet est sorti dans la presse, je pensais l’affaire uniquement médiatique. Mais il semblerait que, cette fois-ci, il y ait un embryon de quelque chose, avec des discussions plus approfondies et une étude plus poussée que d’habitude.
Comment l’avez-vous appris ?
Dans la presse. Je ne vous cache pas qu’en interne, il n’y a pas eu plus de communication que le communiqué publié mercredi par le Biarritz Olympique.
Et toujours pas depuis…
Je pense qu’on aura une petite réunion lundi. Si ce n’est pas le cas, on la provoquera. Il ne faut pas qu’on se pose 100 000 questions, qu’on s’éparpille. Autant éclaircir vite la situation. On a un club à sauver (NDLR : après 13 journées, le BO est dernier du Top 14 avec 8 points de retard sur Bayonne, première équipe non relégable).
Ce manque de communication est-il vexant ?
Dans la mesure où les présidents n’en sont qu’au stade des discussions, non. Si j’avais appris que tout était signé, ça m’aurait gêné. Et puis au BO, avant qu’une information sorte… À part Serge Blanco, pas grand monde devait être au courant du projet.
« C’est bien d’apprendre ce genre de chose en ouvrant son journal… », écriviez-vous jeudi sur Twitter, assorti d’une photo de la Une de « Sud Ouest »…
(Sourire) Il y avait une touche d’humour car j’étais au courant depuis la veille. L’apprendre de la sorte a froissé certaines susceptibilités. Et pour une fois, pas la mienne. Pourtant, je suis susceptible. J’émettais ainsi des réserves sur la façon de procéder car je recevais 50 coups de téléphone et ne savais pas quoi répondre.
Est-ce le sens de l’histoire ?
Qu’on le veuille ou non, aujourd’hui, le rugby est aussi une affaire de moyens, même si ça ne fait pas tout. Financièrement et sportivement, nos clubs souffrent. En tant que sportif, ça me plairait d’être dans une grande équipe qui jouerait les premiers rôles. Ce projet m’emballe car je suis profondément attaché au Pays basque. Je le disais déjà il y a quatre ou cinq ans, tout en étant persuadé qu’il ne verrait jamais le jour. Que cela se fasse ou pas, c’est déjà bien d’étudier la chose de manière significative et approfondie.
Le moment de l’annonce était-il opportun, en milieu de saison, en milieu de semaine, une veille de match ?
Ce n’était peut-être pas la meilleure idée. On n’était pas à deux jours près. L’annoncer lundi aurait permis d’avertir un minimum les joueurs et le personnel. Je suis attaché à mon club, j’aime savoir ce qui s’y passe.
Ce rapprochement pose la question de l’éthique sportive (1)…
Le championnat va-t-il être faussé ? La question est légitime. Mais on ne rentre pas sur un terrain pour arranger le résultat, encore moins dans un derby. Il y a deux ans, beaucoup pensaient qu’on avait levé le pied lors du derby retour pour permettre à Bayonne de se maintenir. La réalité, c’est qu’on est passé à côté ce jour-là (NDLR : 24-19 pour l’Aviron).
Ce projet perturbe-t-il les joueurs ?
On ne peut pas l’occulter. Certains sont en fin de contrat, d’autres se posent la question de la valeur de leur contrat dans une nouvelle entité. Et des joueurs qui pensaient partir s’interrogent devant ce projet attrayant.
Un projet commun, c’est aussi la fin des derbies et du folklore…
Il faut savoir ce que l’on veut. Garder son club, quoi qu’il en coûte, quitte à être rétrogradé sportivement, financièrement, voire les deux. On pourrait être confronté à cette situation. D’un autre côté, on peut unir les forces pour se battre avec les gros. Depuis trois quatre ans, ce n’est plus la même musique. Le rugby a changé de vitesse. Je vous dis cela, et pourtant, les derbies me plaisent. Ce sont les deux premières dates que je regarde à la publication du calendrier.
Une moitié de supporters préfèrent jouer en Fédérale et garder leur indépendance plutôt que voir leur équipe fanion disparaître…
Dans un sens, je les comprends. Mais s’il y avait une grande équipe au Pays basque, ils s’identifieraient à elle, surtout si elle avait les moyens d’aller chercher des titres. Aujourd’hui, indépendamment, c’est utopique.
La question de l’identité est omniprésente dans le débat…
Une idée séduisante est de s’appuyer sur un centre de formation pour relancer la « production » de joueurs basques. Ça éviterait de voir des jeunes comme Camille Lopez (Perpignan) partir ailleurs. On pourrait retrouver une certaine identité.
Justement, les anti-fusion avancent la perte de leur identité propre…
On peut aussi avoir un jour un derby sans le moindre joueur basque. Donc l’identité…
Cette équipe basque pourrait aussi en avoir que le nom.
Sans joueur d’ici, elle n’aurait aucun sens. Pour aller au plus négatif, je préférerais toujours deux clubs en Pro D2 à cela. Une solution serait de produire un réservoir de joueurs locaux, ou formé tôt au club.
À moyen ou long terme, aimeriez-vous prendre des responsabilités dans un tel projet ?
Bien sûr. Si on me le demande, je m’y impliquerai. Mais aujourd’hui, on parle encore au conditionnel. Ce sujet a au moins le mérite d’amener une certaine excitation chez les joueurs, un peu de piment. D’Espelette.
(1) Si les deux clubs basques terminent aux deux dernières places du Top 14, l’équipe commune, en cas de création, évoluerait en Pro D2 la saison prochaine. En cas de maintien de l’Aviron ou du BO, elle conserverait une place en élite. Dans cette optique, certains voient déjà Biarritz laisser la victoire à Bayonne, mieux placé, lors du derby du 1er mars.
(Sud Ouest)
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