Du gazon et 18 trous à la place de la forêt tropicale et des caïmans ?
Le futur golf olympique de Rio de Janeiro est au coeur d'une bataille
judiciaire qui pourrait paralyser son chantier.
Un juge de Rio a
accordé mercredi un délai de 45 jours à la municipalité et à
l'entreprise Fiori, qui construit le futur parcours olympique, pour
qu'elles puissent soumettre un projet réduisant l'impact environnemental
des travaux, déjà réalisés à 60%.
A l'audience, le juge Eduardo
Klausner s'est manifesté pour une solution de compromis: respect des
"engagements olympiques" certes, mais sans nuisance excessive à
l'environnement.
Lorsque, en 2009, Rio de Janeiro a été élue ville
hôte des jeux Olympiques d'été 2016, le Comité international olympique
(CIO) a décidé d'inclure le golf au menu des disciplines, pour la
première fois depuis les éditions 1900 et 1904. Un paradoxe dans cette
ville où le football est roi et le golf un sport pour riches largement
méconnu des Cariocas.
Rio de Janeiro comptait déjà deux parcours
de golf privés. Mais le Comité d'organisation local (COL) et la
Fédération internationale de golf (FIG) ont estimé qu'ils ne
présentaient pas "les conditions adéquates" pour un parcours olympique,
selon le porte-parole de l'Entreprise olympique municipale (EOM).
Il
fallait donc construire un nouveau parcours, d'une superficie de 58.400
m2, qui deviendrait public après les JO, dans l'espoir de "populariser
ce sport" à Rio.
Mais où ? Les organisateurs ont logiquement jeté leur dévolu sur
un terrain proche de la future Cité olympique, dans le quartier de Barra
da Tijuca, l'extension moderne de Rio de Janeiro.
Seul hic: ce
terrain privé est situé à côté de la lagune de Marapendi, un écosystème
ravagé par l'activité minière il y a des décennies mais déclaré par la
suite zone protégée. La forêt tropicale atlantique y a repoussé. Et peu à
peu le site est redevenu un paradis pour les caïmans, les caypibaras
-le plus gros rongeur de la planète- et de nombreux oiseaux.
Sauf
que depuis le début des travaux, les constructeurs du golf ont
allègrement taillé dans la forêt, menaçant tout cet écosystème
renaissant, au grand dam des écologistes.
L'entreprise Fiori,
propriétaire du terrain et chargée de construire le nouveau parcours
pour un coût évalué à 60 millions de réais (19,6 millions d'euros),
prévoit en outre d'édifier aux alentours de luxueux immeubles
d'habitation de 20 étages chacun.
Pour accorder le label-vert nécessaire à l'autorisation du chantier, la mairie de Rio s'est livrée à un tour de passe-passe: elle a fait modifier le texte encadrant les critères de préservation de la zone.
Il a suffi de modifier un mot: la "zone de préservation de la vie
sylvestre" initiale, qui interdisait formellement toute intervention
humaine, est devenue une simple "zone de préservation", avec des
critères beaucoup plus souples, a expliqué à l'AFP l'ingénieure
forestière Isabel Lobato. En total désaccord, elle a démissionné en
février de son poste de coordinatrice pour la conservation et la
protection environnementale du secrétariat de Rio à l'Environnement.
"Le
seul fait de planter du gazon n'aide pas à l'objectif de conservation
de la vie sylvestre parce que cela empêche tout processus de
récupération", dénonce Mme Lobato.
Au début de la bataille
judiciaire, le parquet de Rio avait demandé la suspension du permis
environnemental, en dénonçant les dommages causés. Il avait aussi pointé
des erreurs dans le processus ayant débouché sur l'octroi du label-vert
du golf olympique.
Mais lors des dernières audiences, il s'est
finalement prononcé en faveur de la poursuite des travaux, sauf dans une
frange de forêt tropicale large de 400 mètres située à l'extrémité du
parcours.
Le respect de ces nouveaux paramètres affecterait au
minimum cinq des dix-huit trous du parcours initial dessiné par
l'Américain Guy Hanse. Ce qui rendrait "impossible" l'achèvement des
travaux à temps pour les JO, font valoir les avocats de l'entreprise
Fiori.
La mairie de Rio, qui n'a pas autorisé l'AFP à visiter le chantier, se déclare
quant à elle disposée à étudier toute modification du projet. Mais pas
avant les JO.
Les travaux, qui ont débuté avec un an de retard,
devraient être achevés avant un test prévu mi-2015. Le gazon a commencé à
être planté en août. Et 60 golfeurs de 30 pays sont attendus en 2016 à
Rio.
(AFP)
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