Avec les dix stades flambants neufs de l'Euro-2016, c'est un héritage
encombrant de 100.000 places supplémentaires qui va retomber sur les
clubs de Ligue 1: un défi que les dirigeants veulent relever, coachés
par un spécialiste américain du "marketing de sièges".
"La
question est de savoir +Comment transformer ces places en valeur
ajoutée?+", explique Bruno Belgodère, directeur marketing de l'UCPF. "On
ne rentabilisera les places, on n'augmentera le nombre de spectateurs
qu'en proposant de nouveaux services, en accueillant mieux les gens. Car
la concurrence est sévère sur le secteur des loisirs."
Une fois
posé ce postulat, les clubs sont souvent désarmés en terme de stratégie.
Mais qu'à cela ne tienne: la Ligue (LFP) a loué pour eux les services
du consultant Marshall Glickmann, ex-patron des Portland Trailblazers,
plus connu durant sa période NBA pour les taux de remplissage faramineux
du Moda Center de la capitale de l'Oregon que pour les résultats de son
équipe de basket.
Invité fin septembre à s'exprimer devant les présidents de club,
rencontrés depuis un par un lors d'entretiens personnalisés, Glickmann
veut révolutionner les mentalités: "Un siège est un actif, au même titre
qu'un joueur", a martelé l'expert, très critique envers le credo
français selon lequel la victoire est la meilleure des stratégies
commerciales.
"L'aspect sportif a finalement peu d'importance sur
une certaine frange de marketing", reprend Bruno Belgodère. "Si on fait
des efforts, on garde un socle de spectateurs. Si le club ne flambe
pas, la qualité des services peut gommer les aspérités."
En clair,
les programmes de fidélisation, la dématérialisation des billets, les
offres d'entrées par pack, la modification des horaires, l'amélioration
des accès aux stades, leurs offres de connectique et bien sûr les
services de restauration de différentes gammes doivent permettre à la
France de rattraper son retard abyssal: en Ligue 1, 13% des recettes des
clubs sont réalisées les jours de match (billetterie et consommations)
contre 25% en Premier League et 44% en Bundesliga !
L'équation ne
semble pourtant pas si simple. D'abord en raison d'une grande
différence entre la Ligue 1 et la NBA par exemple, où les clubs sont
assurés de leur place et ne risquent pas une relégation sportive,
quelles que soient leurs performances sur le parquet.
"Il ne faut
pas croire que les nouveaux stades vont suffire à faire venir les
gens", estime Lionel Maltese, spécialiste en marketing sportif,
professeur à la Kedge Business School. "Si le contenu ne suit pas, ce
sera comme un joli magasin vide. Ce qui attire le public avant tout,
c'est la performance sportive et le résultat."
L'OM en est le meilleur exemple: le nouveau Vélodrome, "malgré
des services un peu meilleurs, n'est pas comparable avec les nouveaux
stades de référence", estime Maltese. Il bat pourtant tous les records
en terme de taux de remplissage depuis le début de la saison grâce aux
exploits des joueurs de Marcelo Bielsa. "Aux Etats-Unis, les spectateurs
ont autre chose à faire que regarder le match. En France, ils viennent
d'abord pour ça."
En matière de culture et de structures
sportives, la France est donc aux antipodes des Etats-Unis et c'est bien
la limite de la mission de Marshall Glickmann, assisté du coup dans son
audit de plusieurs experts français qui maîtrisent eux, par exemple,
les subtilités et difficultés de la co-gestion des stades entre collectivités, clubs et constructeurs/exploitants. Tous rendront leurs conclusions début 2015 au Comité Stades de la LFP.
Seule
unanimité, l'optimisation des nouveaux stades passe par une meilleure
connaissance des spectateurs et de leurs attentes, le fameux Customer
relationship management(CRM) cher aux spécialistes de marketing.
Aujourd'hui, aucun club ne dispose d'une base de données performante,
capable de le renseigner sur l'identité, la fréquentation, les goûts,
les attentes de ses spectateurs en matière de services.
En
Europe, ceux qui se sont lancés dans la collection de ces données ne
désemplissent pas, à l'image d'Arsenal, capable de suivre ses fans à la
trace. A condition toutefois d'assurer un minimum de spectacle.
(AFP)
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