lundi 9 septembre 2013

Y a-t-il un public pour deux clubs de rugby à Paris ?

Le Racing et le Stade Français évoluent aujourd’hui à un niveau plus proche que jamais. Mais peuvent-ils coexister à long terme en dépit d’un public volatile ? L'Equipe du 8 septembre a mené l'enquête. Extraits...



Les deux clubs luttent pour séduire des spectateurs venus des mêmes zones géographiques.
[...] Les deux clubs d’élite franciliens puisent la plupart de leurs spectateurs dans le sud-ouest de l’Ile-de- France. Pour le Racing, Arnaud Tourtoulou, directeur général, explique : «Notre coeur de cible, ce sont les communes limitrophes (de Colombes). Nous avons deux arrondissements de Paris surconsommateurs : le XVe et le XVIIe, le XVIe arrive en troisième position. » Pierre Arnald, son homologue au Stade Français, détaille la provenance des fans du club : «Des départements limitrophes, Yvelines, Essonne, les XVIIIe et XIXe arrondissements, d’où viennent les supporters les plus populaires, des XVe et XVIe arrondissements et de Boulogne-Billancourt.» Il y a donc une véritable concurrence directe dans le sud des Hauts-de-Seine, le XVe et le XVIe arrondissement. Mais combien de spectateurs assistent aux rencontres des deux équipes ? «Il y a un public francilien global quiva aussi aux matches de l’équipe de France et du Stade Français, confirme Tourtoulou. On en est sûrs mais on ne sait pas encore le quantifier. On est en train de l’évaluer et de peaufiner nos analyses. » Arnald avance le chiffre de « 20% du public qui vient suivre les deux équipes ». Une part qui aurait tendance à baisser « parce que les deux entités se renforcent » : « Aujourd’hui, on choisit davantage son club.» C’est presque un paradoxe alors qu’ils se rapprochent géographiquement. Il y a 15 km entre Jean-Bouin et Colombes, il n’y en aura plus que neuf avec l’Arena 92 à la Défense, qui permettra aussi au Racing de rééquilibrer le match de l’accessibilité.Un élément clé, la preuve, cette année le Racing fait l’effort dans ce domaine. «En partenariat avec la RATP, il y a de nouvelles navettes gratuites qui viennent de Paris, notamment de la porte Champeret et on a plus de 2 500 places de parking supplémentaires, liste Tourtoulou. À la Défense, 90% des gens viendront par des transports publics.» Reste à éviter les «doublons» [...]. Pour la Ligue, c’est une priorité mais l’accumulation de requêtes oblige à quelques sacrifices. Et les clubs ont toujours la possibilité de demander le changement d’horaire du match. [...]

« Jouer en alternance à Jean-Bouin »

ÉRIC BLANC a été joueur (1975-1992), puis coprésident du Racing (2001-2005). Aujourd’hui consultant pour L’Équipe 21, il pense que les deux clubs devraient partager l’antre du Stade Français. « CE N’EST PAS compliqué, quand je jouais, le Stade Français n’existait pas. Pas même à l’école de rugby. Le seul vrai grand rival à cette époque-là, c’était le PUC. Et jusqu’à ce que Max Guazzini s’occupe de faire mousser le Stade, il n’y avait pas vraiment de public à Paris. Même quand on a été champions de France en 1990, on ne devait pas faire plus de cinq ou six mille spectateurs à Colombes pour les matches de gala. Pourtant, on était le seul club parisien en Première Division.Alors même si Guazzini a réussi à remplir plusieurs fois le Stade de France, même s’il y a bien sûr le potentiel pour deux équipes à Paris, il reste à prouver qu’il peut exister deux publics. Parce que le club de Paris, le club de banlieue, ça ne veut rien dire. On se chambre de part et d’autre du périph, mais tout ça, c’est du folklore. Les matches de ce soir à trois heures d’intervalle vont être parlants et vont salement enfoncer Colombes. Jean-Bouin, c’est un stade de ville à dix minutes de chez soi. Je ne sais pas si ce que je vais dire va faire plaisir à Jacky Lorenzetti (le président du Racing), mais je crois qu’en attendant d’avoir son stade le Racing devrait jouer en alternance à Jean-Bouin. Tout le monde répète que ce stade c’est « la maison du rugby parisien », eh bien, c’est le moment de prouver que c’est même la maison du rugby du Grand Paris. Après tout l’AC Milan et l’Inter partagent bien le même stade et le PSG et le Matra-Racing en ont fait autant au Parc des Princes. Et je suis sûr que la Mairie de Paris serait très heureuse de récupérer un loyer supplémentaire…»

[...]
EN OCTOBRE 2012, le Racing-Métro inaugurait son centre d’entraînement et de formation au Plessis-Robinson. Un bijou de deux hectares et un outil exceptionnel pour former ses pépites de demain comme pour permettre à l’équipe première de s’entraîner. Las, le vieux stadeYves-du-Manoir, dépourvu de loges même si le club accueille jusqu’à 1 000 personnes pour manger avant ou après chaque match, n’est pas à la hauteur, et Jacky Lorenzetti galère pour construire son grand rêve, l’Arena 92 à La Défense, une enceinte de 32 000 places qui servirait aussi de salle de spectacle. Le projet a pris beaucoup de retard à cause de problèmes de financement (entièrement privé) et de recours posés par les riverains, et ne sera pas opérationnel avant fin 2016, au mieux.

Résultat des courses : 7. 911 de différence de spectateurs dimanche 8 septembre entre Jean-Bouin (15 535)
et Yves-du-Manoir (7 624). Le Stade Français a donc, comme prévu, gagné la bataille du public par rapport au Racing.

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.