La mort d'un caméraman de télévision a envenimé le climat politique à
Rio de Janeiro où se déroulait jeudi soir une nouvelle manifestation
encadrée par un lourd dispositif policier, des partis d'extrême gauche
étant accusés de payer les protestataires violents.
"La presse,
fasciste ! C'est vous les terroristes", scandaient au sein de la foule
un groupe d'une trentaine de manifestants, quelques heures après
l'incinération de Santiago Andrade, le caméraman de TV Bandeirantes
mortellement atteint le 6 février par une fusée de feu d'artifice
allumée par un manifestant.
Ce dernier, arrêté mercredi, mais qui
nie avoir allumé l'engin, a assuré à la police que "des personnes
encouragent les jeunes à participer aux défilés" et qu'il avait déjà été
"invité à y participer contre rémunération".
Les plus radicaux,
la plupart d'origine modeste, reçoivent également parfois de la
nourriture et des billets de transport pour se rendre aux
manifestations, a affirmé Caio Silva de Souza, 23 ans, dans sa
déposition intégralement publiée par le quotidien populaire Extra.
Le
manifestant n'a pas dit s'il avait lui-même été payé. Mais son avocat,
Jonas Tadeu Nunes, avait assuré mercredi à la télévision Globo que son
client et d'autres manifestants recevaient 150 reais (45,6 euros) pour
"déclencher des violences" et "déstabiliser le gouvernement". Le salaire
minimum au Brésil est de 218 euros par mois.
Caio Silva de Souza a
ajouté croire que "les partis qui emmènent (leurs) bannières (aux
manifestations) sont ceux qui paient les manifestants", et en mentionne
certains d'extrême gauche tels que le PSOL et le PSTU.
Le très
impopulaire gouverneur de Rio Sergio Cabral s'est joint à ces
accusations, assurant qu'"il y a des partis politiques et des
organisations impliqués dans ces actions".
"Il y a des groupes et
des courants de partis politiques qui méprisent le processus
démocratique, les institutions, l'économie de marché", a ajouté M.
Cabral, cible de la contestation depuis la fronde sociale massive de
juin 2013.
Le député de gauche de l'Etat de Rio Marcelo Freixo
(PSOL), figure de la lutte contre les milices d'extrême droite, a été
lui-même accusé de connaître le jeune manifestant ainsi qu'un autre
arrêté comme lui dans le cadre de cette affaire.
Il a
vigoureusement nié tout lien avec eux, tout en disant avoir "eu tort de
ne pas avoir condamné avec plus de fermeté" les violences en général
provoquées par les anarchistes des Black Blocs.
Les marches de
protestation qui se multiplient ont lieu à quatre mois du début de la
Coupe du monde (12 juin-13 juillet), et à huit mois des élections
générales (présidentielle, législatives fédérales et par Etats,
gouverneurs, sénatoriales partielles).
"Je n'ai pas reçu un réal,
je suis ici par idéal !", pouvait-on lire sur les pancartes brandies
jeudi soir par les manifestants, dont le nombre était évalué à 500 par
la police et à 2.000 par les organisateurs.
"A bas la Coupe du
Monde !", "Je veux mes 150 reais !", scadaient-ils, dans une allusion à
ces accusations, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Dans les
manifestations, oui il y a de la manipulation politique, il y a des
personnes infiltrées pour provoquer des tumultes mais elles viennent de
la droite, pas de la gauche", a assuré à l'AFP Diego Medeiros, 31 ans,
professeur d'histoire et membre du PSOL, un parti d'extrême gauche.
"Le
but est d'affaiblir les manifestations avant la Coupe du monde, et en
plus, on est année électorale", a estimé ce militant favorable au
déroulement du Mondial au Brésil, malgré les critiques.
C'est dans
ce climat tendu qu'a resurgi à Brasilia la discussion autour d'un
projet de loi antiterroriste controversé qui pourrait englober les
violences physiques au cours des manifestations, selon son libellé
provisoire.
"C'est un instrument contre n'importe quelle
manifestation libre, contre n'importe quelle mobilisation civile
organisée" qui rappelle la dictature militaire (1964-1985), a critiqué
le sénateur Randolfe Rodrigues (PSOL).
Le parlementaire estime que cette loi cherche à satisfaire la fédération internationale de football (Fifa) et à décourager l'organisation de manifestations pendant le Mondial.
(AFP)
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