Pierre Camou, président de la Fédération française de rugby revient sur la convention signée avec la Ligue mais aussi sur la crise européenne.
Cette convention constitue-t-elle une petite ou une grande avancée pour l’équipe de France ?
C’est une avancée. Du point de vue des entraîneurs de l’équipe de France, elle peut sembler trop petite. Surtout si on la compare à ce qui fait dans les fédérations de l’hémisphère sud. Mais c’est un réel progrès, avec la définition d’un groupe, une limitation du nombre de matches disputés dans une saison. Tout est perfectible.
Est-il si difficile de placer l’équipe de France en haut des priorités du rugby français ?
Ce n’est jamais facile de faire adopter quelque chose qui n’existait pas. Il y a aussi des clubs dont les objectifs à court terme ne sont pas toujours en adéquation avec ceux de l’équipe de France. Certains ne voient pas toujours le long terme. Et pourtant, si l’équipe de France a des résultats positifs, c’est l’ensemble d’un sport qu’elle irradie. Tout le rugby français a bénéficié du visage montré par l’équipe de France lors de la finale de la Coupe du monde 2011.
L’équipe de France va disposer de moyens presque identiques à ses rivales. Est-ce à dire que l’attente de résultats positifs va être supérieure ?
Je n’ai jamais mis la notion de fin et de moyens devant l’équipe de France. Je n’évoque pas d’urgence de résultat. L’équipe de France, c’est une aventure humaine. Ce groupe est jeune. Contre l’Afrique du Sud, il ne restait que cinq joueurs ayant disputé la finale de la Coupe du monde. L’acquis international, ça ne s’invente pas.
L’équipe de France a réalisé l’une des plus mauvaises saisons de son histoire (2 victoires, 1 nul, 8 défaites). Quel jugement portez-vous sur ce bilan ?
Si on fait le bilan comptable, il n’est pas bon. Mais c’est aussi la première année où l’on affronte quatre fois de suite la Nouvelle-Zélande qui n’est pas la plus mauvaise équipe du monde. Dans la foulée, on a joué contre l’Afrique du Sud qui n’est pas non plus la mauvaise équipe. Il faut regarder l’ensemble. Nous avons réalisé un mauvais tournoi des Six Nations alors que trois mois plus tôt en novembre, on portait cette équipe au pinacle. Dans un sport collectif, il faut raison garder et se montrer prudent.
La signature de cette convention a été arrachée au forceps. Pourquoi un accord a-t-il été aussi compliqué à trouver avec la Ligue ?
Si l’on fixe des deadlines, c’est pour arracher des compromis. Regardez les négociations marathons à Bruxelles. Chacun a fini par y mettre un peu du sien.
Ces dernières semaines les relations entre les deux instances se sont dégradées en raison de la Coupe d’Europe. Cela laissera-t-il des traces ?
Je ne pense pas. Mais je veux que le rugby français parle en France et en Français. Cette négociation a été parasitée par des interventions étrangères (NDLR : anglaises) et des problèmes anglais.
On vit une période où les relations entre clubs et fédérations sont de nouveau conflictuelles. Les positions sont-elles irréconciliables ?
Non. La fédération a la charge de 1800 clubs. Le rugby pro n’est qu’un élément parmi d’autres. Tout le monde est sur le même bateau même si certains sont passagers sur le pont supérieur. Le propre de mon sport, au-delà du combat, ce sont les notions de respect et de solidarité. Certains auront compris que ces mots ne sont pas vains pour moi.
Vous militez pour la création d’une vraie fédération européenne qui aurait la charge d’organiser les Coupes d’Europe. Pourquoi ?
La crise européenne a dévoilé un problème général de gouvernance. On a aujourd’hui au niveau international des compétitions gérées par des sociétés commerciales. Ce système est à bout de souffle. Il s’agit de construire un monde, avec 140 fédérations, sans se refermer sur soi-même, avec d’autres ambitions que de simples préoccupations financières. Mais il me semble qu’en football, l’UEFA gère des compétitions d’équipes nationales mais aussi de clubs, et notamment une Champions League qui possède une autre dimension que notre Coupe d’Europe. Je crois que tous les clubs s’y retrouvent.
Vous avez combattu contre le projet de Rugby Champions Cup pour défendre les Celtes. Mais une Coupe d’Europe sans les Anglais est-elle viable ?
Elle a déjà eu lieu (NDLR : 1998-1999). Doit-on céder aux ultimatums de quelques-uns quelle que soit leur puissance financière ? N’oublions pas l’histoire, avec qui l’on construit, et tout ce que la Coupe d’Europe doit aux provinces irlandaises. Ce sont elles qui ont amené la ferveur populaire à cette compétition.
Pensez-vous qu’il soit encore possible de trouver une issue avec les Anglais ?
Oui, s’il y a de la bonne volonté. Mais il valait mieux crever l’abcès plutôt que de remettre à demain les problèmes d’aujourd’hui qui sont aussi les problèmes d’hier.
(Sud Ouest)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire