Une enquête de l’émission Cash investigation sur France 2 a mis en lumière l’opacité
de certaines pratiques dans le foot français et la légèreté de la FFF par rapport à ses propres
règlements sur les agents. Avec en filigrane cette question: le foot est-il au-dessus des lois ?
Le titre était un peu racoleur: «Foot
business, enquête sur une omerta». Avec
près de 1,5 million de téléspectateurs
devant France 2, mercredi dernier, un record
pour ce programme de deuxième partie de
soirée, l’émission Cash investigation a pourtant
secoué le petit monde du football français.
À commencer par Noël Le Graët, que l’on avait
rarement vu aussi mal à l’aise lors d’un entretien
avec la journaliste Élise Lucet sur le thème des
agents. Ses réponses courtes, parfois arrogantes,
témoignaient de sa méconnaissance du dossier,
lequel relève pourtant des services de la FFF.
Tout en affirmant que le foot français était «sain
et géré de façon exemplaire», Le Graët s’est
perdu sur deux points de règlement qui
concernent la déclaration des mandats liant
un agent à un joueur (ou à un club) ainsi que
la radiation des agents pénalement condamnés
et qui ne devraient plus exercer. Tout en
reconnaissant le caractère «obligatoire» du
dépôt des mandats par les agents, le président
de la FFF a d’abord déclaré que ce n’était pas
non plus «un drame s’ils ne le font pas». Avant
de couvrir quelques agents qui «normalement
ne devraient plus avoir de licence mais qui se
comportent très bien et qui sont des types bien»,
et d’affirmer que «les règles à la FFF sont
respectées dans leur quasi-totalité».
Cette
dernière phrase a provoqué une virulente
réaction du SNAS (le Syndicat national des
agents sportifs), qui, via un communiqué, a
appelé à la démission de Le Graët. «Le président
de la FFF avoue que ses règlements ne
s’appliquent pas à ceux qui sont bien en cour et
ce, même s’ils se moquent des lois, explique l’un
des deux syndicats d’agents en France. Dans ce
monde, seule existe la loi du plus fort. Le football
ne saurait plus longtemps rester au-dessus de la
République, et il est temps que le ministère cesse
son incroyable mansuétude face à des instances
dont le management a conduit aux désastres de
la Coupe du monde 2010, de l’Euro 2012 et très
probablement à celui de 2014.» Au-delà de ce
communiqué, Bertrand Cauly, le président de ce
syndicat, va plus loin. «Noël Le Graët a montré
de manière éclatante que beaucoup d’agents, qui
travaillent dans la légalité, peuvent désormais se
sentir cocus ! La confiance est rompue. Il a ouvert
la boîte de Pandore en montrant que le foot était
au-dessus des lois et que tout était finalement
permis.» L’enquête de France2 n’a d’ailleurs pas fait réagir que des agents. Elle a aussi interpellé
plusieurs parlementaires qui ont l’intention d’en
appeler à Valérie Fourneyron, ministre des
Sports et autorité de tutelle de la FFF, pour que
les règlements soient appliqués.
La
Fédération, elle, n’a pas souhaité réagir, pour
l’instant. Noël Le Graët aurait en effet
reçu le soutien des «gros
agents» réunis au sein de l’UASF
(Union des agents sportifs de
football), qui n’est pas solidaire
de l’action menée par ses
confrères. Si le SNAS réunit plus
d’adhérents en nombre (une
cinquantaine), l’UASF compte
une trentaine de membres parmi
ceux qui possèdent les plus gros
portefeuilles de joueurs. «La demande de
démission de M. Le Graët de la part du SNAS
n’engage que ce syndicat, précise Stéphane
Canard, le président de l’UASF qui est le seul
syndicat à siéger à la commission des agents
sportifs de la FFF. Je ne sais pas ce que ce
syndicat recherche exactement, mais il prend
rarement du recul. Je n’aime pas les sous-entendus
selon lesquels on boirait la même soupe
que la FFF. Je vous assure que la Fédération
française est l’une des plus strictes avec ses
règles.Mais il faut reconnaître qu’il y a eu une
dérive énorme du nombre des agents en France.
Quand on a créé notre syndicat, en 2003, avec
Pape Diouf et Philippe Flavier, il y avait environ
70 agents. Aujourd’hui, il y en a officiellement
341 sans parler des étrangers qui bossent aussi
chez nous. C’est beaucoup trop et cela peut
expliquer certaines dérives.»
Devant cet engouement pour le
métier, la FFF semble débordée.
La liste des contrats enregistrés
auprès de ses services juridiques
n’a pas été actualisée sur son site
Internet depuis… le 3 mai 2013 !
On y trouve d’ailleurs des
joueurs enregistrés auprès
de plusieurs agents –ce qui est
illégal–, comme Claudio Beauvue,
transféré en juillet de Châteauroux à Guingamp,
un club cher au président Le Graët. La FFF a
donc du mal à faire la police. Mais en a-t-elle
vraiment envie ? «Les propos de Noël Le Graët
sèment un énorme doute sur le maintien de
rentes relationnelles détenues par certains agents
dans certains clubs, peste un agent reconnu. Il ne
fait que suivre en cela ses prédécesseurs, mais cet
aveu est terrible pour lui et l’image du football en
général.
(Source : France football)
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