lundi 12 décembre 2016

Red Star, Wimbledon, Sankt Pauli... Des alternatives au foot-business existent

Budgets, salaires, transferts... Le football d'aujourd'hui brasse des sommes d'argent absolument énormes, comme l'a encore révélé récemment le scandale "football leaks". Mais si les enjeux économiques sont désormais autant commentés que les buts et les jolis gestes, des tentatives de proposer un "autre football" émergent néanmoins, constate l'historien Michaël Delépine."Y en a pas un sur cent et pourtant ils existent. La plupart fils de rien ou bien fils de si peu" [1]. Que Léo Ferré nous pardonne cet emprunt qui illustre pourtant, à sa manière, les tentatives actuelles de contrer les dérives de ce que certains appellent le "football business".

Difficile d'ailleurs de ne pas tomber dans la caricature quand on aborde la question. Et nous n'échappons pas à la règle en citant Ferré... Car les fantasmes sont nombreux, les relectures du passé évidentes, les raccourcis dangereux et le "c'était mieux avant" jamais loin. Mais en même temps... Difficile de ne pas tomber dans ce piège tant le football actuel se caricature lui-même par ses excès financiers. Budgets, salaires et transferts sont désormais autant commentés dans les cours de récréation que les buts et les jolis gestes...

Pourtant. De l'actionnariat participatif aux clubs autogérés, des fans créant un nouveau club aux équipes érigées en contre-modèles, les tentatives de proposer un "autre football" sont nombreuses et variées. Petit panorama.

Des supporters engagés socialement

"Le Red Star, c'est l'histoire d'un foot populaire qui ne veut pas mourir, entre héritage footballistique plus ou moins fantasmé, culture des tribunes, âme d'un club et anti-football business". Cet extrait d'une émission de France Culture est une assez juste présentation de cet historique du football français et parisien.

Installé à Saint-Ouen depuis 1909, le club n'est toutefois pas un pur produit de la "banlieue rouge". Fondé en 1897, son nom comme son blason n'ont aucune connotation politique. Quand à Jules Rimet, père fondateur du club, il n'était guère d'extrême gauche. Mais nier au Red Star sa dimension populaire serait toutefois une erreur. Situé à quelques encablures du marché aux puces, son stade porte le patronyme d'un résistant communiste, le docteur Bauer, dans une ville qui vient tout juste de virer de bord aux dernières municipales. Politiquement parlant bien sûr. Ses supporters multiplient les engagements associatifs (Restos du cœur, Secours Populaire...), déifient un certain Rino Della Negra [2], rare incarnation du footballeur résistant et tentent de sauver un stade qu'ils ont quitté il y a un an et demi, montée en Ligue 2 oblige.

Parce que "le Red Star, c'est Bauer", ils ont mis en place un "crowfunding" sur le site Fosburit, et espèrent rassembler 2.999 donateurs. Ce collectif n'envisage pas d'assurer la totalité d'une hypothétique rénovation mais souhaite simplement y participer ou financer des études de faisabilité d'un stade "où tout le monde se croise, à l'inverse de l'ensemble des stades ou l'on sépare les accès aux tribunes et les spectateurs, suivant la tribune et le prix de la place qu'ils paient" [3].

Des projets d'actionnariat populaires

Mais certains vont encore plus loin : "Le MFC se place en opposition aux réalités actuelles du football moderne telles que l'omniprésence de l'argent, l'hypersécurisation des stades ou la répression des supporters". Ainsi se définit le tout jeune Ménilmontant FC 1871. Fondé en 2014, ce club de la Ligue de Paris, district de Seine-Saint-Denis, se présente comme une équipe de football autogérée.
Disposant d'une "société par actions simplifiée" qui projette à terme d'entrer dans le capital du club, l'actionnariat populaire doit servir de contre-poids à l'actionnariat majoritaire, en obtenant des représentants dans les différentes assemblées du club.

Précurseurs en la matière en France, soutenus par l'association Supporters Direct et la Commission européenne, les 2.300 membres d'"A la nantaise" veulent faire entendre leur voix au sein de leur club, ce qui existe déjà sous différentes formes en Allemagne, en Espagne ou en Angleterre. Car si les initiatives françaises sont encore confidentielles ou à l'état d'ébauche, à l'étranger, certains clubs semblent fort avancés en la matière. Trois sont habituellement cités.

Un caractère alternatif pleinement exploité

Le FC United of Manchester a été fondé par des supporters déçus de l'évolution de leur club de cœur, Manchester United. L'équipe débute dans le monde amateur en 2005-2006 puis gravit les échelons : elle joue désormais en National League North, soit la 6e division anglaise. Il y a un peu plus d'un an, le club a financé la construction de sa propre enceinte, Broadhurst Park (4.400 places), inaugurée le 29 mai 2015.

Autre exemple emblématique, celui de Wimbledon. A l'été 2002, la décision de délocaliser le vainqueur de la Cup 1988, à Milton Keynes, ville nouvelle du Buckinghamshire, a sonné l'heure de la révolte. Une nouvelle équipe est crée et, pour le premier match, 2.449 fervents supporters se pressent au stade. Quatorze ans plus tard, le jour est historique : l'AFC Wimbledon dépasse au classement son ancienne maison mère, qui a entre temps, sacrilège ultime, opté pour un nouveau nom (Milton Keynes Dons)...

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Le blason ne ment pas : un navire parisien aux voiles rouge et noir, les canons de la Commune de Paris, également présente par cette date, 1871. Engagé. C'est sans doute le terme qui définit le mieux le MFC. Chants et banderoles le rappellent à chaque match : soutiens aux migrants, hommages à Adama Traoré ou Clément Méric, lutte contre la loi Travail, l'homophobie... Que l'on aime ou que l'on déteste, que l'on s'inquiète ou s'enthousiasme d'une politisation aussi ouvertement affichée, voilà en tout cas un club qui ne pourra pas être taxé d'avoir réécrit son histoire...

En France toujours, mais dans un tout autre registre, "A la nantaise" mobilise une extrême variété d'acteurs : anciens joueurs, hommes politiques, supporters, universitaires, avocats, chefs d'entreprises... Tous souhaitent "défendre et promouvoir les valeurs du football nantais" [4], rassemblées dans un "Pacte Arribas" qui insiste sur la formation, le plaisir de jouer et l'esprit collectif.

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.