mercredi 12 décembre 2012

Droits télé : les villes veulent leur part pour financer les stades

Entre les collectivités locales et les clubs professionnels, c’est souvent « Je t’aime moi non plus ». Si le couple est aujourd’hui inséparable, les premières ont trop souvent l’impression d’avoir le couteau sous la gorge au moment de financer les installations. Alors elles demandent une part des importants droits télé… en attendant de pouvoir céder la propriété des stades à leurs utilisateurs.


Les collectivités locales veulent bénéficier d’une partie des droits télé liés au sport pour financer les infrastructures dont elles sont propriétaires. La demande a été exprimée par l’Association nationale des élus en charge du sport (Andes) lors de sa récente rencontre avec l’Association nationale des ligues de sports professionnels (Anlsp), qui regroupe les ligues de basket-ball, de football, de handball, de rugby et de volleyball.
Elle intervient dans un contexte financier très tendu pour les collectivités et alors que les pressions indirectes se multiplient de la part des ligues professionnelles. En effet, par le biais de la Licence club en football ou du Label stade en rugby, entrés en vigueur cette saison, les exigences sont de plus en plus fortes. Pour les collectivités, il s’agit de billard à trois bandes : quand une ligue incite son club à améliorer ses installations, celui-ci se retourne vers la collectivité, propriétaire du stade, qui se trouve dos au mur et finit par réaliser les aménagements demandés.

Niort et le Gazélec Ajaccio financièrement pénalisés

Si les normes de la licence ou du label ne sont pas obligatoires pour participer aux compétitions, elles sont toutefois financièrement incitatives. En football, une partie des droits télé est ainsi reversée aux clubs si et seulement si leurs installations obtiennent une note minimale. En Ligue 2, Niort et le Gazélec d’Ajaccio, recalés, ont donc vu s’envoler environ un million d’euros. « Niort a un budget de six millions d’euros, inutile de dire qu’on favorise sa descente et pas son maintien (le club est actuellement relégable, comme le Gazélec d’Ajaccio, Ndlr), explique Jacques Thouroude, président de l’Andes. Je ne vois pas comment Niort peut investir dans un stade qui ne lui appartient pas. » D’où l’idée que les collectivités, propriétaires de près de 90% des stades et salles des clubs pro, récupèrent une partie de la manne des droits.
Proposition farfelue ? Pas si sûr. Après David Douillet début 2012, Valérie Fourneyron, nouvelle ministre des Sports, s’est émue que la manne des droits télé du football ait servi à recruter des joueurs plutôt qu’à investir dans l’outil de travail qu’est le stade. Donner leur part aux communes pourrait être la garantie qu’une partie de l’argent arrivera bien à destination. Du côté de l’Anlsp, on comprend cette position : « Il est évidentissime (sic) qu’une augmentation très forte des droits télé consacrée uniquement à une inflation des rémunérations, c’est absurde, réagit son président Patrick Wolff. A la Ligue de rugby, je suis debout sur le frein pour dire que l’argent supplémentaire ne doit pas aller dans une inflation des rémunérations mais dans le financement d’équipements structurants. Mais pourquoi le football a-t-il utilisé ses droits télé pour augmenter les rémunérations ? Tout simplement parce qu’il doit s’aligner face à des pays qui n’ont pas les mêmes contrôles de gestion, qui n’ont pas toujours les mêmes sources de revenus ou les mêmes types d’actionnaires. » Et Patrick Wolff de promettre : « Au rugby, s’il y a une augmentation des droits télé en 2014, on va mettre en place des garde-fous pour que l’argent aille d’abord dans l’équilibre financier des clubs, ensuite dans les centres de formation et dans les rénovations de stades, par la définition d’un véritable rapport contractuel entre les clubs, la ligue et les différents pouvoirs publics. »

Favoriser l’acquisition des stades par les clubs

Si la proposition des élus locaux correspond à un besoin, le vrai but de leur manœuvre est ailleurs. Ce qu’ils veulent, c’est bien que les clubs prennent leurs responsabilités… et deviennent propriétaires des stades. « La première des choses à faire est de favoriser l’acquisition de l’outil de travail des clubs. S’ils deviennent propriétaire de leurs installations, ils vont pouvoir négocier avec un poids économique plus important. Leur valeur ne sera plus que la valeur de l‘équipe mais une valeur globale incluant les installations. Aujourd’hui, ils sont totalement dépendants des télés », plaide Jacques Thouroude.
Du côté des ligues, on n’est pas contre cette évolution. Qui serait une vraie révolution dans le sport professionnel français. Et l’on compte beaucoup sur la loi-cadre sur le sport attendue en 2013 pour donner aux clubs des passerelles juridiques vers l’acquisition de leurs enceintes. Ils pourraient alors disposer de la totalité des droits télé et devraient dès lors faire des arbitrages entre les salaires des joueurs, d'un côté, et les rénovations des stades, de l'autre… en toute responsabilité.

 (Source  : RFI)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.