Le Brésil a eu sept ans pour préparer son Mondial. Mais comme lors
d'une finale plus indécise que prévue, l'horloge tourne inexorablement
et il court toujours après un triomphe incertain à 100 jours du grand
soir.
Retards accumulés, manifestations violentes: la présidente Dilma Rousseff, qui joue sa réélection en octobre, a beau marteler
comme une incantation que le Brésil va réaliser "la Coupe du monde des
Coupes du monde", le doute s'est installé.
Les douze stades
devaient être livrés au plus tard le 31 décembre 2013, pour que la Fifa
puisse y effectuer tous les tests nécessaires. Cinq ne sont pas encore
prêts, à des degrés divers. Celui de Curitiba, très dangereusement hors
délai, a frôlé le carton rouge. Il n'a dû son maintien qu'à l'engagement
de la présidente, soucieuse d'éviter un cuisant camouflet.
"On
va à 200 km/h, c'est bien au-delà de la limite de vitesse autorisée,
mais ce sera le cas jusqu'au 12 juin", veille du match d'ouverture du
Mondial, s'est résigné le secrétaire général de la Fifa Jérôme Valcke.
La
fronde sociale historique contre la facture publique du Mondial, la
misère des services publics et la corruption des élites, qui avait
ébranlé le pays en juin 2013 pendant la Coupe des Confédérations, a peu à
peu perdu son souffle.
Mais elle s'est radicalisée sous le mot d'ordre "La Coupe du
monde n'aura pas lieu". Et fait peser une menace lancinante sur la
sécurité des supporteurs. Sans parler de la Fifa et de ses sponsors,
honnis par les protestataires radicaux qui dénoncent une "Coupe pour les
riches".
Les manifestations régulièrement convoquées à Rio de
Janeiro et Sao Paulo par la mouvance d'extrême gauche et les anarchistes
masqués du Black Bloc dégénèrent systématiquement en violents
affrontements. Le 6 février, un caméraman de télévision a ainsi été tué à
Rio par une fusée d'artifice allumée par des manifestants.
En
face, la police militaire, mal formée au maintien de l'ordre, conserve
des méthodes musclées héritées de la junte. Mais le gouvernement promet
de juguler les militants violents tout en préservant la liberté de
manifester. Quelque 170.000 policiers et militaires seront mobilisés.
L'armée interviendra même si nécessaire...
Les Brésiliens,
massivement hostiles à ces violences, sont 80% à assurer qu'ils ne
manifesteront pas pendant le Mondial. L'humeur n'en est pas moins à la
grogne et au désenchantement. L'économie tourne depuis trois ans au
ralenti, les prix flambent. Le pourcentage de Brésiliens soutenant la
tenue du Mondial dans le pays a chuté de 79% en 2009 à 52% selon un
récent sondage.
Car on leur avait promis que la Coupe serait financée à 100% sur fonds privés. Finalement, ils règleront le gros de la facture.
Le Mondial devait aussi laisser en héritage de nouvelles lignes
de métro, des tramways. Une grande partie de l'ambitieux plan initial de
mobilité urbaine a été purement abandonné en route.
Et alors que 3
millions de Brésiliens et 600.000 étrangers vont se déplacer à travers
ce pays grand comme 14 fois la France, on sait déjà que les travaux
d'agrandissement de plusieurs aéroports obsolètes et saturés ne seront
pas achevés pour le Mondial. A Fortaleza (nord-est), un terminal
provisoire sera improvisé sous une tente gigantesque.
"Une des
caractéristiques négatives de l'organisation de la Coupe du monde au
Brésil, c'est l'improvisation. C'est une question culturelle. On croit
que tout peut se faire au dernier moment, sans planification, mais que
finalement ce sera un succès grâce à l'hospitalité et la chaleur des
Brésiliens", analyse pour l'AFP José Carlos Marques, professeur à
l'Observatoire du Sport de l'Université Estatal Paulista (Unesp).
On
est loin de l'ambition affichée il y a sept ans: le Brésil émergent
voulait démontrer qu'il jouait désormais dans la cour des grands et
faire taire ceux qui, comme De Gaulle, pensaient que ce n'est "pas un
pays sérieux".
C'est finalement au plan sportif, comme d'habitude,
que le quintuple champion du monde s'est le mieux préparé. Le
sélectionneur Luiz Felipe Scolari a su redonner cohésion et ambition à
une Seleçao dont il avait hérité en plein doute fin 2012.
Vainqueurs
séduisants de la Coupe des Confédérations 2013, l'idole Neymar et sa
bande peuvent rêver de faire exulter 200 millions de fanatiques de
football en soulevant la coupe le 13 juillet dans le mythique stade
Maracana de Rio. Et d'y exorciser pour toujours le traumatisme national
de la finale perdue contre l'Uruguay en 1950.
(AFP)
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