Le mode d'attribution des subventions du Centre national pour le financement du sport (CNDS) pourrait être bientôt profondément remanié. Cible privilégiée envisagée à l'avenir : les grands équipements structurants, dans le cadre de politiques contractuelles entre l'Etat et les collectivités. Un rôle de chef de file pourrait alors être dévolu aux régions.
Décidément, le CNDS (Centre national pour le développement du sport) n'en finit plus de faire parler de lui. Après l'annonce, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2015, d'une baisse significative des crédits sur le prochain triennal (-41 millions d'euros), après la révélation d'une coupe conséquente dans l'enveloppe réservée aux subventions d'équipements lors de la session d'automne (de quelque 25 millions à 10 millions d'euros), voilà que c'est la formule même de l'attribution de ces subventions qui devrait être profondément remaniée.
Lors d'une réunion d'information tenue le 22 octobre en présence des parties prenantes du CNDS (mouvement sportif et élus locaux), le directeur des Sports a confirmé que l'effort budgétaire porterait à l'avenir sur les crédits du centre, tandis que le budget du ministère des Sports serait, lui, préservé. En conséquence, les subventions d'équipements devraient se concentrer sur des équipements structurants, dans l'optique notamment de l'organisation par la France de grandes compétitions internationales, et devraient se faire sur la base de politiques contractuelles. La "mise en sommeil" de l'enveloppe générale est ainsi quasiment actée.
Une politique contractuelle, avec qui ?
Cette enveloppe générale qui, en 2013, a octroyé près de 70 millions d'euros à 185 projets de construction ou de rénovation d’équipements sportifs, était répartie par un comité de programmation. Or le mode de fonctionnement du comité de programmation, qui examinait plusieurs centaines de demandes de subventions par an, est jugé trop coûteux, notamment parce qu'il sollicite les services déconcentrés du ministère des Sports (DRCSJS) pour l'instruction des dossiers.
L'avenir serait donc à une politique contractuelle par laquelle l'Etat lancerait des appels à projets correspondant à ses intérêts, partagés avec le mouvement sportif et les élus. Une formule inédite pour les équipements sportifs qui posent deux questions principales.
La première est celle du cocontractant. A qui l'Etat fera-t-il appel ? On imagine mal qu'il contracte directement avec les communes, celles-là même qui devraient désormais voir leurs projets pas assez structurants écartés. Le premier niveau de collectivité qui vient à l'esprit est donc la région, probable chef de file d'une compétence sport partagée.
Jacques Thouroude, président de l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport), ne voit pas d'un bon oeil un futur tandem Etat-région à la manoeuvre dans le domaine des équipements sportifs : "Les régions prendront demain un tel poids qu'il est à craindre que les directions régionales Jeunesse et Sport n'aient plus aucune marge de manœuvre, ce sera leur mort telles qu'on les connaît aujourd'hui. Ça ne tiendra pas la route. Le CNDS est un lieu de concertation qui rassemble tous les acteurs. Si on supprime le comité de programmation, il n'y aura plus cette concertation."
Pour Pascal Bonnetain, président de la commission Sport de l'Association des régions de France (ARF), il ne faut pas voir de menace de la part des régions : "Le chef-de-filat, ce n'est pas être propriétaire de la clause de compétence. Il y a des conférences régionales, comprenant l'ensemble des collectivités et des acteurs du sport. Cela devrait donner une belle feuille de route. La conférence régionale doit aboutir à un schéma régional pour organiser la mise à niveau des équipements existants. Je ne parle donc pas de responsabilité de la région, qui s'applique à une collectivité, mais du territoire qui implique tout le monde."
D'ailleurs, selon la physionomie finale que prendra la réforme des collectivités, il n'est pas impossible que des acteurs différents soient impliqués dans la nouvelle politique de contractualisation. L'éventuel maintien de départements en zones rurales pourrait faire de ceux-ci l'interlocuteur de l'Etat. Le cas des métropoles pourrait, pourquoi pas ?, déboucher sur un partenariat inédit. Les modalités de mise en œuvre, assure-t-on, ne sont pas encore arrêtées. Elles feront prochainement l'objet de directives qui seront soumises au conseil d'administration du CNDS, le 19 novembre prochain.
Des équipements structurants dans des régions spécialisées ?
Deuxième question : les équipements structurants doivent-ils être une priorité ? L'éventuelle candidature de Paris aux JO 2024 étant dans toutes les têtes, l'Etat se demande de quels équipements ont besoin les équipes nationales pour l'entraînement des athlètes de haut niveau, mais aussi pour accueillir de grandes compétitions. "Il manque actuellement des grands équipements dans certaines disciplines, plaide Denis Masseglia, président du CNOSF (Comité national olympique et sportif français). Les Pays-Bas ont dix-huit anneaux de vitesse sur glace, on n'en a pas un seul. Et c'est parce qu'on a le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines qu'on a obtenu l'organisation des Mondiaux de cyclisme 2015."
Du côté des élus territoriaux, le son de cloche est différent. S'il reconnaît le retard français dans certaines disciplines, plaide pour une spécialisation des régions, car "on ne pourra pas faire du haut niveau partout", et juge que des équipements structurants pour le territoire peuvent être un atout pour une candidature à l'organisation d'un grand événement, Pascal Bonnetain reconnaît toutefois que "les maires ont aujourd'hui plus envie de rénover et de mettre à niveau leurs établissements que d'en construire". Quant à Jacques Thouroude, il pense que "mettre un nouveau coup de ciseau sur l'enveloppe équipements serait une erreur pour le développement du sport dans notre pays".
De fait, la perspective de voir les subventions du CNDS s'orienter vers des équipements structurants, qui plus est dans la perspective de l'organisation de grandes compétitions, éloigne singulièrement du premier objectif visé par l'article R. 411-2 du Code du sport qui stipule que le CNDS contribue "au développement de la pratique du sport par le plus grand nombre". "Le CNDS, rappelle Denis Masseglia, a été conçu pour être au service du développement du sport. Si l'on comprend que tout le monde doit faire un effort, il faut que celui-ci soit partagé. Il ne faut pas qu'il y en ait un qui ait tout le temps raison, fût-il l'Etat. Le mécontentement actuel n'est pas que celui du président du CNOSF, il émane du terrain. Ce qui émane du terrain, c'est la difficulté de cogestion. Le mouvement sportif a peur."
Mais ce n'est pas tout. Après les subventions d'équipements, la part territoriale du CNDS (subventions aux associations locales) maintenue à 132 millions d'euros pour les trois ans à venir, pourrait à son tour subir un toilettage complet. Pour abonder les crédits en faveur des grands événements sportifs, comme cela semble être la volonté gouvernementale, son niveau est sans doute appelé à diminuer après 2017. Une prochaine enquête sur l'effet de levier de ces subventions, sur le modèle de ce qu'a été le rapport Mauvilain pour les équipements (lire ci-contre notre article du 31 juillet 2014), n'est pas à exclure…
(Localtis)
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